Économie

Incendies en Algérie : « Les pertes n’ont pas de prix »

L’économiste Brahim Guendouzi revient sur l’impact économique du covid et des incendies qui ont ravagé les forêts d’Algérie du 9 au 17 août. Les pertes humaines, les pertes de patrimoine arboricole « n’ont pas de prix pour faire l’objet d’une évaluation », a-t-il estimé.

Les incendies dévastateurs qui ont frappé le nord de l’Algérie, notamment la Kabylie, ont provoqué beaucoup de morts et des dégâts matériels importants. Quel est l’impact de ces incendies sur l’économie locale et nationale ?

Déjà avant le gigantesque sinistre, la Kabylie ressentait sa situation économique se dégrader en termes de faiblesse des ressources au niveau des collectivités territoriales, de taux de chômage élevé particulièrement chez les jeunes, l’absence de projets industriels structurants puisque l’investissement productif étant insignifiant, etc.

Les incendies ravageurs créant une atmosphère de « fin du monde » ont anéanti les espoirs d’une population qui ne s’attendait pas à cela. Heureusement, le courage, la résilience et l’élan de solidarité ont fait en sorte que les têtes sont restées hautes malgré les énormes pertes humaines et matérielles.

L’optimisme veut qu’il faille croire en la reconstruction d’une économie locale et à la régénérescence des espèces végétales et animales de la région et ce, avec la participation de tous.

Une évaluation exacte des dégâts est-elle possible vu l’étendue des préjudices ?

Les pertes humaines, les pertes de patrimoine arboricole (particulièrement des oliviers et figuiers) ainsi que de façon générale les pertes en flore et faune, n’ont pas de prix pour faire l’objet d’une évaluation.

Cela restera dans la mémoire collective sur plusieurs générations ! Les autres dégâts des incendies sur les habitations, les récoltes ou les moyens de production seront évidemment évalués par des services spécialisés. Aussi, le lancement  d’un  programme économique multisectoriel dédié aux zones sinistrées par les incendies de cet été s’avère opportun.

L’Algérie a également traversé une 3e vague de covid-19 particulièrement meurtrière. Quel est l’impact sur l’économie du pays ?

La troisième vague du covid-19 induite notamment par son variant Delta, a pris à l’improviste aussi bien les citoyens que les autorités sanitaires, qui ne s’attendaient pas à l’ampleur dans le nombre de contaminés et surtout les cas graves voir même les décès.

La crise de l’oxygène vécue, surmontée grâce aussi à l’élan de solidarité, nous interpelle tous sur nos négligences, citoyens et structures sanitaires et administratives. La pandémie évolue de façon incertaine et la vigilance est de mise. Aussi, la prudence et les mesures préventives restent le meilleur rempart contre le virus.

Comment évaluez-vous la situation économique globale du pays ?

Selon l’ONS, l’économie algérienne a renoué avec la croissance au premier trimestre 2021 enregistrant un taux de 2,4 % sur un an, alors qu’en 2020 elle a subi une contraction de son PIB (récession)  de l’ordre de 6 %.

Par contre, la croissance hors hydrocarbures reste molle avec seulement 1,4 % sur un an. Aussi, pourrait-on conclure que c’est grâce à la tendance haussière des cours du pétrole qu’un taux de croissance positif soit rendu possible.

Au demeurant, il y a lieu de relativiser ces résultats du fait du rebond des contaminations avec la troisième vague du covid-19 durant le trimestre en cours et dont l’issue reste incertaine.

La situation économique globale durant le second semestre 2021 sera donc tributaire de l’issue de la crise sanitaire, de la conjoncture pétrolière en cas de poursuite de la tendance haussière des prix du pétrole, et enfin de l’action gouvernementale, particulièrement en direction des entreprises créatrices de richesses.

Jusqu’où ira la dévaluation du dinar qui a atteint lundi 23 août un nouveau record à la baisse face au dollar (135,88 dinars pour un dollar). Comment faire pour la stopper ?

La dépréciation du dinar n’est que le reflet des déficits interne (budgétaire) et externe (balance des paiements). Aussi, tant que ces déficits persistent, le taux de change sera utilisé comme variable d’ajustement afin de sauvegarder un tant soit peu les équilibres macroéconomiques.

C’est ce qui s’est passé au début de l’année en cours et ce sera probablement le cas l’année prochaine au vu de la situation économique qui prévaut actuellement.

Par ailleurs, la Banque d’Algérie procède régulièrement à des ajustements légers de la valeur du dinar pour tenir compte des fluctuations régulières entre le dollar et l’euro, comme c’est le cas ces dernières semaines.

L’association de protection des consommateurs Apoce a rapporté cette semaine une pénurie de farine panifiable, alors que la production suffit largement. Comme pour l’huile et la semoule, pourquoi ces crises ne trouvent-elles toujours pas de solution définitive ?

C’est un problème de régulation et de contrôle dès lors que cela touche le prix plafonné du pain du fait de la subvention accordée par l’État. Depuis déjà plusieurs années, les boulangers ne cessent de poser le problème de leur marge commerciale sachant que le prix de vente de la baguette de pain ordinaire est de 8,50 dinars alors que les charges dont ils font face augmentent régulièrement.

La parade qui est trouvée actuellement est le pain amélioré mais avec un prix plus élevé. Par ailleurs, il s’avère que même en amont, le problème se pose puisque les grossistes en farine panifiable ne veulent plus la céder au prix plafonné de 2000 dinars le quintal.

D’où la contrainte d’approvisionnement des boulangers, qui les conduits à produire moins de pain ordinaire à 10 dinars la baguette. Et pourtant, l’Algérie figure parmi les plus grands importateurs de blé tendre à partir duquel un nombre élevé de minoteries publiques et privées installées à travers le territoire national produisent la farine panifiable.

La solution à ces crises liées en définitive aux prix plafonnés, est la révision du système des subventions. Il faut laisser la régulation par le marché tout en faisant respecter les règles de la concurrence, et en même temps apporter une aide directe aux couches sociales les plus fragiles de la société.

Cela améliorera la gestion des produits de première nécessité et en même temps évitera les gaspillages. La seule difficulté est de trouver le mécanisme qui puisse assurer une transparence et une équité dans la distribution des subventions.

 

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