Économie

L’Algérie a-t-elle interdit l’importation des chaussures ?

L’Algérie a-t-elle interdit l’importation des chaussures ? Un flou total entoure l’importation de ce produit. Tout est parti d’une déclaration du ministre du Commerce faite le 8 janvier au site Patrie News.

« Une nouvelle dynamique du produit algérien a été instaurée en Algérie, ce qui a permis d’atteindre un taux d’intégration de 100 % pour certains produits », a déclaré Kamel Rezig.

« Grâce à cette dynamique, nous avons pu éviter l’importation dans plusieurs secteurs dont la chaussure et les cosmétiques. Des produits pour lesquels nous avons inversé la tendance en devenant exportateur », a-t-il ajouté.

Importations des chaussures : le flou règne

Une telle déclaration signifie-t-elle que l’importation de chaussures est interdite en Algérie ? Pour Mustapha Zebdi, la réponse est oui. « La déclaration du ministre du Commerce laisse entendre que l’importation de chaussures est interdite », décrypte Mustapha Zebdi, président de l’Organisation algérienne de protection et d’orientation du consommateur, et son environnement (Apoce).

Fin janvier dernier, une dépêche de l’APS reprenait une déclaration du même ministre qui a indiqué que « les importations algériennes de textile et de cuir avaient baissé à 749 millions de dollars durant les 11 premiers mois de l’année 2022, alors qu’en 2021, elles étaient estimées à 1,1 milliard de dollars ».

Cette déclaration faite par le ministre lors des assises nationales sur « la réalité et les perspectives du développement des industries manufacturières du textile et du cuir en Algérie » laisse entendre qu’à la date de fin novembre 2022, l’Algérie importait encore des chaussures.

Le ministre a rappelé les objectifs du gouvernement est de « promouvoir le produit algérien dans le domaine du textile et du cuir ».

Chaussures : la production locale est-elle suffisante ? 

L’Algérie n’a pas cessé d’élargir la liste des produits interdits à l’importation ces dernières années, afin de réduire la facture des importations et développer la production locale.

En avril dernier, le ministère du Commerce a instauré une exigence d’une autorisation de l’Agence nationale de la promotion du commerce extérieur (Algex), pour obtenir une domiciliation bancaire, nécessaire dans les procédures d’importation.

« Les restrictions à l’importation sont utiles pour promouvoir le produit national. L’Apoce a été la première organisation qui a demandé l’interdiction d’importation des produits fabriqués en Algérie. Toutefois, il faut bien connaître le marché sur la base d’une étude précise, sinon il y aura une baisse drastique des produits sur le marché local avec comme conséquence une flambée des prix qui pénalise le consommateur », plaide Mustapha Zebdi.

La production algérienne des chaussures peut-elle satisfaire la demande du marché algérien ? « Á l’Apoce, nous n’avons pas assez de données pour juger si la production locale des chaussures est suffisante pour satisfaire la demande du marché local. Force est de rappeler qu’après chaque interdiction, on assiste souvent à une importante flambée des prix », déplore M. Zebdi.

Ce dernier plaide pour la mise en place d’un organisme de régulation. « Il est inadmissible que certains opérateurs profitent de la situation pour faire des gains au détriment du consommateur », dit-il.

« Nous avons toujours demandé à ce que les représentants des consommateurs siègent dans la commission qui établit la liste des produits interdits à l’importation. Or, nous n’avons même pas connaissance du contenu de la liste des produits interdits d’importation. Une telle liste doit être établie d’une façon juste et équitable », réclame-t-il.

« Le président de la République a insisté sur la nécessité d’impliquer la société civile dans le processus de consultation préalable d’aide à la prise de décision des pouvoirs publics.  La Constitution algérienne de 2020 reconnaît le mouvement associatif comme étant un partenaire indispensable dans le processus d’aide à la décision par les pouvoirs publics », rappelle le président de l’Apoce.

Et ce dernier de poursuivre : « Le chef de l’État a également ordonné de cesser d’importer les produits non indispensables, mais sans pour autant pénaliser le consommateur en évitant les pénuries. Il faut instaurer le juste équilibre ».

Restrictions des importations : l’Apoce met en garde

En 2021, le ministère du Commerce a suspendu l’importation des chaussures et vêtements en vrac.  L’association professionnelle des banques et des établissements financiers (Abef), a ordonné aux banques de suspendre toute domiciliation bancaire pour les opérations d’importation de vêtements et chaussures en vrac.

Une année plus tard, le ministère du Commerce a instauré l’exigence d’une autorisation établie par l’Agence nationale de la promotion du commerce extérieur (Algex), pour obtenir une domiciliation bancaire, nécessaire dans les procédures d’importation.

Dans la foulée, une obligation a été faite aux importateurs de matières premières, de produits et de marchandises destinées à la revente en l’état, de présenter un document prouvant l’indisponibilité des produits à importer en Algérie.

Suite à cette mesure, des opérateurs se sont plaints du ralentissement des chaînes de production du fait que ce document est très difficile à obtenir.

Des opérateurs évoquent une rupture dans la disponibilité de la matière première. Certains producteurs ont même été contraints de cesser leur activité.

« Il y a eu des usines qui ont fermé à cause du manque de matières premières suite aux restrictions sur les importations. De nombreux grands magasins sont en train de fermer », a regretté Mustapha Zebdi.

Samedi, les propriétaires des magasins franchisés en Algérie ont tiré la sonnette d’alerte sur les menaces qui pèsent sur leurs activités, en raison des restrictions à l’importation.

Les plus lus