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Interview croisée entre les ambassadeurs de France et d’Allemagne en Algérie

Interview croisée entre les ambassadeurs de France et d’Allemagne en Algérie

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Les ambassadeurs de France et d’Allemagne lors de la Rencontre pour la paix à Alger

Cinquante-six ans après le Traité de l’Elysée qui a largement contribué à la réconciliation historique entre la France et l’Allemagne, les deux pays s’apprêtent à renforcer les liens déjà étroits qui les unissent. Le président français Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel signeront ce mardi 22 janvier un nouveau traité à Aix-la-Chapelle.

Dans cette interview croisée accordée à TSA, l’ambassadeur de France en Algérie, M. Xavier Driencourt, et l’ambassadrice d’Allemagne en Algérie, Mme Ulrike Knotz, reviennent longuement sur la teneur et les objectifs de ce traité, la coopération franco-allemande, la réconciliation historique entre les deux pays est, bien-sûr, leurs relations avec l’Algérie.

Comment l’Allemagne et la France ont réussi à dépasser leur inimitié du passé ?

Xavier Driencourt : La conscience des ravages des deux guerres mondiales sur le continent européen a conduit à une volonté politique forte pour favoriser une réconciliation entre la France et l’Allemagne, pour ne plus créer un cercle vicieux d’humiliation ou de volonté de vengeance. L’idée de Robert Schuman était de mettre un terme définitif à ce qu’il qualifiait « d’antagonisme circulaire » à partir de mesures très concrètes : l’unification du charbon et de l’acier, qui constituaient les symboles des guerres passées, et travailler à la création d’institutions communes.

En 1963, le Traité de l’Elysée marque la création du « couple franco-allemand », entérinant les liens que les deux pays ont su tisser, dans tous les domaines. Ce texte a trois objectifs : sceller symboliquement la réconciliation franco-allemande ;  créer entre les deux peuples, et en particulier leurs jeunesses, une véritable amitié et enfin, favoriser ainsi la « construction de l’Europe unie, qui est le but des deux peuples ». Ce texte crée également un calendrier contraignant au niveau politique et institutionnel, pour que des rencontres régulières aient lieu, à tous les niveaux, entre les deux pays, afin de susciter un réflexe de coopération.

Aujourd’hui, ce réflexe de discussion l’emporte toujours, en effet, même lorsque nous ne partageons pas les mêmes positions initiales, nos deux pays cherchent à s’accorder.

Quel rôle a joué le travail/la réflexion sur la mémoire ?

Ulrike Knotz : Bien sûr, le travail sur la mémoire a joué un rôle très important pour le développement de notre amitié et de notre coopération. Ce qui donne à l’amitié franco-allemande sa valeur particulière et sa profondeur, c’est le fait qu’elle a pour base la réconciliation, donc un fait moral – la volonté de reconnaître et de pardonner. Le fait que l’Allemagne a reconnu sa responsabilité pour la Deuxième guerre mondiale et les crimes de la période nazie a joué un rôle primordial dans ce processus. Il n’y a pas de vraie réconciliation sans le courage d’affronter le passé.

Le rendez-vous avec l’histoire ne s’est pourtant pas limité à l’époque nazie. Après de longues années de recherche et de travail didactique, un livre commun d’histoire a vu le jour, qui ne reflète pas seulement les grands courants et évènements dans l’histoire de notre continent mais aussi les différentes manières dont les Allemands et Français les ont vécus et les interprètent, aidant ainsi les étudiants à comprendre la perception et les sensibilités de l’autre vis-à-vis de ce passé. Le travail sur la mémoire et la réconciliation s’exprime d’ailleurs dans les commémorations communes et les gestes symboliques de nos chefs d’Etat et de gouvernement à l’occasion des dates significatives, telles que le 11 novembre.

Quelle est la contribution de la coopération franco-allemande à l’intégration européenne ? Quels sont les défis actuels, notamment dans le contexte du Brexit ? Cela est-il synonyme de lourdes « responsabilités » pour la France et l’Allemagne dans la préservation de l’intégration européenne ?   

