Économie

« L’Algérie peut exporter pour un milliard de dollars de ciment… »

Abdenour Souakri, propriétaire du groupe éponyme et président du conseil de surveillance de Ciment Lafarge Souakri (Cilas) détaille dans cet entretien ses projets dans le ciment, la santé avec le lancement d’un hôpital privé avec un groupe américain, l’environnement, l’exportation du ciment…

TSA – Pouvez-vous dresser un état des lieux sur la situation du secteur du ciment en Algérie ?

Abdenour Souakri : L’Algérie a une capacité de production de 40 millions de tonnes de ciment par an. Les besoins du marché algérien sont estimés à 20 millions de tonnes.

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Avec la relance attendue de l’activité économique, ces besoins seront revus à la hausse.

Il y a un excédent de 20 millions de tonnes de ciment. Sur cet excédent, cette année, l’Algérie a exporté environ 10,5 millions de tonnes de clinker et de ciment, réparties entre le groupe GICA, Lafarge, Cilas, Biskria, Amouda et d’autres…

TSA – Il y a cinq ans, la cimenterie Cilas a été créée, fruit d’un partenariat entre le groupe Souakri et LafargeHolcim, leader mondial des matériaux de construction. Quelles sont les capacités de production de Ciment Lafarge Souakri (Cilas) que vous dirigez ?

Abdenour Souakri : Ciment Lafarge Souakri (Cilas) est un partenariat entre le groupe Souakri qui détient 51 % du capital et le leader mondial des matériaux de construction LafargeHolcim (49 %).

La cimenterie dispose d’une capacité de production de 3 millions de tonnes de ciment par an. Elle emploie 640 salariés et a exporté pour une valeur de 400 millions de dollars entre 2019 et 2022.

Abdenour Souakri, propriétaire du groupe éponyme et président du conseil de surveillance de Ciment Lafarge Souakri (Cilas) / Crédits : DR


En 2023, nous comptons exporter pour une valeur de 50 millions de dollars. Tous nos indicateurs sont au vert. Signe d’une performance et d’un sérieux sans faille, Cilas a remboursé tous ses emprunts bancaires contractés au 31 décembre 2022. Nous n’avons fait aucun retard de remboursement.

TSA – Quels sont les projets de Ciment Lafarge Souakri (Cilas) en Algérie ?

Abdenour Souakri : Nous avons beaucoup de projets notamment dans le domaine de l’environnement que nous allons annoncer en temps opportun.

Il y un partenariat exemplaire et d’excellence entre le groupe Souakri et Lafarge Holcim Algérie.

Le groupe Souakri et LafargeHolcim Algérie disposent d’une cimenterie à Biskra d’une capacité de 3 millions de tonnes par an. On pense lancer d’autres unités. Ce sont des investissements très lourds.

TSA – Dans le ciment, quelles sont les ambitions de l’Algérie à l’exportation ?

L’Algérie peut largement augmenter ses exportations de ciment si les moyens logistiques suivent. Si on arrive à exporter 10 millions de tonnes de clinker et 5 millions de tonnes de ciment par an, ce serait bien.

Notre pays peut exporter du ciment pour une valeur allant jusqu’à un milliard de dollars si les moyens logistiques suivent.

Cilas de Biskra peut exporter 50 millions de dollars par an de ciment et de clinker, si les moyens logistiques seraient renforcés. Nous exportons le ciment en Europe (France, Angleterre, Portugal, Italie…) et dans les quatre coins du monde. Notre produit est très demandé à l’export.

TSA – Y a-t-il une forte concurrence à l’exportation de ciment ? 

Abdenour Souakri : Bien sûr, le marché de l’exportation est marqué par une forte concurrence. Nous sommes fortement concurrencés par les Egyptiens et les Turcs. L’Algérie est leader à l’export en Afrique et dans le bassin méditerranéen.

Abdenour Souakri, propriétaire du groupe éponyme et président du conseil de surveillance de Ciment Lafarge Souakri (Cilas) / Crédits : DR


TSA – Comment l’Algérie est-elle passée d’un statut de pays importateur de ciment à celui exportateur ?

Cela a été possible grâce au travail et au sérieux. L’exportation a été lancée en 2017. Les investissements consentis pour augmenter les capacités de production de ciment ont significativement favorisé l’exportation.

Dans notre usine Cilas de Biskra, le transfert de technologie a été complètement réalisé. Tous les employés sont des Algériens. Il n’y a plus d’étrangers.

TSA – Y a-t-il des difficultés et des contraintes logistiques et réglementaires pour exporter le ciment ?

Il n’y a aucune contrainte réglementaire. Il y a surtout des difficultés logistiques. Il faut que les ports algériens investissent dans la logistique, en mettant en place des silos pour stocker le ciment et le clinker dans les enceintes portuaires.

