search-form-close
L’Algérie face à la problématique des légumes secs

L’Algérie face à la problématique des légumes secs

L’augmentation récente des prix des légumes secs en Algérie et la publication de leurs prix officiels montre la préoccupation des pouvoirs publics pour un produit stratégique.

Un produit quelque peu oublié face à l’urgence du programme oléagineux qui a occupé le devant de la scène ces temps-ci. Les légumes secs, une culture dont la production locale a du mal à augmenter.

Algérie : la culture des légumes secs peine à se développer

Pour Hacène Menouar, président de l’association des consommateurs El Aman, qui s’exprimait récemment dans les colonnes d’El Watan, dans cette hausse des prix, il faut voir l’effet des cartels.

Des cartels qui seraient organisés dans tous les domaines et qui joueraient sur les prix et sur la disponibilité des produits. Pour d’autres observateurs, il s’agit également de considérer la sécheresse. « Cette année, la production a été nulle », confie à TSA un bon connaisseur du dossier.

Afin de contrer la spéculation, dès 2022, les Coopératives des Céréales et des Légumes secs (CCLS) ont ouvert des points de vente pour vendre lentilles, pois chiche et haricots blancs à prix réglementés.

Le plus souvent, un simple local à proximité de machines agricoles avec des étagères chargées de sachets de pois chiches ou de lentilles, un comptoir et une balance pour les ventes au détail.

Depuis, le packaging a évolué et des CCLS se sont équipées de matériel moderne d’ensachage. Des sachets d’un kilo sont ainsi automatiquement remplis et scellés tandis que des agents les disposent dans des cartons mis ensuite sur palettes.

Les légumes secs peuvent ainsi être distribués aux commerçants grâce au réseau de vente propre à l’Office Algérien Interprofessionnel des Céréales (OAIC) qui se met progressivement en place.

Mécanisation de la culture des légumes secs

L’innovation des CCLS en matière de commercialisation n’ont pas été suivis par les efforts attendus de vulgarisation des techniques de culture.

Pourtant, dès le milieu des années 1970, dans le cadre d’un programme de coopération avec des experts étrangers, l’Institut Technique des Grandes Cultures (ITGC) a mis au point une méthode de mécanisation de la culture des légumes secs en utilisant le matériel propre aux céréales. L’emploi d’herbicides et de moissonneuses-batteuses remplaçant les fastidieuses opérations manuelles.

Malgré ces nouvelles possibilités, les CCLS et les services agricoles n’ont pas réussi à développer de manière significative les superficies de légumes secs en Algérie qui continuent d’importer massivement les lentilles, les pois chiches et les haricots.

La cause de la faible extension des surfaces est à rechercher dans la particularité du mode de culture des légumes secs. Contrairement aux céréales, ces derniers sont plus exigeants.

Impossible, comme dans le cas des céréales et comme le pratiquent encore de nombreux agriculteurs, de semer puis de revenir 6 mois plus tard pour la récolte.

Les plants de lentille et de pois chiche sont de plus petite taille, aussi ont-ils obligatoirement besoin de désherbage mécanique ou chimique.

Problème, la majorité des exploitations ne possèdent pas de pulvérisateurs. À la récolte, cette petite taille des plants oblige de rabaisser au ras du sol la barre de coupe des moissonneuses-batteuses. Une pratique impossible en cas de sol imparfaitement aplani ou en présence de cailloux.

Enfin, contrairement aux céréales, les parcelles de lentilles ne mûrissent pas de façon homogène : une partie de la parcelle peut être de couleur jaune, donc prête à récolter alors que le reste peut être encore vert et donc pas encore arrivé à maturité.

Aussi, la culture des lentilles et des pois chiches n’intéresse pas la grande masse des agriculteurs, du moins pas sur les surfaces espérées par les services agricoles.

Pour compléter le tableau, il est à préciser qu’après la récolte des légumes secs, contrairement aux céréales, il n’y a ni paille ni chaume. Or, habituellement, ceux-ci ramènent des revenus complémentaires à l’agriculteur. Les bottes de paille sont vendues et les chaumes sont loués aux éleveurs de moutons.

Algérie : les légumes secs plus exigeants que les céréales

Face à cette situation, en avril 2022, le chef de l’État avait demandé, lors d’un Conseil des ministres, le relèvement des prix d’achat des légumes secs.