Xavier Driencourt : La réconciliation franco-allemande est au cœur de la déclaration Schuman du 9 mai 1950, visant à rendre la guerre impossible entre les deux pays, et c’est ce même texte qui crée la Communauté européenne du charbon et de l’acier, première structure d’intégration européenne. Dès lors, l’engagement européen constitue la priorité principale de la politique étrangère de la France et de l’Allemagne, qui privilégient une réponse européenne aux grands dossiers internationaux. Ce fut le cas lors de la crise de la zone euro et, actuellement, en matière migratoire. À ce sujet, la France a fait, conjointement avec l’Allemagne, des propositions nouvelles pour parvenir à relancer la révision du règlement de Dublin pour le traitement des demandes d’asile. La France et l’Allemagne se veulent être une force de proposition. L’Allemagne joue un rôle moteur aux côtés de la France dans la construction de l’Europe de la défense, puisqu’une politique européenne en la matière est essentielle.

Enfin, comme l’a annoncé le président de la République Emmanuel Macron dans son discours de la Sorbonne, nous proposons une impulsion franco-allemande nouvelle, décisive et concrète. Par leur déclaration conjointe du 21 janvier 2018, le Président Macron et la Chancelière Merkel avaient fixé pour objectif d’élargir encore la coopération franco-allemande, afin de relever les défis politiques, économiques, sociaux et technologiques des prochaines décennies, dans le but d’avancer sur la voie d’une Europe prospère et compétitive, plus souveraine, unie et démocratique. Le traité d’Aix-la-Chapelle permettra un renforcement de la coordination au sein de l’UE à tous les niveaux et une coordination dans la mise en œuvre du droit de l’UE. Nos deux pays s’engagent, par ailleurs, à œuvrer au renforcement de la sécurité internationale, notamment dans le cadre de l’Union européenne et de l’OTAN.

Il est vrai que la signature de ce traité d’Aix-la-Chapelle s’inscrit dans un contexte difficile : celui des tensions internationales, du Brexit, du retour des discours nationalistes en Europe. Ce traité n’est donc pas une simple célébration symbolique de l’amitié franco-allemande mais un outil au service d’un couple franco-allemand à l’offensive, efficace, engagé et coordonné. Un duo qui est à l’avant-garde de la refondation d’une Europe plus souveraine, plus unie et plus démocratique.

Un traité franco-allemand sera signé ce 22 janvier par le président Macron et la chancelière Merkel à Aix-la-Chapelle. Pourquoi maintenant et en quoi le traité de l’Elysée, qui date de 1963, a-t-il besoin d’être complété 56 ans après ? Des projets concrets sont-ils inclus dans ce nouveau traité ? Que prévoit-il en termes de renforcement de la coopération militaire ?

Ulrike Knotz : Le traité d’Aix-la-Chapelle se place sur un pied d’égalité avec le traité de l’Élysée de 1963. Il ne remplace pas le traité de l’Élysée de 1963 mais l’actualise. Pourquoi un nouveau traité? Parce que le monde a changé. Au XXIe siècle, nous ressentons la fragilité croissante de l’ordre international et la pression sur le système multilatéral augmente. Le voisinage de l’Europe est marqué par les conflits et l’instabilité. Le monde à l’ère de la mondialisation et le progrès technologique effréné offrent des possibilités mais exigent par ailleurs de nos sociétés de difficiles processus de transformation afin d’assurer notre avenir. Relever ces défis n’est possible que si nous, Européens, agissons ensemble. Pour que l’Allemagne et la France puissent continuer de jouer à cet égard un rôle moteur, notre relation doit atteindre un niveau nouveau, et c’est ce à quoi contribue le nouveau traité franco-allemand. Il est bien entendu que la coopération entre l’Allemagne et la France n’a jamais eu un caractère exclusif mais qu’elle est ouverte à tous les États membres.

Quant aux projets concrets, le traité d’Aix-la-Chapelle en prévoit une multitude. Ici, je voudrais donner seulement quelques exemples. Le traité soutient les rencontres et les échanges au niveau de la société civile. Un « Fonds citoyen » ouvrant de nouvelles possibilités de rencontres ainsi que des plateformes numériques et des coopérations dans les médias sont destinés à créer un espace culturel et médiatique commun et à faire émerger à long terme une opinion publique européenne en réponse au populisme croissant. D’autres dispositions visent à des rapprochements dans les domaines de l’éducation, la recherche, l’apprentissage mutuel de la langue de l’autre et le développement de la mobilité, notamment en ce qui concerne la reconnaissance des diplômes scolaires et professionnels. L’avenir et la compétitivité de nos économies seront notamment renforcés par une concertation encore plus étroite de nos politiques économiques et par la création d’un « Conseil franco-allemand d’experts économiques ».