Il faut davantage d’équipements de chargement de bateaux et de silos. Toutes les cimenteries sont implantées à l’intérieur du pays. La mise en place de silos permettra aux bateaux de ne plus attendre longtemps au port pour les chargements de ciment.

L’État peut laisser les privés investir dans l’aménagement de silos dans les ports pour augmenter les exportations de ciment. Cela permettra à la filière de l’exportation de ciment d’être concurrentielle.

Si les entreprises publiques portuaires ne peuvent pas investir dans la mise en place des silos, qu’elles concèdent ce segment au privé qui peut investir. Nous sommes prêts à investir dans les silos. Il y a eu un timide investissement dans le port de Djendjen dans ce sens, mais cela doit être généralisé.

TSA – La crise qui secoue, depuis quelques années, le secteur du BTP en Algérie a-t-elle eu un impact sur les cimentiers ?

Abdenour Souakri : La crise qui secoue, depuis trois ans, le secteur du BTP a généré un net recul de la demande nationale en ciment. L’impact a été difficile sur les cimentiers.

Heureusement, qu’il y a eu l’exportation, autrement des cimenteries algériennes auraient été fermées. Durant la crise, l’exportation de ciment a fortement soutenu l’activité des ports et beaucoup d’autres filières.

TSA – Les cimentiers du monde entier font face au défi écologique. Quelle stratégie a conçu Ciment Lafarge Souakri (Cilas) pour adopter la transition énergétique ? 

Abdenour Souakri : Nous avons mis le cap sur la diminution de l’empreinte environnementale et la réduction de la consommation d’énergie comparative de plus de 35 %.

Nous avons obtenu toutes les certifications en matière d’environnement pour pouvoir exporter partout dans le monde. Nous allons passer au ciment propre, c’est-à-dire sans carbone.

Nous allons aussi aller vers l’incinération des déchets ménagers, des huiles, des médicaments, etc.

Nous allons adopter toutes les évolutions en matière de protection de l’environnement. Nous nous inscrivons dans cette politique écologique.

Nous avons beaucoup investi pour acquérir un prototype d’équipements de production de dernière génération qui consomme 35 % de moins d’énergie que les autres cimenteries.

Nous utilisons moins de gaz et moins d’électricité pour produire du ciment. Notre objectif est d’atteindre 50 % d’économie d’énergie. Nous sommes en plein processus pour produire du ciment sans carbone vu les exigences et les incitations réglementaires à l’exportation. Notre chance est d’être partenaire de Lafarge.

TSA – Le groupe Souakri s’est lancé dans le secteur de la santé avec la réalisation d’un hôpital à Meftah, en partenariat avec un groupe américain. Où en est ce projet ? 

Abdenour Souakri : Nous sommes, en ce moment, en pleine réunion avec notre partenaire américain. Cet hôpital sera réalisé par le groupe Souakri en partenariat avec Global Health Service Networks, une société américaine de services de santé.

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C’est un hôpital de 297 lits qui sera construit à Meftah, localité située à l’est du chef-lieu de la wilaya de Blida. Le chantier a été lancé. L’ouverture est prévue en 2026, mais elle peut intervenir avant cette échéance.

Cette infrastructure qui offrira des prestations médicales de haute qualité sera également dotée d’une école paramédicale. Toutes les spécialités seront disponibles.

Le management sera assuré par un encadrement américain et tout le personnel médical sera algérien.

Les praticiens dont notamment les médecins qui souhaitent se former davantage trouveront les moyens nécessaires pour le faire dans cette structure ultramoderne.

L’un de nos premiers objectifs est de permettre au pays de freiner l’exil vers l’étranger des médecins algériens et d’éviter aux patients algériens d’aller se soigner dans des pays voisins. A l’avenir, nous comptons ouvrir deux autres hôpitaux à Oran et à Sétif. Notre partenaire américain a donné son accord pour ces deux projets.

TSA – Qu’en est-il du projet agricole prévu par le groupe Souakri dans la wilaya d’El M’Ghair ? 

Abdenour Souakri : Nous avons lancé un projet agricole à El M’Ghair. Le projet consiste en une culture maraîchère sous des serres. Une ferme moderne qui utilisera de l’énergie produite par géothermie. La production sera étalée sur toute l’année.

Les aménagements ont été entamés. Les forages ont été faits. Il y a suffisamment d’eau. Des bassins de décantation ont été aménagés. Environ 30 % de la production sera dédiée au marché local et 70 % sera destinée à l’exportation.

La première exportation interviendra au mois d’août prochain. L’objectif est de contribuer à assurer la sécurité alimentaire au pays. Dans un premier temps, les serres s’étaleront sur 10 hectares. Plus tard, nous procéderons à une extension pour atteindre 100 hectares. Nous comptons aussi lancer, entre autres, une filière dédiée à la culture bio.

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