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La diplomatie algérienne à la recherche d’une vision et d’orientations

La diplomatie algérienne à la recherche d’une vision et d’orientations

Toufik Doudou / NEWPRESS
Abdelkader Messahel, ministre des Affaires étrangères

Le plan d’action du gouvernement Ahmed Ouyahia, qui sera présenté dimanche prochain au Parlement, a consacré un petit chapitre à la politique extérieure que l’État entend mener dans le futur à la faveur « d’une diplomatie dynamique ».

Relancer l’UMA ?

À la lecture de ce qui est prévu, il apparaît pourtant de manière claire que cette politique extérieure manque d’orientation et de vision. Car, comment expliquer que l’Algérie se dit toujours engagée pour « la construction de l’Union du Maghreb arabe (UMA) » – dans le texte du gouvernement- alors que cette structure semble être dépassée en raison d’une période prolongée de blocage.

Aucun pays membre de l’UMA n’a fait un effort pour relancer l’Union ces dernières années.  La Tunisie et la Libye sont préoccupés par leurs problèmes internes alors que l’Algérie et le Maroc sont au même niveau de relation d’il y a trente ans. Le Maroc, qui a réintégré l’Union africaine (UA) et regarde désormais vers l’Afrique, ne veut plus entendre parler de l’UMA au moment où la Mauritanie s’engage dans le Sahel avec l’appui de Paris.

« Au plan bilatéral, l’Algérie poursuivra l’édification de relations de dialogue, de fraternité, de solidarité, de coopération et de bon voisinage, des relations qu’elle espère voir s’élargir à tous ses voisins maghrébins, dans le respect de la légalité internationale », est-il écrit dans le document.  

Quelques lignes sont consacrées à la crise en Libye. En ce sens, l’Algérie continuera d’appuyer les efforts du représentant spécial des Nations unies pour la Libye (Ghassan Salamé actuellement), en vue « d’une rapide restauration de la paix, de la sécurité et de la réconciliation nationale au profit du peuple libyen frère, dans la préservation de l’intégrité territoriale, de l’unité et de la souveraineté nationale de ce pays voisin », précise le document.

Quelles relations avec l’Afrique ?

Contrairement au discours officiel, entendu ces derniers temps, l’Afrique ne semble pas être une zone où l’Algérie veut renforcer sa présence ou son influence. Seul le Sahel intéresse Alger pour des raisons de proximité géographique et de concentration de menaces.

L’Algérie se déclare « activement solidaire » de tous les pays de la région sahélienne, dans « la lutte contre le terrorisme et le crime transnational, et dans l’édification du développement au profit des peuples de cette sous-région ».

Pour le Mali, l’Algérie continuera « d’assumer loyalement ses obligations découlant de l’accord de Paix et de réconciliation nationale (signé à Alger en juin 2015) ». « À ce titre, elle travaillera avec les autres partenaires, à la restauration de la paix au Nord Mali et dans ce pays en général, dans le respect de son intégrité territoriale, de sa souveraineté nationale, et de l’unité de son peuple », est-il encore précisé dans le document.

Qu’en est-il du « reste » de l’Afrique ? « Ailleurs en Afrique, l’Algérie sera toujours active au sein de l’Union Africaine, au service de l’unité et de l’intégration du Continent, dans le respect de ses principes et de sa Charte par tous les États membres de l’organisation », est-il mentionné.

Donc, Alger se contentera de « l’action institutionnelle » dans le cadre des organisations continentales. Quid des relations humaines, politiques, économiques et culturelles avec l’Afrique australe ? Avec la région des grands lacs ? Avec l’Afrique de l’Ouest ? Pas de réponses dans le plan d’action du gouvernement.

« Dialogue universel »

Pour la région arabe, l’Algérie annonce qu’elle ne ménagera pas son concours pour « le règlement des conflits et des tensions au sein de la Nation arabe, dans le respect de la souveraineté de chaque État, et dans la fidélité à ses principes de non-ingérence ».

Au-delà de ce rôle de « médiateur » que l’Algérie propose, Alger ne se désolidarise pas de la cause palestinienne. Alger reste également attaché à l’action au sein de la Ligue arabe et au sein l’Organisation de coopération islamique(OCI).

Quatre lignes seulement ont été consacrées à la coopération avec l’espace méditerranéen prouvant l’absence de toute stratégie à long terme envers cette zone, dix ans après avoir adhéré à l’initiative française de l’Union pour la Méditerranée.

« L’Algérie est un partenaire dynamique pour la promotion de la paix, du dialogue et de la coopération, notamment à l’intérieur du cadre des 5+5 », est-il relevé.

Critique de l’accord d’association

Le dialogue 5 + 5, qui regroupe dix pays des deux rives de la Méditerranée dans un cadre informel, tend à remplacer peu à peu le processus de Barcelone, à l’état de gel depuis plusieurs années.

« Avec l’Union européenne, l’Algérie continuera à travailler pour la concrétisation de l’Association qu’elle a contractée avec cet ensemble économique, dans un partage effectif des intérêts. Elle participera également à un dialogue politique et stratégique actif sur toutes les questions d’intérêt commun », est-il indiqué dans le plan d’action.

L’Accord d’association entre l’Algérie et l’Union européenne, entré en vigueur en septembre 2005, est légèrement critiqué dans le document que présentera Ahmed Ouyahia au Parlement. S’agit-il de le réviser tel que demandé par les opérateurs économiques algériens ?

« L’Algérie cultivera aussi des relations bilatérales avec les États membres de l’Union européenne, sur la base de la volonté et de la disponibilité réciproques, et dans le cadre d’intérêts mutuels équitables », est-il encore souligné.

Alger cherche « le rapport équitable » avec un espace qui concentre 60% de ses échanges commerciaux extérieurs. Alors, sommes-nous devant un simple langage diplomatique ?

Au plan international, Alger veut rester un membre actif du Forum mondial contre le terrorisme et « contribuer aussi au raffermissement de la coopération internationale contre ce fléau ». « Au plan bilatéral, l’Algérie continuera d’entretenir les relations d’amitié traditionnelles, de dialogue et de coopération dynamiques qu’elle a nouées avec ses partenaires, sur le continent européen, en Asie et en Amériques », est-il noté.

Le constat est évident : l’Asie, le continent qui concentre l’attention du monde entier pour des considérations géostratégiques, ne figure nulle part dans le tableau des priorités de l’État algérien. Idem pour l’Amérique du Sud, traditionnel partenaire de l’Afrique et des pays arabes.

Et la diplomatie économique ?

Qu’en est-il de l’action en extérieur sur le plan économique ? « L’appareil diplomatique national réalisera les aménagements et les adaptations nécessaires pour accompagner davantage l’action du gouvernement notamment dans la promotion de partenariats économiques extérieurs, et la conquête de marchés à l’étranger pour la production nationale », est-il écrit.

Qu’a donc fait « l’appareil diplomatique national » ces dernières années pour « conquérir » les marchés mondiaux devant la forte concurrence des autres pays ? Quel est le bilan de cet « appareil » ?

En réalité, la diplomatie économique demeure un concept étranger aux acteurs de la politique extérieure de l’Algérie. Il en est de même pour la diplomatie culturelle ou scientifique.

Au-delà de cet état des lieux, l’outil diplomatique algérien aura une mission précise : s’investir dans « la promotion et dans la défense d’une image exacte de l’Algérie, face à toute tentative extérieure de la travestir, dans les médias ou dans les foras internationaux ». Il n’y a donc pas que la diplomatie des petits fours. Il y a aussi celle des mises au point…

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