Notre coopération bilatérale se met, comme je viens de dire, au service du projet européen. À cette fin, la France et l’Allemagne conviennent de rendre leurs consultations encore plus efficaces. Quant à la politique étrangère et de sécurité, il s’agit notamment d’élaborer des stratégies communes concernant par exemple le partenariat avec l’Afrique, l’Union européenne de défense, les opérations de maintien de la paix et les missions de police ainsi qu’une concertation plus étroite au sein des organisations internationales (FMI, Banque mondiale, Nations Unies). La direction politique de la coopération en matière de sécurité se fera au niveau du Conseil franco-allemand de Défense et de Sécurité.

Parmi les défis qui se posent à l’Europe, à l’Allemagne et à la France en particulier, il y a la question des réfugiés et de l’immigration et celle de la défense commune. La définition d’une politique européenne commune vis-à-vis de ces deux questions est-elle possible aujourd’hui ?

Ulrike KNOTZ : Le défi de la migration est depuis quelques années au centre de l’attention de l’Union européenne. Si vous suivez attentivement l’agenda des Conseils européens, vous pouvez constater l’intensité avec laquelle on travaille sur ce sujet et aussi la multitude des mesures qui ont été mises en place pour d’une part, limiter la migration illégale et d’autre part, garantir les droits des réfugiés qui ont besoin de protection. Le fait est que jusqu’à maintenant les membres de l’Union européenne ne se sont pas mis d’accord sur des quotas d’accueil ne doit pas faire oublier ce qu’on a déjà atteint. A cet égard, la création de l’« Agenda européen en matière de migration » constitue un cadre politique, tandis que la mise en place du « Fonds fiduciaire d’urgence de l’Union Européenne pour l’Afrique » traite les causes des migrations et enfin, en Méditerranée, l’opération « Sophia » combat les réseaux des passeurs. Mais bien sûr la migration illégale reste un défi majeur, très complexe, qui exige la coopération de tous les pays concernés. L’Algérie est un partenaire important, un partenaire avec une conscience tout à fait claire de l’envergure du problème et qui fait des efforts énormes pour contribuer à maintenir la situation sous contrôle.

Quant à la politique de défense commune, elle existe déjà depuis de nombreuses années. Comme toutes les politiques communes européennes, elle s’est développée avec les défis auxquels l’UE a dû faire face. Ses origines datent du début des années 90 quand, dans les Balkans, la guerre a fait irruption en Europe. Depuis, l’Union européenne renforce à chaque étape de son développement le cadre institutionnel qui lui permet de mettre en œuvre des capacités de gestion de crise autonomes et de favoriser des coopérations approfondies entre plusieurs pays. C’est notamment le cas en matière d’industrie de défense. En 2003, EUFOR Concordia, menée dans un objectif de stabiliser l’Ancienne République Yougoslave de Macédoine, était la première opération militaire de l’UE, suivie en 2004 de EUFOR Althea en Bosnie-Herzégovine. Dès lors, dans le cadre de la Politique de Sécurité et de Défense Commune (PSCD), environ 30 missions civiles ou militaires ont été lancées, avec actuellement six missions militaires en cours. A haut niveau politique, on travaille sur la question de l’amélioration des capacités militaires opérationnelles. On discute intensivement de la proposition du Président français de créer une véritable force européenne d’intervention. Nous sommes aussi en train d’améliorer la coordination des industries militaires afin de mettre fin à la fragmentation du marché de la défense européen, aux doubles emplois coûteux et au manque d’interopérabilité. A cet égard, les ministres de la Défense allemande et française se sont mises d’accord sur deux projets communs importants en novembre dernier.

Quelles sont les convergences et les divergences dans la politique des deux pays vis-à-vis de l’Algérie ?

