Après le sud, l’Algérie a lancé la campagne de moisson-battage au nord du pays samedi et s’attend à une récolte record en 2025. Les services agricoles tablent sur une production de 50 millions de quintaux de céréales, soit cinq millions de tonnes, et à la clé une autosuffisance en blé dur en 2026.
Ces estimations sont réalisées par les directions des services agricoles de wilaya à travers des mesures effectuées au niveau de parcelles représentatives.
Récolte de céréales en Algérie : comment sont réalisées les estimations
Sur un mètre carré, les épis sont récoltés et pesés. Répétées plusieurs fois au niveau d’une même parcelle, ces mesures donnent une idée du rendement attendu. Afin d’éviter une surestimation du rendement, les agents tiennent compte de l’égrenage naturel propre à chaque variété, des dégâts causés par les rongeurs et les oiseaux ainsi que les pertes liées à la récolte du fait de réglages inadaptés des moissonneuses-batteuses.
Un autre moyen pour apprécier le niveau de production fait appel à des images prises à partir de satellites d’observation. Les champs de couleur verte, donc en pleine croissance, renvoient de façon particulières les radiations lumineuses que captent les différents filtres dont sont équipés les satellites. Une technique généralement utilisée par le Département de l’agriculture américain (USDA) pour réaliser des prévisions de récolte dans différents pays dont l’Algérie.
Un autre paramètre concerne le volume des précipitations reçues par chaque wilaya ainsi que leur répartition durant le cycle de la culture. Or, les régions Centre et Est de l’Algérie ont bénéficié d’une pluviométrie régulière, et même de la neige, notamment en fin de cycle lors de l’épiaison et de la phase critique de remplissage du grain.
Aux conditions climatiques favorables, il s’agit de rappeler les aides publiques dont bénéficie la filière céréales et de l’affectation de moyens logistiques considérables lors des moissons que ce soit au sud ou au nord. Chacune des régions ouest, centre et est de l’Office algérien des céréales (OAIC) ont dépêché des moyens matériels aux régions sud leur correspondant géographiquement. En effet, la moisson est plus précoce au sud, puis les camions et les engins de récolte transportés sur des porte-chars ont été rapatriés au nord.
En fonction de toutes ces données, le quotidien Ennahar on line indique que lors d’une récente réunion au niveau du ministère de l’Agriculture et du Développement rural présidée par Youcef Cherfa, ministre de l’agriculture, celui-ci aurait déclaré s’attendre à une récolte de « 50 millions de quintaux » de céréales. En 2024, la production algérienne était de 3 millions de tonnes.
A l’automne les services agricoles ont visé l’emblavement de plus de 3 millions d’hectares et ce sont 4,2 millions de quintaux de semences certifiées qui ont été mises à la disposition des agriculteurs.
Céréales : obligation de livrer les récoltes aux CCLS
Le ministre de l’Agriculture a adressé le 2 juin une instruction aux walis et aux directeurs des organismes agricoles afin d’obliger les agriculteurs à livrer leur production comme indiqué dans l’article 30 de la loi de financement complémentaire 2022, selon le même média.
Ainsi « tout agriculteur qui pratique la culture des céréales et bénéficie du soutien de l’Etat, que ce soit au début ou à la fin du processus de production, quelle qu’en soit la forme ou la nature, est tenu de remettre sa production de blé et d’orge à l’Office Algérien Interprofessionnel des Céréales, faute de quoi les mesures administratives et judiciaires appropriées seront prises.»
L’instruction concerne la production de blé dont le blé dur. Or, il est de coutume que les agriculteurs prélèvent une partie de leur récolte pour leurs besoins personnels et désignée sous le terme de « aoula » (provision). Du blé qui est moulu au niveau de propriétaires de petits moulins traditionnels installés comme artisans au sein même des villes.
L’instruction concerne à priori les agriculteurs produisant du « Frik ». Ce blé vert grillé avant maturité et très apprécié pour la confection de « chorba » une soupe à la tomate particulièrement prisée lors du mois de ramadan. La « chorba frik » auparavant cantonnée à l’est de l’Algérie a conquis les tables jusqu’à Tlemcen à l’extrême ouest du territoire national. La confection du frik concerne de nombreux agriculteurs et c’est toute une filière de transformation et de commercialisation qui s’est développée ces dernières années.
Enfin, l’instruction stipule également que les récoltes d’orge sont concernées et doivent donc être livrées aux CCLS. Cette céréale est traditionnellement utilisée comme aliment en élevage ovin et de ce fait elle est très recherchée. En hiver, le prix du quintal peut atteindre plus de 4 000 DA sur le marché libre alors que les CCLS l’achètent aux agriculteurs 3 400 DA.
Souvent les éleveurs se plaignent du prix de « l’orge des garages », une expression utilisée pour désigner les commerçants spécialisés dans la commercialisation de cette céréale et du son. Des commerçants dont à maintes reprises les contrôles des agents du ministère du Commerce accompagnés des gendarmes sont relevé des irrégularités.
Une période faste pour la céréaliculture
De par les aides consenties par les pouvoirs publics, la filière céréales vit une période faste.
En 2022 la revue spécialisée Terre-Net faisait état des nouveaux prix des céréales en Algérie : « Le prix du blé dur est à 6 000 DA le quintal (321,3 à 377,9 €/t), le blé tendre de 3 500 à 5 000 dinars le quintal (249,9 à 314,9 €/t) et l’orge de 2 500 à 3 400 dinars le quintal (à 178,5 à 214,1 €/t). » Actuellement en France la tonne de blé tendre est payée moins de 200 €, celle de blé dur l’est autour de 280 €, quant à l’orge elle est à 180 €.
Les producteurs algériens de céréales bénéficient de prix avantageux et également de subventions qui concernent les engrais, les carburants et les semences certifiées. Dans ces conditions, la livraison des récoltes aux CCLS se fait « au juste prix » pour les agriculteurs.