Économie

La Banque mondiale au cœur d’une polémique en Algérie

Le dernier rapport de la Banque mondiale de suivi de la situation économique de l’Algérie a été mal accueilli à Alger.

Même si le gouvernement n’a pas encore réagi, l’agence officielle APS a accusé la Banque mondiale de sortir « de son cadre d’institution financière internationale pour se transformer en un outil de manipulation et de propagande ». Le contenu du rapport a été qualifié d’ « informations tendancieuses et sournoises sur la situation économique en Algérie ».

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« L’Algérie condamne et rejette dans le fond et dans la forme cette immixtion flagrante de la Banque mondiale. Il s’agit d’une vaine tentative de déstabilisation à la soft power d’un pays qui avance mais qui dérange », a écrit l’APS, sans préciser la partie qui s’est prononcée au nom de l’Algérie.

Le rapport de la BM est publié moins d’un mois après un autre du Fonds monétaire international (FMI) qui a plus positivement évalué les indicateurs, les décisions prises ou envisagées et les perspectives de l’économie algérienne.

La BM aussi reconnaît des avancées, notamment de meilleurs indicateurs économiques, qui devraient encore s’améliorer l’année prochaine mais elle prévoit une dégradation à terme à cause notamment de la lenteur des réformes engagées et de la « vulnérabilité » des exportations algériennes qui pourraient déboucher sur un « séisme économique ».

Le choix de la terminologie n’est peut-être pas approprié, mais globalement, le rapport n’a pas dressé un tableau noir de la situation économique du pays et n’est pas totalement négatif, notant entre autres la stabilisation des réserves internationales de l’Algérie et la réduction du déficit du compte courant ainsi l’augmentation des exportations hors hydrocarbures.

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La vulnérabilité de l’économie algérienne tient à la volatilité des prix du pétrole et ça, même les autorités algériennes ne le nient pas, l’essentiel des recettes en devises provenant toujours des exportations de pétrole et de gaz. Les performances réalisées pendant cet exercice 2021 sont d’ailleurs en grande partie dues au redressement des prix du brut qui ont atteint des niveaux jamais vus depuis 2014.

Un chiffre contenu dans le rapport suscite particulièrement la polémique, celui des importations algériennes qui devraient se situer cette année à 50 milliards de dollars. « L’Algérie n’arrivera jamais et en aucun cas » à ce volume, a écrit l’APS dans son commentaire.

Grâce à une politique de rationalisation des importations, l’Algérie a fortement réduit la facture d’importation, du moins selon les déclarations officielles. 

Le ministère des Finances a « relu » le rapport avant sa publication

Le président de la République Abdelmadjid Tebboune a annoncé en septembre la baisse des importations à environ 30 milliards de dollars, soit la moitié du montant du pic de 60 milliards atteint en 2014.

Le Premier ministre Aymane Benabderrahmane a précisé de son côté que la facture s’élèvera à la fin de l’année à 30.4 milliards. L’écart est à première vue énorme entre les annonces officielles et les prévisions de la Banque mondiale. Mais l’expert financier Lies Kerar estime que le chiffre n’est pas exagéré.

L’importation des biens a atteint environ 30 milliards de dollars à fin septembre selon la Banque mondiale qui reprend les chiffres du gouvernement et la Banque d’Algérie, auxquels il faut ajouter les 10 milliards du dernier trimestre et environ 10 milliards d’importation des services et le compte est bon, explique le financier dans un tweet.

 

Le sénateur FLN Abdelouahab Benzaim a réagi, en rappelant les « performances » économiques de l’Algérie en 2021, dont la réduction des importations à 30 milliards de dollars, des réserves de change de 44 milliards de dollars et une dette extérieure quasi nulle. Il a énuméré ce que les « experts de la Banque mondiale devraient savoir, surtout ceux de nationalités hostiles à l’Algérie ».

A savoir, un montant de 18 milliards de dollars par an pour les subventions de différents produits, le versement des salaires des fonctionnaires dans les délais, l’enseignement gratuit pour 12 millions d’élèves et d’étudiants… « Cette stabilité financière et dans ces circonstances difficiles à l’échelle mondiale dérange », assène le sénateur.

Dans le commentaire de l’APS, il est reproché à la Banque mondiale d’avoir évoqué la pauvreté en Algérie et de passer « sous silence la situation de précarité alarmante voire dangereuse et suicidaire sévissant dans un pays voisin de l’ouest de l’Algérie », c’est-à-dire le Maroc.

Dans l’étude contenue dans le rapport, il est souligné une nette amélioration des conditions de vie et surtout, de meilleures performances que quasiment tous les Etats de la région Mena, dont le Maroc justement. Le taux de pauvreté multidimensionnelle de l’Algérie est de seulement 1,4%contre 6,1% au Maroc, 5,2% en Egypte et  8,6 % en Irak. Seule la Tunisie 0,8 % fait mieux que l’Algérie.  

Aussi, les autorités algériennes, représentées par le ministère des Finances, ont pris connaissance de la teneur du rapport avant même sa publication et le mécontentement exprimé après-coup devient incompréhensible. « L’équipe de la Banque mondiale remercie particulièrement le Ministère des Finances de l’Algérie pour ses commentaires sur le rapport avant la publication », lit-on dans la page « remerciements » du rapport.

 

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