Économie

L’Algérie et la Banque mondiale cherchent à renouer les fils d’une coopération minimale

Entre l’Algérie et la Banque mondiale, on tente de renouer timidement les fils de la coopération. Les relations étaient quasiment au point mort depuis le milieu de la décennie écoulée.

La politique de désendettement accéléré mise en œuvre par les autorités algériennes depuis 2004 a eu pour conséquence un gel presque complet des relations avec les institutions internationales spécialisées dans le financement du développement.

Ferid Belhadj, vice-président de la Banque mondiale chargé de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord était à Alger entre le 4 et le 7 septembre. Durant son séjour, il a multiplié les déclarations apaisantes destinées à ménager la susceptibilité des dirigeants algériens.

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L’Algérie a eu raison de ne pas recourir à l’endettement extérieur vu qu’elle dispose de « suffisamment de financements » pour subvenir à ses besoins budgétaires, a par exemple affirmé M.Belhadj. « Nous pensons que l’Algérie est dans la bonne direction. Cependant (…) il faut qu’il y ait, peut-être, des accélérations », a-t-il ajouté.

Ferid Belhadj croit même avoir discerné en Algérie des « réformes économiques » qu’il a qualifiées même de « positives ». Il a notamment salué « la place de plus en plus importante et pertinente accordée au secteur privé », indispensable selon lui à la nécessaire diversification de l’économie algérienne, ultra-dépendante du pétrole.

« Cela ne se fera qu’à travers un secteur privé qui sera délesté de certaines contraintes qui alourdissent toujours son développement », ce dont les responsables algériens sont conscients, a-t-il précisé, après avoir rencontré plusieurs ministres et le gouverneur de la Banque d’Algérie.

Région Mena : une coopération qui tourne à plein régime

Après ces propos conciliants, M.Belhadj en est venu à l’essentiel. C’est-à-dire la nature de la coopération entre la Banque mondiale et l’Algérie.

« Notre engagement en Algérie n’est pas basé sur le financement de projets », a déclaré le responsable. « L’Algérie a suffisamment de financements et n’a besoin d’emprunter ni auprès de la Banque mondiale ni auprès de quelqu’un d’autre », a-t-il également affirmé en précisant que « notre engagement avec l’Algérie est un engagement que nous avons élevé au niveau d’un dialogue et d’un échange d’expériences ».

Une façon diplomatique de décrire une coopération réduite depuis près de 15 ans à sa plus simple expression.

Pour s’en convaincre, il suffit de lire le communiqué de presse publié par les services de la Banque mondiale le 1er août dernier. Il indique qu’au cours de l’exercice budgétaire qui s’est achevé le 30 juin 2018, « la Banque mondiale a répondu à la forte demande de financements, d’expertise internationale et d’innovation émanant des pays de la région Mena ».

C’est ainsi que plus de 6,3 milliards de dollars de nouveaux financements ont été engagés durant l’exercice 2018. Ces engagements d’une « ampleur inédite » ont notamment porté sur des financements de 500 millions de dollars en soutien aux réformes de l’enseignement public en Égypte ou de 200 millions de dollars pour un projet visant à rapprocher les agriculteurs des marchés au Maroc .

Le portefeuille actuel de la Banque mondiale dans la région Mena représente une enveloppe totale de 17 milliards de dollars. Il couvre un large éventail de secteurs, de l’agriculture au transport en passant par l’énergie, l’éducation, l’environnement, la santé, la protection sociale et le commerce.

Maroc et Tunisie, de bons clients pour la BM

Une visite sur le site internet de la Banque montre que, dans les pays voisins, la coopération avec la Banque mondiale semble tourner ces dernières années à plein régime. C’est le cas notamment au Maroc ou l’on dénombre pas moins de 14 projets en cours d’exécution sans compter la dizaine d’autres qui se sont achevés au cours des deux dernières années.

Les domaines de coopération sont multiples et couvrent un spectre qui va de l’énergie, avec le projet de centrale solaire de Ouarzazate ou un appui à l’Office National de l’Electricité, jusqu’à la réforme de l’administration publique en passant par l’éducation, la santé, l’agriculture, la politique de développement de l’eau, les routes et la gestion des déchets urbains .

