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L’Algérie lance un vaste chantier de modernisation de son agriculture

L’Algérie cherche à moderniser son agriculture. Le défi est double : assurer la sécurité alimentaire et faire face aux conséquences du réchauffement climatique.

L’Algérie lance un vaste chantier de modernisation de son agriculture
Outre la numérisation et l'adaptation aux changements climatiques, l'objectif annoncé est d'arriver à une agriculture « durable » / Par oticki / Adobe Stock pour TSA
Djamel Belaid
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Une conférence sur la modernisation de l’agriculture algérienne, se tiendra les 27 et 28 octobre prochains à Alger. Elle se prépare activement au niveau de différentes commissions réunies autour de thèmes spécifiques. Objectif : assurer une sécurité alimentaire durable au pays.

Selon le ministère de l’Agriculture et du développement rural, cette conférence réunira une « élite d’experts nationaux et internationaux ».

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Au programme, aborder « l’utilisation des technologies modernes pour accroître la productivité et la rentabilité, l’exploitation optimale des ressources en eau, la modernisation des équipements et des infrastructures agricoles, le développement des mécanismes de financement agricole et la numérisation complète du secteur agricole. »

Un programme ambitieux qui comprend également « la restructuration et la réorganisation du ministère et des institutions qui en dépendent ». L’objectif arrêté est d’arriver à « l’utilisation des technologies modernes dans la gestion des biens agricoles et le recours à la biotechnologie pour développer des variétés mieux adaptées aux changements climatiques » qui affectent l’Algérie.

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La nouveauté réside dans la volonté affirmée de renforcer « le dialogue entre les chercheurs, les cadres du secteur et les partenaires économiques » dans le but de « construire un secteur agricole durable et capable de relever les défis de l’avenir ».

Outre la numérisation et l’adaptation aux changements climatiques, l’objectif annoncé est d’arriver à une agriculture « durable ». Une approche jusqu’à présent négligée par les agriculteurs.

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Différentes études universitaires montrent que les activités agricoles actuelles sont à l’origine d’un processus de désertification de la steppe, de salinisation et de perte de fertilité des sols ainsi que d’une baisse du niveau des nappes d’eaux souterraines.

De multiples débats

Dans les cercles universitaires, la presse et les réseaux sociaux, l’intérêt pour cette rencontre est manifeste. Sur ces réseaux, « Ferial agronome » lance le débat. L’ingénieur Hamoud Zitouni demande : « Quid des moyens de résilience de l’agriculture face au réchauffement climatique de plus en plus inquiétant à plus d’un titre ? »

Mouna Meziani interroge : « Pour moderniser tout un secteur qui demeure stratégique. N’est-il pas intéressant de mettre tous les acteurs sur les mêmes longueurs d’ondes, à commencer par la communication : clé de réussite de tous les projets et les programmes. »

Quant à Mohamed Yazid Boumghar, il estime que « la numérisation est totalement absente, pour l’agriculteur, malgré les discours officiels. À chaque début d’année, il est demandé à l’agriculteur une tonne de papiers et de copies pour se faire établir le plan de culture et acheter la semence et l’engrais. »

Fin septembre, le quotidien El Watan relevait que le ministre a souligné la nécessité de « revoir, de manière approfondie, la structure du secteur de l’agriculture, notamment les établissements sous tutelle qui n’ont pas changé depuis l’indépendance et ne sont plus en phase avec les évolutions de l’époque », et de le « moderniser ».

Contacté par TSA, l’agro-économiste Omar Bessaoud estime que l’application des systèmes d’information et de numérisation en agriculture « exige un programme de formation et d’encadrement technique au niveau des exploitants agricoles, afin de généraliser l’utilisation de capteurs afin de déterminer les besoins des plantes en eau et intrants ».

Il suggère également d’améliorer la disponibilité de matériels informatiques et des réseaux Internet dans les campagnes. Enfin, il préconise la mise en œuvre d’un « programme d’adaptation agricole au réchauffement climatique auquel le pays sera confronté. »

En effet, il s’inquiète de l’impact du changement climatique à l’Ouest du pays, notamment dans les Hauts plateaux (wilayas de Tiaret-Tissemsilt-Saïda…) où sont produites 30 % des céréales du pays.

L’été dernier, pour la deuxième année consécutive, des agriculteurs d’Oued Lili (Tiaret) ont été affectés par la sécheresse et n’ont rien récolté. L’alternative passe par la modernisation du dry-farming.

Omar Bessaoud insiste également sur la nécessaire de l’amélioration du système d’information statistique agricole. Il regrette que soient indisponibles les données agricoles issues du dernier Recensement Général de l’Agriculture (juillet 2024), et que les annuaires de statistiques agricoles les plus récents ne publient que les chiffres concernant l’année 2019. Il poursuit : « les chiffres de la récolte de céréales de 2023 ne sont parus qu’en juillet 2024 dans un document de la Banque d’Algérie ».

Coopération internationale et « conditionnalité »

En plus des experts nationaux, des experts venant de l’étranger devraient être présents à cette conférence. En 2024, dans le cadre du programme européen PASA, de tels experts avaient contribué au développement inclusif de la filière huile d’olive. Un autre partenariat avec des experts de Bretagne International avait permis de mettre sur pied des groupes d’appui aux éleveurs laitiers.

À Adrar, depuis deux ans, les experts turcs de la société Dunaysir produisent du blé. Dans la daïra de Hassi Messaoud (Ouargla), comme le note l’agence APS, ont été produites « 3.600 tonnes de betterave sur 60 ha et 60.000 tonnes sur 800 ha durant l’année 2020 ». Une production de la société d’investissement Al-Filaha-Atlas, fruit d’un partenariat privé algéro-turc.

Des experts italiens devraient participer à la production de blé dur à Timimoun. Le contact entre experts étrangers et cadres locaux ne peut qu’être profitable. Déjà en 2014, dans la Revue des Régions Arides, l’expert S.E. Benziouche déplorait, à propos d’arido-culture, « l’inefficacité et la faible performance de la vulgarisation agricole qui semble avoir échoué dans sa mission et ses effets escomptés. » À cela, s’ajoute l’indisponibilité de revues professionnelles agricoles nationales et étrangères.

Lors de son dernier entretien avec la presse, le président Abdelmadjid Tebboune a souhaité que chaque agriculteur qui bénéficie de subventions livre sa récolte de céréales à la CCLS. Il s’agit là d’un principe de « conditionnalité » utilisé dans plusieurs pays et notamment en Europe au niveau de la politique agricole commune (PAC).

Ce principe de conditionnalité défini comme un « ensemble de règles à respecter pour tout agriculteur […] recevant une ou plusieurs aides » pourrait être appliqué en Algérie par exemple à tout éleveur utilisant les parcours steppiques ou bénéficiant de forages. Nul doute que cette conférence donnera un nouvel élan au secteur agricole.

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