Xavier Driencourt : La relation avec l’Algérie revêt pour nos deux pays une importance stratégique. L’Algérie est une puissance qui joue un rôle significatif dans la recherche de solutions politiques aux crises régionales. C’est un acteur de premier plan en matière de lutte contre le terrorisme, avec lequel notre dialogue est soutenu, compte tenu notamment de l’expérience de l’Algérie qui a connu la période tragique de la décennie noire. A cet égard, l’Algérie porte une parole de paix et de respect de la diversité sur la scène internationale et au niveau des Nations Unies. L’organisation à Oran de la cérémonie de béatification des 19 religieux catholiques victimes du terrorisme démontre l’ouverture et la tolérance de l’Algérie. Enfin, l’Algérie, c’est aussi un partenaire économique de premier plan pour nos deux pays et plus largement pour l’Europe.

Enfin, il y a évidemment des spécificités évidentes s’agissant de la relation algéro-française qui sont dues à notre longue histoire commune. Les liens humains entre Algériens et Français sont nombreux, étroits et solides. Ils se traduisent par une relation bilatérale globale où notre dialogue et notre coopération abordent tous les sujets : mobilité, échanges éducatifs, recherche, insertion professionnelle des jeunes, facilitation des investissements croisés, coopération linguistique et culturelle, questions de sécurité. Enfin, les questions mémorielles occupent évidemment une place importante dans notre dialogue bilatéral et plusieurs dossiers connaissent des avancées, grâce à l’impulsion donnée par le Président Macron. C’est le cas de la restitution des crânes des résistants algériens ou la reconnaissance de la responsabilité du gouvernement français dans la mort de Maurice Audin comme de l’usage de la torture dans le cadre des pouvoirs spéciaux confiés à l’armée française durant la guerre d’indépendance de l’Algérie.

En outre, la France et l’Allemagne se concertent dans le cadre de la politique étrangère de l’Union européenne vis-à-vis de l’Algérie. Le dialogue entre l’Algérie et l’UE est riche et structuré. Des réunions de haut niveau ont lieu très régulièrement, à l’instar du conseil d’association, dont la onzième session, qui s’est tenue le 14 mai 2018 à Bruxelles, a notamment permis de souligner les progrès effectués en matière de développement socio-économique inclusif, d’échanges commerciaux et d’accès au marché unique européen.

L’UE est le premier partenaire commercial de l’Algérie qui réalise chaque année plus de 60% de ses échanges avec l’Union. A ce titre, la France et l’Allemagne sont en parfaite adéquation pour promouvoir et soutenir cette relation économique d’excellence. Nos deux pays sont conscients des enjeux de diversification économique de l’Algérie et démontrent par leurs investissements productifs leur volonté d’accompagner l’Algérie dans cette voie. Nos deux pays partagent le même attachement au dialogue avec l’Algérie s’agissant de toutes les questions qui intéressent les entreprises européennes et notamment le cadre relatif aux importations et aux investissements. Notre priorité va à la recherche d’un compromis qui ne pénalise aucune des deux parties, dans le cadre d’aménagements qui sont prévus par l’Accord d’association.

Ulrike Knotz : Nos relations bilatérales avec l’Algérie ne peuvent pas se comparer avec les relations que la France entretient avec l’Algérie. Nous n’avons pas de passé colonial et sommes très loin d’avoir cette intensité dans l’interaction humaine, culturelle, économique etc. Les relations algéro-allemandes ont toujours été très bonnes, pour des raisons historiques et au-delà – l’Allemagne ayant notamment été un partenaire de première importance dans le processus d’industrialisation du pays après son indépendance. Pour autant, nous pourrions faire beaucoup plus, surtout dans le domaine de la culture et de la langue, où nous remarquons une croissance très dynamique de l’intérêt des Algériens pour la langue allemande.

Malgré ces différences, j’aimerais souligner que ce qui compte c’est que l’Allemagne et la France partagent une approche commune dans leur politique étrangère : la conviction, que les problèmes multiples et graves du monde d’aujourd’hui ne peuvent se résoudre que par la coopération et non par le repli sur soi. Nous partageons le même engagement pour l’intégration européenne, le multilatéralisme, et des valeurs communes : les droits de l’Homme, la démocratie, l’état de droit, la solidarité et le respect de la diversité. C’est sur ces principes que se fonde aussi notre politique envers l’Algérie, qui est pour nos deux pays un partenaire stratégique et incontournable dans les questions les plus importantes qui nous occupent.

Comment se déroule la coopération entre les deux ambassades en Algérie ?

