Économie

La forte hausse des dépenses publiques n’a pas produit les effets annoncés sur la croissance économique

En 2018, les performances de l’économie algérienne ont finalement été assez proches des prévisions des institutions financières internationales qui avaient anticipé une croissance poussive et insuffisante pour faire reculer significativement le chômage et la pauvreté. Une raison supplémentaire pour s’intéresser à leurs analyses les plus récentes au titre de l’année 2019.

C’est par un communiqué laconique relayé par l’agence officielle que le ministère des Finances a annoncé il y a une semaine que « la croissance économique effective de l’Algérie a atteint 2,3% en 2018 » alors que la Loi de finances de 2018 tablait sur une croissance de 4%. Le PIB national a ainsi atteint 178 milliards de dollars en 2018 contre 167 milliards en 2017.

Si ces résultats, plutôt décevants et publiés sans commentaires, sont assez éloignés des prévisions du gouvernement, ils se rapprochent en revanche sensiblement des estimations les des institutions financières internationales.

En effet, à la mi-octobre, le dernier rapport de la Banque mondiale (BM) sur l’Algérie avait déjà annoncé pour 2018 une croissance de seulement de 2,5 %, un chiffre, il est vrai, très inférieur aux 3,5% encore prévu par la même institution en avril dernier.

Quelques jours plus tard, c’était au tour du FMI de revoir ses prévisions en baisse en annonçant lui aussi une croissance de 2, 5 % pour l’année 2018.

Vers un cycle de croissance molle

À quoi doit-on désormais s’attendre pour l’année à venir ? On peut déjà remarquer avec satisfaction que les prévisions du gouvernement algérien semblent revenir à plus de réalisme. Il a abandonné la mauvaise habitude qui consistait, au cours des dernières années, à annoncer imperturbablement des taux de croissance de 4%, voire 5 %, régulièrement démentis par les faits.

En 2019, le gouvernement compte cependant encore bien récolter les fruits d’un financement très généreux de l’économie en termes de progression de l’activité économique. Il prévoit une croissance de 2,6 % pour l’exercice 2019 avec une croissance hors hydrocarbure de 3,2%, ainsi que l’a indiqué en décembre dernier le ministre des Finances Abderrahmane Raouya.

« Les secteurs de l’industrie, du bâtiment, des travaux publics, de l’habitat, de l’agriculture et des services contribueront à l’accélération de l’activité économique en 2019 en dépit du recul du secteur des hydrocarbures » précisait le ministre des Finances.

Mais, malgré cette prudence, les institutions financières internationales, Banque Mondiale et FMI en tête, se montrent une nouvelle fois un peu moins optimistes que le gouvernement algérien.

Le rapport de la Banque Mondiale d’octobre dernier prédisait un nouveau ralentissement de la croissance qui devrait être de 2,3% en 2019 et de 1,8% en 2020. La Banque Mondiale notait qu’« il sera difficile pour le taux de croissance du PIB de dépasser le seuil de 2% sur la période 2019/2020, ce qui représente une progression anémique pour un pays à revenu intermédiaire comptant une très forte proportion de jeunes ».

La même institution n’hésitait pas à ajouter que les autorités algériennes auront du mal dans ce contexte à « résister à la tentation de retarder à nouveau le rééquilibrage des finances publiques ». Un pronostic largement confirmé par la Loi de finances 2019.

Hier, mardi 5 février, la Coface française était sur la même longueur d’onde en prévoyant que la croissance économique de l’Algérie sera « modérée » en 2019, à 2,3%. L’organisme français maintenait le classement du risque Algérie inchangé, dans la catégorie C, correspondant à un « risque élevé ».

« L’augmentation du cours du pétrole a permis à l’économie algérienne de reprendre de l’allant en 2018. Les recettes d’exportations d’hydrocarbures se sont accrues allégeant la pression sur les recettes budgétaires, permettant, ainsi, à l’État de poursuivre sa politique de soutien à l’activité », précisait la Coface.

