Économie

La culture du blé en Algérie en danger

Partout en Algérie se multiplient les prières afin que les pluies soient de retour. Sur les réseaux sociaux, les photos de sols craquelés et de pieds de blé chétifs sont chaque jour plus nombreux.

Après le risque de perte de races de moutons, une nouvelle réalité apparaît : celle de l’impossibilité, à l’avenir, de cultiver du blé sans avoir à recourir à l’irrigation.

Plus d’eau dans le ciel et dans le sol

Des universitaires ont mesuré le changement du régime des précipitations. À l’ouest du pays, ces cinquante dernières années, la moyenne des pluies a diminué de 50 à 100 mm.

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Récemment, sur la chaîne III de la Radio algérienne, Brahim Mouhouche, spécialiste en hydraulique agricole, s’inquiétait de l’absence actuelle de pluies et des effets potentiels sur les rendements agricoles.

Pour pousser, le blé ne nécessite pas de grands besoins en eau. Les pluies d’octobre à juin suffisent à condition qu’entre deux averses, le sol emmagasine un minimum d’eau pour satisfaire les besoins de la plante.

Or, c’est cette capacité des sols à stocker de l’eau qui a tendance à se réduire dans de nombreuses zones céréalières en Algérie. En cause, des décennies de pratique du labour et de l’utilisation des pailles en élevage. Résultat, une diminution du taux de matière organique des sols. Une agriculture qualifiée de « minière » par les spécialistes.

Des labours qui dessèchent le sol

« J’ai passé des années à vous expliquer cela. Et peu de personnes ont écouté. Maintenant, j’ai plus de 60 ans et je n’ai plus beaucoup envie de me déplacer pour rien. Dommage je vous aime bien« . En ce début février Michel Dedenon donne son avis sur les réseaux sociaux algériens à propos du danger que constitue la pratique du labour. Labourer dessèche le sol. Cet expert français conseille plusieurs céréaliers et éleveurs algériens.

Le motif de ce cri du cœur ? Les plaintes des céréaliers dépités suite à une deuxième année de sécheresse sans qu’apparaissent des perspectives sur la modernisation des pratiques agricoles.

« Il n’a pas plu depuis 50 jours, les semences sont telles qu’on les a mises en terre au mois de décembre« , s’exclame Saïd Behaz, un spécialiste en céréales de Batna. À l’appui, un sillon d’une parcelle où, en ce mois de février, il a mis à nu les semences de blé. « On dirait qu’elles viennent d’être mises en terre. On n’avait pas vu cela depuis 1988« , poursuit-il.

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Certes, toutes les régions ne sont pas logées à la même enseigne. Au centre, au mois de décembre, les pluies ont été abondantes, moyennement à l’Est mais particulièrement absentes à l’Ouest. Ceux qui ont semé en sec fin octobre ont vu leurs blés lever, mais avec la sécheresse qui a suivi, de nombreuses parcelles sont clairsemées.

Dans le grenier à blé de Rahouia (Tiaret), l’agronome Mokhtar Zair note une réduction du nombre de pieds et de tiges de blé : « Dans le meilleur des cas, la densité est de l’ordre de 150 pieds par mètre carré. Nous sommes en 2e quinzaine de février et le nombre de grains est en cours de formation surtout chez les variétés précoces. Si le stress hydrique se poursuit jusqu’à la fin février, cette 2e composante va être également affectée« .

Élevage ovin, main basse sur la paille

La deuxième cause de la réduction de la capacité des sols à emmagasiner de l’eau vient de l’exportation des pailles hors des exploitations. La restitution au sol des pailles est une nécessité. Elle est courante dans les grandes plaines canadiennes et australiennes où le risque de sécheresse est constant.

Les moissonneuses-batteuses y sont d’ailleurs toutes équipées de broyeurs de paille. Les céréaliers savent qu’il s’agit d’un moyen pour améliorer la capacité du sol à retenir l’eau des pluies. L’humus issu de la décomposition des pailles enfouies agissant comme une éponge. Et celles restant sur le sol favorisent l’infiltration de l’eau dans le sol.

Sur les réseaux sociaux, l’agronome Hamoud Zitouni se demande comment en Algérie l’agriculteur pourrait enfouir la paille alors que le prix d’une seule botte de 25 kg coûte actuellement 1000 DA.

L’impasse de la céréaliculture en sec

La valeur économique des pailles et leur impossibilité à être utilisées pour maintenir la fertilité des sols met dans une impasse une partie de la céréaliculture.

Sur de nombreuses surfaces, il devient impossible de maintenir la moindre humidité du sol. Le blé ne peut plus résister au manque de pluie, même pour de courts intervalles. Or, l’irrigation d’appoint ne peut être étendue à toutes les surfaces et notamment celles des terres marginales.

À Sétif, des essais d’apports de boues résiduelles des stations d’épuration des eaux usées à permis de faire passer le rendement des céréales de 17 à 34 quintaux par hectare.

En Tunisie, des expériences de plantation de luzerne africaine sur un sol dégradé ont montré qu’il était possible de restaurer la fertilité du sol en faisant passer son taux de matière organique de 1 % à 5 %. Le défi des services agricoles est donc de définir rapidement une stratégie afin de faire coïncider les besoins de l’élevage et du maintien de la fertilité des sols.

 

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