Xavier Driencourt : Les deux ambassades entretiennent un dialogue régulier et travaillent ensemble étroitement : les services se consultent régulièrement, afin de partager leurs analyses et de se coordonner, et un séminaire franco-allemand est organisé chaque année et réunit l’ensemble des services. Notre coopération est également étroite dans le cadre des réunions animées par la Délégation de l’Union européenne en Algérie, lesquelles réunissent très régulièrement les ambassadeurs des Etats membres.

A titre d’exemple concret, les célébrations du Centenaire de l’armistice de la Première guerre mondiale, le 11 novembre dernier, ont donné lieu à l’organisation d’événements communs. Une cérémonie franco-germano-algérienne a eu lieu au carré militaire chrétien du cimetière Saint-Eugène de Bologhine et une programmation culturelle dédiée a été réalisée, avec notamment la Flûte enchantée de Mozart, le 18 octobre 2018, dans le cadre du festival culturel international de musique symphonique d’Alger et l’exposition « MenschenimKrieg 1914-1918 am Oberrhein – Vivre en temps de guerre des deux côtés du Rhin 1914-1918 », du 18 novembre 2018 au 17 janvier 2019 à l’Institut français d’Alger.

Ulrike Knotz : Je suis très heureuse de notre coopération qui est fluide et n’a pas besoin d’un cadre formel et rigide. Bien sûr, il y a la réunion annuelle des membres des deux ambassades, c’est-à-dire les ambassadeurs, les ministres-conseillers et les chefs des différentes sections. Au-delà de ce séminaire annuel de travail, la communication et la coopération avec nos amis français fait partie de notre quotidien, c’est quelque chose qui va de soi. Je l’ai ainsi vécu depuis de nombreuses d’années et à tous les niveaux de ma carrière de diplomate. Nous développons régulièrement des projets communs, surtout culturels, mais pas seulement. Il y a aussi la tradition de commémorer ensemble le 11 novembre, qui est le jour de l’armistice et de la fin de la Première Guerre Mondiale.

Qu’est-ce que l’amitié franco-allemande signifie pour vous personnellement ?

Ulrike Knotz : Pour moi, la France a toujours été un pays très spécial, bien que je n’aie jamais fait des études françaises ou vécu en France. La France était le premier pays étranger que j’ai pu visiter. Dans les années 60, il n’était pas évident de passer ses vacances à l’étranger, et pour une Bavaroise les vacances d’été en Autriche avec les parents ne comptaient pas. En 1970, j’ai pu participer à un programme d’échange de jeunes de deux semaines, dans le cadre du jumelage entre ma ville, Munich, et la ville de Bordeaux. Je me souviens toujours du sentiment de bonheur que le simple fait de me trouver en plein centre de Paris m’a procuré, alors que nous avions quelques heures pour nous promener puisqu’il fallait changer de train. A Bordeaux, je me suis fait une amie française et dans les années qui ont suivi, nous avons échangé des visites régulières. Finalement, elle s’est mariée avec un Allemand et elle s’est installée à Munich ! Le français, qui est regardé par les élèves des lycées allemands avec un mélange de respect et d’horreur, est devenu ma langue étrangère préférée, m’offrant non seulement de bonnes notes mais aussi l’accès à une littérature fascinante. Voilà une petite histoire qui illustre le potentiel d’un modeste programme d’échange de jeunes et pourquoi le Traité de l’Elysée a mis un accent tellement fort sur l’implication de la jeunesse dans le développement de la coopération franco-allemande.

Xavier Driencourt : L’amitié franco-allemande est quelque chose de concret pour la génération née après-guerre dans les années 50, comme moi. L’allemand était ma première langue, je le parlais mieux que l’anglais au lycée, je suis allé en Allemagne pour des séjours linguistiques. Et puis, l’actualité était là, qui voyait chaque jour, chaque mois, un événement franco-allemand : les « couples » franco-allemand, de Gaulle-Adenauer, Giscard d’Estaing-Willy Brandt, F. Mitterrand-H. Kohl, d’autres ensuite, ont chacun à leur façon fait avancer et progresser cette relation : le « serpent » monétaire, l’ECU, le Traité de Maastricht et l’Euro, sont les enfants du traité de l’Elysée. La réconciliation, puis l’amitié franco-allemande signifient quelque chose de concret. Ce n’est pas un hasard si chaque président français élu commence son mandat par une visite à Berlin. Cette relation riche et étroite se retrouve à tous les niveaux de nos administrations.

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