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Khaled Tazaghart, le nouveau phénomène de l’APN

Khaled Tazaghart, le nouveau phénomène de l’APN

À la chambre basse du Parlement, le député de Béjaia, Khaled Tazaghart ne passe pas inaperçu lors des débats en plénière. Aidé par une voix qui porte, le représentant du Front Al Moustakbal ne mâche pas ses mots devant une Assemblée plutôt calme et conciliante lorsque les ministres y sont présents.

Plus loin que « Spécifique »

Cet ancien secrétaire fédéral du FFS à Béjaia, hausse le ton, vocifère, dit ce qu’il pense avec franchise, ne cède pas devant les rappels à l’ordre du président de l’Assemblée, exprime ses idées avec liberté, bouscule les règles établies au sein de l’APN, pousse les lignes jusqu’à la colère mal contenue.

Khaled Tazaghart va plus loin que le député Tahar Missoum dit « Spécifique » qui a marqué son passage à l’Hémicycle Zighout Youcef par ses critiques vives du gouvernement, par ses sorties loufoques et agitées et par sa gestuelle comique. « Un jour, les Algériens vont m’appeler l’historique », a déclaré l’ex-député de Médéa dans une interview.

S’exprimant en tamazight, Khaled Tazaghart s’est moqué une fois de Said Bouhadja, président de l’APN, membre dirigeant du FLN, qui ne comprenait pas ce qu’il disait. « Vous riez, monsieur le président. Ce n’est pas de votre faute. C’est la faute du pouvoir qui depuis 1962 a marginalisé Tamazight », a-t-il lancé, le ton vivace.

« Pas la peine de chauffer les bendir »

Dans une autre intervention, cet ancien militant du MCB (Mouvement culturel berbère) a déclaré que « même les Chinois qui travaillent à Bejaia ont appris le kabyle ». « Il y a une position de principes par rapport à la Palestine, pas la peine de chauffer les bendir. Parlons de ce qui se passe dans notre pays. Nous sommes le Parlement algérien, pas le Parlement du Yémen ou de Damas. Nous sommes des musulmans, mais arrêter de parler « El ouma el arabia » (Nation arabe). Nous ne sommes pas arabes », a-t-il tranché, le 10 décembre 2017, après la décision du président américain Donald Trump de transférer l’ambassade des États Unis de Tel Aviv vers Jérusalem.

En novembre 2017, le député remuant a dénoncé la mauvaise répartition des richesses au niveau national, s’est élevé contre le manque de projets de développement dans la région de Béjaia et a invité la ministre de l’Éducation Nouria Benghebrit à visiter certaines écoles de villages en Kabylie, « dépourvues de tout ».

« Il faut un plan d’urgence pour les 52 communes de la wilaya de Béjaia, un plan spécial pour les zones rurales et montagneuses de la wilaya. M. Bouhadja, les montages de Béjaia ont enfanté de héros. Aujourd’hui, l’amertume remonte de ces même montagnes », a-t-il regretté.

Lors du récent débat sur l’amendement de la loi portant fêtes légales et officielle, il s’est attaqué à la commission qui a examiné le texte et qui a confondu entre Yennayer, le jour de l’an amazigh, et Yennayer, janvier en arabe. Fin décembre 2017, il a qualifié de « courageuse et historique » la décision politique du président Bouteflika de consacrer Yennayer « fête nationale » au même titre que les autres fêtes légales et officielles.

« Pour moi, c’est irréversible, la dictature et l’obscurantisme bâathiste et arabiste qui nous agresse chaque jour par la terminologie raciste de « la ouma el arabiya », qui engendre des haines dans la société et qui menace la cohésion nationale, recule », a-t-il écrit sur sa page Facebook. Khaled Tazaghart est porte-parole du Forum Socialiste, espace regroupant notamment d’anciens militants du FFS.

Stratégie de communication

En cette qualité, il a animé un meeting, le 7 avril 2018 à Béjaïa, pour exiger, entre autres, la promulgation d’un décret présidentiel « consacrant les droits moraux et matériels des martyrs, moudjahidine et militants de la liberté et de la démocratie de 1963/1965 ».

A Béjaia et à Tazmalt, Khaled Tazaghart a initié des jours de réception pour les citoyens, ce qui est rare parmi les députés qui, souvent, oublient qu’ils ont un mandat national. Cela dit, la prise de parole mouvementée à l’APN fait partie d’une stratégie de communication qu’adopte certains députés pour faire « le buzz » ou pour se faire une réputation de « grosse gueule », à l’image de Slimane Sâadaoui, député de Nâama.

Une stratégie qui peut être positive surtout dans un climat parlementaire conformiste et linéaire qui arrange parfaitement les affaires du gouvernement et des walis. Pratiquer le contre-pouvoir et le contrôle de l’action des pouvoirs publics ne peuvent pas être efficaces avec l’éclat de voix lors des plénières parlementaires sous l’œil fixe des caméras.

Cette critique sonore ressemble parfois à de la mise en scène et concerne souvent des questions sans intérêt, superficielles. Cela nourrit les réseaux sociaux et alimente les discussions de café. Là aussi, le gouvernement et les walis sont à l’aise tant que des commissions d’enquête ne sont pas engagées et tant que l’action parlementaire ne se déplace pas sur le terrain pour vérifier ce qui s’y passe réellement. Parler, c’est facile. Faire du bruit, c’est amusant. Travailler, c’est compliqué. Et rendre des comptes, c’est impensable.

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