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« La guerre d’Algérie ne vous a-t-elle pas servi de leçon ? » : Hollande raconte ses échanges avec Poutine, Obama…

« La guerre d’Algérie ne vous a-t-elle pas servi de leçon ? » : Hollande raconte ses échanges avec Poutine, Obama…

Très bavard avec les journalistes au cours de son mandat, l’ancien président français se faisait plutôt discret depuis quelques mois. Ces derniers jours, François Hollande multiplie les apparitions médiatiques pour présenter son livre-témoignage, « Les leçons du pouvoir » paru le mercredi 11 avril.

Dans cet ouvrage un brin lyrique, François Hollande défend évidemment son bilan puis jongle entre le récit des événements marquants de son quinquennat et des anecdotes plus personnelles. S’il ne dit aucun mot sur Abdelaziz Bouteflika (et très peu sur l’Algérie d’ailleurs), il dresse le portrait de plusieurs dirigeants. Extraits choisis.

Poutine à Hollande : « La guerre d’Algérie ne vous a-t-elle pas servi de leçon ? »

À la lecture de l’ouvrage de François Hollande, on discerne un mélange d’admiration et de répulsion pour le personnage de Vladimir Poutine décrit comme « froid et déterminé », « imprévisible » mais aussi « délicat ».

« Au cours de mon mandat, j’ai rencontré la plupart des dirigeants de la planète et sondé leur personnalité », écrit l’ancien locataire de l’Élysée.

« Le plus difficile fut à coup sûr Vladimir Poutine. C’est un homme tout en muscle et en mystère, aussi chaleureux et attentif qu’il peut être glacial et brutal, opposant toujours à son interlocuteur ce regard bleu qui lui sert tantôt à séduire, tantôt à inquiéter, expansif dans ses éclats de rire et cynique dans ses raisonnements, prononçant d’une voix placide les mots les plus acides ».

« Vladimir Poutine est l’un des dirigeants du monde qui peut s’enorgueillir de la plus impressionnante longévité et nulle limite ne semble s’opposer à la pérennité de son pouvoir. Aussi regarde-t-il ses homologues avec un mélange de condescendance et de curiosité. Il pense au fond de lui qu’ils ne sont que de passage et qu’ils sont soumis à des aléas médiatiques et politiques qui les rendent vulnérables », analyse l’ancien chef d’État.

Fin février 2013, François Hollande effectue un déplacement officiel en Russie. Au cours du déjeuner au Kremlin, il aborde le dossier syrien avec son homologue russe. « Je ne mâche pas mes mots pour dénoncer les excès du régime. Je critique l’impasse représentée par le soutien que la Russie lui accorde. », raconte l’ancien chef de l’État.

Soudain, poursuit François Hollande, Vladimir Poutine « se lance dans une critique véhémente de l’indolence supposée des Occidentaux envers l’islamisme ». « Mais enfin, dit-il alors au président, vous avez déjà vécu tout cela, vous les Français. La guerre d’Algérie ne vous a-t-elle pas servi de leçon ? » Je lui rétorque sur le même ton que cette guerre était d’abord une guerre d’indépendance, qu’elle n’avait rien de religieux et que nous étions alors une puissance coloniale en butte à une insurrection nationale. Il sourit d’un air sceptique, conscient d’être allé trop loin en voulant justifier sa politique envers les Tchétchènes ou d’autres minorités », écrit Hollande.

L’amie Angela Merkel

Angela Merkel est citée à plusieurs reprises dans Les leçons du pouvoir. Au cours de ces cinq années, les deux dirigeants européens vont se retrouver à plusieurs reprises : à l’occasion des sommets internationaux évidemment, puis pendant les crises ukrainienne et grecque. François Hollande ne cache pas la sympathie et l’admiration qu’il a pour la chancelière allemande. Il parle d’elle comme une « amie ».

Au lendemain de l’attaque du journal satirique Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, Angela Merkel téléphone à François Hollande pour lui exprimer son soutien. « (…) les principaux chefs d’État du monde m’ont appelé au téléphone pour témoigner de leur soutien. Angela a été la première. Nous discutons en anglais, elle a un ton grave, même si sa voix est douce, presque maternelle. ». La chancelière indique à Hollande qu’elle viendra le dimanche pour la grande manifestation du 11 janvier. « Quand elle raccroche, je sais que notre relation ne sera jamais plus la même. C’est un hommage à la France et un signe d’amitié sans mélange. », écrit Hollande.

Mais la chancelière n’est pas qu’une figure maternelle. François Hollande raconte qu’elle a appris à s’imposer au fil des années et à tenir tête aux bêtes politiques les plus complexes. « Angela Merkel ne craint pas Vladimir Poutine, elle le connaît bien et depuis longtemps. Elle sait lui parler. Lui ne renonce jamais à l’intimider par un mélange de menaces, de compliments et de souvenirs. Quand il la recevait à Sotchi, il lui imposait la présence de ses chiens. Il savait pertinemment qu’elle ne les aimait guère. Mais elle a de la patience et une longue habitude des négociations. De plus, elle a cette faculté extraordinaire de n’être jamais gagnée par le sommeil ».

