
En Algérie, les céréaliers qui ont obtenu une aide de l’État doivent fournir leurs récoltes à l’Office algérien des céréales (OAIC). Cette obligation qui vient d’être rappelée par la direction des services agricoles de la wilaya de Khenchela dans une note adressée aux agriculteurs. Une mesure qui s’applique à ceux ayant bénéficié d’aides publiques, trace les contours d’une nouvelle politique agricole basée sur la conditionnalité.
La note datée du 14 juillet émane plus particulièrement de la daïra d’Ouled Rechache et concerne la campagne moisson 2025. Cette note fait référence au courrier envoyé début juin par le ministère de l’Agriculture et du Développement rural aux walis et directeurs des services agricoles rappelant que les agriculteurs ont obligation de livrer leurs productions à l’OAIC, monopole public de l’importation des céréales.
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Cela, conformément aux dispositions de l’article 30 de la loi de finances complémentaire de 2022. Celui-ci stipule en effet que « tout agriculteur qui pratique la culture des céréales et bénéficie du soutien de l’Etat, que ce soit au début ou à la fin du processus de production, quelle qu’en soit la forme ou la nature, est tenu de remettre sa production de blé et d’orge à l’Office Algérien interprofessionnel des Céréales, faute de quoi les mesures administratives et judiciaires appropriées seront prises. »
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Soutien massif de l’État aux agriculteurs
Ces dernières années, les aides de l’Etat aux céréaliers sont considérables : soutien des prix à la production, subvention de 50% sur les engrais et de 20% sur les semences. Des subventions qui concernent également l’achat de matériel agricole et d’irrigation ; sans compter avec les prêts de campagne. Dans les wilayas sinistrées suite à la sécheresse de 2023, les agriculteurs concernés ont bénéficié de la gratuité des engrais et des semences ainsi que du report durant trois années des remboursements des prêts de campagne.
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L’obligation de livrer la récolte de céréales à l’Etat vise plusieurs objectifs. Ces livraisons permettent d’assurer la disponibilité en semences notamment dans le cas de l’orge. Cette céréale est très demandée par les éleveurs et en cas de sécheresse, il y a un risque de pénurie. L’éventualité de l’importation de semences d’orge poserait le problème de leur adaptation aux conditions locales.
Ces livraisons permettent également à l’OAIC de déterminer avec exactitude les quantités de céréales produites et donc d’envisager celles à importer.
Il y a également les conditions rudimentaires du stockage des céréales à la ferme et le risque de leur infestation par les insectes s’attaquant aux grains. Des ravageurs bien connus des agriculteurs sous le nom de « essoussa ».
En Europe, le stockage moderne des céréales à la ferme est encouragé et les agriculteurs reçoivent mensuellement des primes de stockage. La stratégie actuelle de l’OAIC vise à développer un réseau de stockage à plat et en silo.
En mars dernier Youcef Cherfa, le ministre de l’Agriculture a confié à l’agence APS que « le secteur lancera prochainement la construction de 30 silos de grande capacité, 16 silos de capacité moyenne et 352 centres de stockage de proximité des céréales à travers le pays, avec une capacité de 50.000 quintaux pour chaque centre. »
Un programme qui permettra à « la capacité de stockage des céréales au niveau national de passer de 4 à 9 millions de tonnes d’ici deux ans », selon le ministre. Il s’agit de constituer des stocks stratégiques pour un produit de très large consommation.
Une politique de « conditionnalité »
Cette obligation de livrer sa récolte en cas d’aide de l’Etat revient à instaurer une « conditionnalité ». Une pratique courante dans l’Union Européenne dans le cadre de la politique agricole commune (PAC). Ces conditions portent généralement sur le respect des exigences réglementaires concernant l’environnement, la santé publique, la santé végétale et le bien-être animal.
Cette conditionnalité existe déjà dans plusieurs cas en Algérie. Dans le cas de la location de parcours steppiques, les éleveurs ont obligation d’utiliser ces parcelles durant des durées allant de 2 à 3 mois selon la saison.
Au sud, dans les périmètres irrigués, concernant les cultures stratégiques, le ministère de l’Agriculture fait obligation aux investisseurs de préciser un plan de culture sur 3 années.
À Tiaret ces dernières années, selon la chaîne Web Tiaret News, les autorisations de forage concernent des débits de 3 à 5 litres par seconde. Et ces autorisations sont gelées en cas de manque de pluie et de rabattement du niveau des nappes souterraines.
En zone steppique, pour les plantations, le besoin en eau des arbres fruitiers est pris en compte. En mai dernier, le Directeur général des forêts, Djamel Touahria a indiqué à l’agence APS que « les opérations de reboisement du Barrage vert ont jusqu’à présent couvert 24 000 hectares, notamment par des arbres résistants et fruitiers dont les oliviers, les amandiers et les pistachiers. »
Face aux défis du réchauffement climatique, la conditionnalité pourrait être de règle à l’avenir. Car est-il possible de tolérer des agriculteurs la poursuite de la pratique des labours ou du pâturage sauvage en amont des barrages ? Des pratiques qui provoquent une érosion que Boutkhil Morsli de l’Institut national de la recherche forestière (INRF) et co-auteur d’une étude, estime en 2013 à 6,8 tonnes de terre par an et par hectare sur sol nu. Une érosion pouvant atteindre un taux record de 54 tonnes dans les cas de ravinement ; une terre qui contribue à envaser les barrages.
Sera-t-il possible de poursuivre l’irrigation par aspersion sur petite surface alors que l’irrigation par goutte à goutte permet une économie d’eau ou poursuivre le pâturage sauvage et la dégradation des parcours steppiques avec son corollaire, la désertification.
La note des services agricoles concernant la collecte des céréales semble augurer une nouvelle stratégie, celle de la conditionnalité vers une agriculture plus durable.
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