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Interdiction de l’abaya : la France perdue dans sa lutte contre l’islamisme

Interdiction de l’abaya : la France perdue dans sa lutte contre l’islamisme

« J’ai décidé qu’on ne pourrait plus porter d’abaya à l’école « , a déclaré le ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, ce dimanche 27 août. Une simple déclaration symbolisant un rappel que la France ne lâche pas son combat contre l’islamisme.

Un geste qui apparaît comme une décision politique forte aux yeux du gouvernement. Symbolique certes, mais promet-elle une efficacité dans ce combat qui est central en France ?

Mise à jour superficielle du combat français contre l’islamisation

La laïcité, notamment dans les lieux de l’éducation, est un sujet avec lequel on ne plaisante pas en France. Après une interdiction claire des signes religieux dans les établissements publics de l’Éducation Nationale, concrétisée par la loi du 15 mars 2004, la France allonge la liste désormais des habits qui vont à l’encontre de cette mesure.

Cette loi interdit « dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse« .

Un texte qui peut apparaître flou, puisque c’est au législateur de décider quel signe est considéré comme religieux et/ou ostensible. C’est pourquoi une circulaire est venue compléter ce texte pour préciser concrètement quels effets étaient perçus comme une menace au devoir de laïcité.

La France s’était jusqu’alors focalisée sur "le voile islamique". Elle vient d’ajouter l’abaya à la liste.

Cette robe longue couvrant la tête et de manière large le corps des femmes, venue d’une tradition moyen-orientale, est pour Gabriel Attal "un geste religieux, visant à tester la résistance de la République sur le sanctuaire laïc que doit constituer l’école« .

Le ministre de l’Éducation nationale voit à travers cette tenue vestimentaire une véritable attaque de la République française. Une recette déjà testée avec l’interdiction du port du voile, chez les élèves, les professeurs ou plus récemment chez les mamans accompagnatrices durant les sorties scolaires.

Cette démarche répétée et recyclée a-t-elle des effets mesurables ? Pas vraiment, puisqu’il s’agit d’une lutte idéologique dont les effets sont abstraits et éventuellement visibles sur le long terme.

Interdire un vêtement en estimant qu’il symbolise une forme de prosélytisme est un affaiblissement de la République française au nom de la laïcité qui n’est pas, selon Gabriel Attal, une « contrainte, mais une liberté, une liberté de forger son opinion et de s’émanciper par l’école".

Ce positionnement laisse davantage penser à un dédouanement des autorités françaises plutôt qu’à une politique d’ouverture permettant à n’importe quel citoyen français d’exister librement.

La laïcité, seule arme présentée par la France

Comme toujours, la France se concentre sur une défense sans faille de la laïcité pour réaffirmer sa volonté de neutraliser les influences religieuses.

L’AFP a pris connaissance d’une note interne des services de l’État estimant que des actes anti-laïcs ont augmenté de 120 % entre l’année scolaire 2021/2022 et 2022/2023.

Dans ces chiffres, c’est le port de signes et tenues clairement religieuses qui est constamment relevé. Ces signes seraient de plus en plus présents dans les écoles, la note fait mention d’une hausse de 150 % tout au long de la précédente année scolaire.

Le gouvernement français semble utiliser ces chiffres comme baromètre de l’islamisation dans le pays.

D’autant plus depuis 2020 et l’assassinat de Samuel Paty, un professeur d’histoire géographie tué aux abords de son collège par le père d’une élève après avoir montré des caricatures du Prophète.

Des statistiques qui orientent ces deux dernières années la politique de lutte contre la montée de l’islamisme dans les écoles en France.

L’ancien ministre de l’Éducation nationale Pap N’diaye s’était déjà saisi du dossier, en évoquant ce problème récurrent de tenues chez les jeunes filles et donc d’actes contraires à la laïcité.

Pap N’diaye n’avait pas mis de mesure officielle en place, mais il avait appelé à la vigilance des chefs d’établissements dans les écoles, collèges et lycées. Ce n’est pas pour rien que cette annonce concernant l’abaya a été faite par Gabriel Attal, quelques jours avant la rentrée scolaire.

Sur la forme, la France tient à rappeler constamment les règles, mais rien n’est proposé pour comprendre la présence croissante de signes religieux de ce type et aucune pédagogie n’est accompagnée de ces interdictions de tenues.

La laïcité est présentée comme une règle absolue, quitte à ce qu’elle se transforme en "police du vêtement", comme l’ont évoqué plusieurs personnalités de gauche et d’extrême gauche. Elles y voient seulement un coup d’épée dans l’eau dans la lutte contre l’islamisme et la radicalisation et surtout une énième excuse pour stigmatiser les jeunes musulmanes.

Enflammer de nouveau les débats anti-Islam

Pour le moment, le seul résultat assuré et palpable est de relancer le débat public sur la présence visible de la religion musulmane dans l’espace public en France.

Des limites à imposer pour que la question religieuse, et surtout, musulmane, ne trouve pas de légitimité dans l’espace public et donc par extension la faire faussement disparaître.

L’écologiste et ex-ministre Cécile Duflot, désormais directrice de l’ONG Oxfam s’est saisie du débat pour démontrer la superficialité d’une telle mesure.

Surtout pour pointer du doigt ce détournement de l’attention sur un simple bout de tissu au lieu de remettre en question en profondeur la politique française à l’égard des libertés religieuses.

Avec ce tweet où elle a fait passer une robe d’une marque de luxe pour une abaya, elle teste les effets de telles mesures sur la société française. On découvre que son simple tweet déclenche une vague de haine immédiate. Preuve que ce n’est pas vraiment cet habit religieux qui pose problème, mais les interprétations qui en sont faites.

D’ailleurs, le Conseil français du culte musulman (CFCM) est venu rappeler que l’abaya n’était pas considérée comme un habit religieux. "Aucun texte référentiel sur l’islam n’évoque une quelconque ‘abaya’", a réitéré le CFCM pour séparer cette pratique de l’Islam pratiqué par les musulmans de France.

À l’inverse, cette mesure a permis de rassurer la droite et l’extrême droite française, qui, pour une fois, salue la décision gouvernementale.

"Nous avions réclamé à plusieurs reprises l’interdiction des abayas dans nos écoles. Je salue la décision du ministre de l’Éducation nationale qui nous donne raison", publie Eric Ciotti, président des Républicains, sur X.

"L’interdiction des abayas est un premier bon pas si elle est appliquée. Avec les @ParentsVigil nous réclamons cette interdiction depuis plusieurs mois et allons même plus loin en proposant la généralisation du port de l’uniforme pour éviter toute provocation islamique à l’école", estime de son côté Eric Zemmour.

Ces réactions laissent entendre que cette proposition déjà faite par la droite et l’extrême droite a été rendue légitime par le gouvernement. Mais surtout, en donnant raison à l’extrême droite, cela laisse penser que le seul port de l’abaya ou autre signe religieux relié à l’Islam est l’unique problème de la société française.

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