Son mépris (à peine dissimulé) pour Donald Trump

S’il dit lui-même qu’il n’a pas eu le temps de travailler avec Donald Trump, l’ancien président français ne cache pas son mépris pour le nouveau locataire de la Maison Blanche. Les deux hommes s’entretiennent deux fois au téléphone. Au cours du premier échange, Donald Trump parle à François Hollande « de notre gastronomie, de nos vins, de nos monuments, s’abstenant de toute allusion à nos autres atouts ». « Il ramenait tout à des questions d’argent et j’étais pris par le vertige des « billions » de dollars dont il souhaitait faire l’économie », confie l’ancien président.

Aucune date n’est précisée mais le second entretien est assez déroutant. Le nouveau locataire de la Maison Blanche demande à François Hollande s’il ne connaît pas « quelques conseillers qui pourraient utilement rejoindre son équipe présidentielle ».

« J’avoue que la proposition m’avait laissé perplexe, presque interdit ! Comment y répondre ? Par le rire, discrètement étouffé. Puis par un sérieux de façade à la hauteur de son aimable provocation. Imperturbable, je lui glissai après réflexion le nom d’Henry Kissinger, l’ancien secrétaire d’État sous Richard Nixon (…) ».

Barack Obama, « l’icône » qui a lâché Hollande

« Le président Obama est un homme qui ne doute pas de son charisme, lequel est incontestable. Comme me l’avait soufflé un conseiller qui le découvrait, il est d’abord « Barack Obama », un personnage, une icône, une page d’histoire, le premier président noir américain. C’est un orateur exceptionnel qui sait faire surgir une émotion par la magie de la parole, un intellectuel capable des raisonnements les plus charpentés et les mieux informés ».

Mais, poursuit le président français, « la chaleur qu’il fait partager à des foules et cette simplicité souriante qu’il affiche avec un talent rare et un sens élaboré de la communication s’effacent dans des réunions plus intimes ou dans les contacts personnels. Il n’aime guère se confier et encore moins exhiber ses sentiments. »

Dans son récit, François Hollande dit sa déception vis-à-vis de l’ancien président américain sur le dossier syrien. En août 2013, après l’attaque chimique dans une banlieue de Damas, la France souhaite intervenir en Syrie. Le président français s’entretient avec ses homologues américain et britannique. « Un plan de représailles est dressé par les chefs militaires de nos trois pays. À plusieurs reprises, je m’entretiens avec Barack Obama pour arrêter le principe puis les modalités d’une intervention. (…) Une date enfin est fixée : ce sera le dimanche 1er septembre », écrit Hollande. Mais David Cameron, alors Premier ministre, essuie un échec au Parlement britannique. Obama recule. Hollande est seul, et renonce. « La dérobade américaine produisit comme je l’avais prévu un effet désastreux sur le conflit syrien. La Russie en profita pour s’introduire pleinement dans le jeu ».

Dans un livre-entretien paru en octobre 2016 – Un président ne devrait pas dire ça, le président sortant livrait déjà ses regrets : « Ce qui se serait passé [s’il y avait eu l’intervention en 2013], je pense, c’est que le régime aurait été affaibli, l’opposition plus forte, et Daech ne serait pas apparu comme ça, même s’il existait déjà en Irak », racontait-il alors aux journalistes du Monde Gérard Davet et Fabrice Lhomme.

Fidel Castro et « la culture légumière »

Mai 2015. François Hollande se rend à Cuba. Dans son ouvrage, il s’enorgueillit d’être le « premier chef d’État occidental » à se rendre à la Havane depuis la révolution. « Le président Raul Castro me reçoit avec maints égards. Nous n’écartons aucun sujet, y compris celui des droits de l’Homme. Une marque supplémentaire de reconnaissance m’a été accordée : il m’est proposé de m’entretenir avec Fidel Castro alors qu’il vit retiré dans sa maison (…) ».

La rencontre a lieu un peu plus d’an avant la mort du leader de la révolution cubaine. « Il n’a plus la superbe d’antan. Il est éprouvé par la maladie, même si elle n’a pas altéré son insatiable volubilité, moins sonore que par le passé mais toujours inépuisable », écrit François Hollande. « À ma surprise, poursuit l’ancien chef d’État, plutôt que de revenir sur ses combats dans la Sierra Madre ou sur le différend qui l’a opposé à l’Amérique durant son interminable présidence, il préfère me parler du rôle que les botanistes français ont joué dans le développement de son pays. (…) Et voilà que Fidel Castro me parle de la culture légumière plutôt que de celle de la révolution pour souligner le rôle essentiel de la France dans l’émancipation de Cuba », poursuit l’ex-président.

Les quelques lignes consacrées à Fidel Castro étonnent. Alors que Hollande se montre très acide sur la question de la longévité politique de Vladimir Poutine en Russie, il semble ne pas interroger celle de l’ex-président cubain (1959 à 2008).

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