La Tunisie fait encore mieux avec plus d’une vingtaine de projets actifs et conclus rien que depuis 2010. Là aussi, les domaines de l’assistance technique concernent l’éducation, la santé , l’eau, l’énergie , la gestion des déchets ou encore le financement des PME et le développement des exportations. La révolution de jasmin n’a pas enrayé le processus mais a contribué à le réorienter vers une série de projets adoptés depuis 2011 et consacrés à la gouvernance, au financement des PME et à l’emploi des jeunes diplômés.

L’impact financier de cette coopération n’est pas négligeable puisque pour la Tunisie par exemple, il s’est traduit par des financements d’un montant cumulé supérieur à 1 milliard de dollars au cours des 5 dernières années.

La coopération avec l’Algérie, une exception régionale

Dans le contexte régional, l’Algérie fait figure d’exception et n’est pas du tout concernée par ce développement inédit de la coopération avec la Banque mondiale. Mise en œuvre sans nuances, la politique de désendettement tous azimuts adoptée par les autorités algériennes à partir de 2003- 2004 a provoqué une série de dégâts collatéraux au premier rang desquels figure le tarissement presque complet de la coopération avec les institutions financières internationales.

La Banque mondiale n’est pas la seule concernée. Des institutions comme la Banque africaine de développement ont également vu leurs activités se réduire et leurs représentations en Algérie réduites à leur plus simple expression.

Quelques spécialistes se sont émus, au cours des dernières années, des freins imposés à la coopération avec des institutions disposant d’un savoir-faire et d’une expérience considérable en soulignant notamment son caractère paradoxal dans un contexte ou, au cours de la décennie écoulée, l’Algérie mettait en œuvre des programmes d’investissements colossaux sans pouvoir toujours les accompagner de la maturation, des évaluations et des actions de suivi nécessaire.

Certains d’entre eux n’hésitent pas à considérer, à l’image de ce banquier privé, que « les économies réalisées en désendettement auprès des institutions financières internationales ont sans doutes été payées cash en frais d’études facturés par des partenaires privés dans le cadre des contrats d’équipement réalisés au cours de la dernière décennie ».

Le nouveau partenariat : une assistance technique à l’état pur

C’est sans doute ce qui a poussé, dans la période la plus récente, le gouvernement algérien et la Banque mondiale à réfléchir à des moyens de débloquer la situation. Dès 2014, une équipe algérienne constituée de représentants des secteurs ayant marqué le besoin de recourir à l’expertise de la Banque mondiale a été constituée « dans le respect des priorités affichées dans le programme de développement du gouvernement », ainsi que le précisait avec prudence un communiqué officiel .

Un nouveau cadre de partenariat a été mis en place qui se distingue des « formes classiques auxquelles l’Algérie recourait dans le passé » en tant qu’emprunteur auprès de la BM. Pas de financements de projets générateurs d’endettement mais uniquement de l’assistance technique à l’état pur. Il doit permettre à notre pays d’inaugurer « une nouvelle forme de coopération » avec une institution qui fournira, à travers ses experts « des appuis techniques., sur la base d’une expérience avérée dans les domaines d’appui sollicités »

Dans le but de contourner l’obstacle constitué par l’interdiction de l’endettement, le programme est « financé entièrement par les ressources budgétaires nationales à travers un instrument novateur qui est l’Assistance Technique Remboursable (ATR) ».

Cet instrument « innové conjointement avec la BM, répond aux exigences de l’Algérie qui a opté pour une gestion prudente de sa dette et ne recourt plus aux financements extérieurs ». Selon le bilan publié le 1er août par la BM, il a émargé à un budget global de 55 millions de dollars pour l’exercice clos en juin 2018, soit moins d’un centième des financements consacrés à la région Mena au cours de l’année écoulée.

Une dizaine d’axes de coopération

Un budget squelettique qui n’empêche pas cette coopération minimale, basée sur des « échanges d’expériences » et purement « intellectuelle », d’afficher des objectifs ambitieux . Le nouveau cadre de partenariat n’annonce pas moins d’une dizaine d’axes de coopération. Il s’appuie sur trois domaines d’intervention principaux qui portent sur le renforcement de la croissance par la diversification de l’économie, y compris la modernisation du secteur financier, la mise en œuvre des stratégies de développement agricole et rural et l’amélioration du climat de l’investissement, en particulier pour les PME ,

Le ministre des Finances, Abderrahmane Raouya , a également confirmé récemment que des experts de La Banque mondiale travaillent actuellement avec leurs homologues algériens sur les mécanismes de ciblage et de compensation destinés à répondre aux besoins de la population en matière de protection sociale dans le cadre d’une réforme des subventions toujours « à l’étude ».

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