Depuis, l’Office algérien des céréales (OAIC) développe une politique de prix d’achat attractifs avec notamment une augmentation de 3.000 DA pour le quintal de lentilles et de 2.000 DA pour celui des pois chiches.

Des prix qui correspondent à une fois et demi à celui du prix du blé dur. Ces augmentations des prix d’achat sont venues répondre aux revendications des agriculteurs qui se sont lancés dans la production de ce type de culture.

Ces dernières années, il est arrivé que des CCLS se retrouvent avec des stocks invendus de lentilles et de pois chiches. Elles n’arrivaient pas à écouler la marchandise locale face aux importations réalisées par le secteur privé. Cette situation a amené l’institution, en janvier dernier, d’un monopole de l’Office algérien des céréales (OAIC) sur l’importation des légumes secs.

Il est ainsi arrivé que des lots de pois chiche achetés par les CCLS ne trouvent pas de débouchés. Le plus souvent, il s’agit de pois chiches de petite taille affectés par un manque d’eau, car le consommateur préfère des pois chiches de grosse taille. Ces lots n’avaient alors trouvé preneur qu’auprès de fabricants de karantita, car ces derniers n’utilisent les pois chiches que sous forme de farine.

Concernant les lentilles, ces dernières années, de nouvelles variétés sont apparues sur le marché algérien. C’est le cas des lentilles corail dépelliculées. Le producteur local de légumes secs doit donc répondre aux attentes du marché.

Les légumes secs présentent une particularité de taille par rapport aux céréales : l’absence de toute transformation avant consommation.

Cela se traduit sur le terrain par l’apparition d’opérateurs privés qui s’adressent directement à l’agriculteur pour lui acheter sa production et la mettre sur le marché.

Dans certains cas, il s’agit de spéculateurs qui tentent de profiter de tensions conjoncturelles sur le marché. Mais d’autres opérateurs privés sont apparus sur le marché. Ils achètent la production des agriculteurs et les assistent à travers la vente de semences certifiées, de produits phytosanitaires et à travers un suivi technique.

C’est le cas de la société Axium de Constantine qui intervient dans la promotion de la culture de la lentille sous la marque Kenza. Un contrat tacite peut donc être passé entre producteur et acheteur, il correspond à un mécanisme de contractualisation.

Contre une aide à la production, l’agriculteur s’engage à fournir sa production à un opérateur, qui de son côté, s’engage à acheter la production.

Les opérateurs privés ainsi engagés dans ce processus de contractualisation deviennent alors intéressés par l’augmentation des surfaces de légumes secs et à ce titre agissent de concert avec les services agricoles.

Ainsi, pour Nasri Mouloud d’Axium : « Des progrès techniques appréciables ont été réalisés par les exploitations dans la maîtrise des mauvaises herbes et des pertes à la récolte ».

Légumes secs, riches en acides aminés

L’augmentation des prix des légumes secs constatée cette année est, en partie, liée à la sécheresse phénoménale qu’ont subi les exploitations agricoles en Algérie.

Mais une sécheresse dont les effets peuvent être atténués par l’emploi généralisé de techniques agronomiques adaptées. Le défi est d’autant plus important que les légumes secs qui contiennent des acides aminés essentiels, dont la lysine.

Aussi, les pois chiches et les lentilles sont complémentaires du blé dur, particulièrement pauvre en cet élément de base. C’est cette association qui fait du couscous aux pois chiche un plat diététiquement équilibré recommandé.

La technique du dépelliculage des lentilles récemment découverte par le consommateur algérien, à travers la consommation de lentilles corail importées, ouvre de nouvelles perspectives au secteur local de l’agro-industrie dans l’emploi des légumes secs.

À l’étranger, nombreuses sont les start-ups qui travaillent sur les moyens d’augmenter la part des légumes secs dans l’alimentation. Cela passe par l’extraction de leurs protéines végétales et leur incorporation dans différentes préparations dont les pâtes alimentaires. Les techniques de fermentation sont également explorées afin d’ôter leur goût et de réduire d’éventuelles difficultés de digestion.

Les débats liés à la récente augmentation du prix des légumes secs auront permis d’attirer l’attention sur l’importance stratégique des légumes secs.

Comme l’indique Hacène Menouar, « ces produits remplacent les protéines animales devenues inaccessibles ». Des protéines qu’on ne peut trouver dans la pastèque…

SUR LE MÊME SUJET :

Algérie : du nouveau pour l’importation des légumes secs

  • Les derniers articles

close