L’efficacité des dépenses publiques en question

Comment expliquer la médiocrité des performances de l’année 2018 aussi bien que la révision généralement en baisse des estimations de croissance pour 2019 et les années suivantes ?

Les analyses livrées par les institutions financières internationales, mais également par certaines institutions nationales, soulèvent tout d’abord le problème de l’efficacité de l’injection de dépenses budgétaires massives en l’absence de réformes de structure de l’économie.

En dépit d’une forte dose de dépenses publiques, la relance de l’activité économique n’a pas vraiment été au rendez-vous en 2018 et risque fort de l’être encore moins l’année prochaine.

Dans ce domaine, les institutions financières internationales ne sont pas seules à faire preuve de discernement. On peut trouver un commencement d’explication dans les dernières publications de la Banque d’Algérie.

Alors qu’on attend avec intérêt le bilan de la Banque centrale pour l’année 2018 qui devrait être rendu public dans les prochaines semaines, le dernier en date des bulletins de conjoncture de l’institution dirigée par Mohamed Loukal confirmait pour la première fois la hausse des dépenses publiques au premier semestre 2018. La Banque d’Algérie annonçait même une augmentation « substantielle » des dépenses budgétaires qui ont enregistrées une hausse de près de 30% au cours de la première partie de l’année 2018.

L’importance des transferts sociaux freine l’investissement

Problème : la Banque d’Algérie formulait aussitôt, et sans aucune ambiguïté, de sérieux doutes sur l’efficacité de ces dépenses supplémentaires. « Il est utile d’observer que la forte hausse des dépenses budgétaires totales est liée, pour l’essentiel, à celle des opérations en capital (dotation des comptes d’affectation spéciale, bonifications des taux d’intérêt, règlement des créances sur l’État et contribution du budget de l’État au profit de la CNAS) et beaucoup moins aux dépenses d’investissement de l’État », notait la Banque centrale.

Explications : la plus grande partie des dépenses publiques d’« équipements » supplémentaires ont été consacrées au premier semestre 2018 au paiement des retraites, qui devaient absorber plus de 700 milliards de dinars en provenance du budget de l’État l’année dernière, ainsi qu’au paiement des arriérés dus aux entreprises pour lesquels on parle de 500 milliards de dinars.

Les analyses récentes de la Coface sont de la même veine. L’organisme français note ainsi que « la poursuite du soutien à la consommation en augmentant les dépenses sociales se fera au détriment de l’investissement public ». Pour la Coface, « l’impact de la hausse des dépenses sociales de l’État algérien sur le pouvoir d’achat des ménages devrait en outre être limité par la hausse de l’inflation ».

Des analyses qui valent pour 2018 et qui semblent devoir s’appliquer encore plus au contexte de l’année à venir compte tenu des options retenues par la loi de finance 2019.

La contre-performance du secteur des hydrocarbures

La deuxième explication essentielle d’une croissance globale qui reste molle est liée à la contre-performance du secteur des hydrocarbures. On peut noter tout d’abord dans ce domaine que cette dernière est désormais anticipée tout à fait officiellement par le gouvernement. En décembre dernier le ministre des Finances annonçait ainsi « un recul de 1% de la production du secteur des hydrocarbures en 2019 » .

En guise d’explication, la Coface française considérait déjà l’année dernière que « la reconduction des quotas dans le cadre de l’accord OPEP devrait limiter la croissance d’un secteur pétrolier algérien déjà pénalisé par le manque d’investissement et l’arrivée à maturité de certains champs ».

Elle reprend ces explications dans sa dernière publication en y ajoutant, une fois n’est pas coutume, une certaine dose d’optimisme : « Une nouvelle loi visant à accroître l’attractivité du secteur auprès des investisseurs étrangers en limitant les restrictions imposées aux compagnies étrangères devrait accroître les IDE en direction de l’Algérie en 2019 » prédit la Coface.

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