Économie

L’Algérie solde l’affaire Djezzy à coup de milliards

L’opérateur Djezzy  passe entièrement sous le contrôle de l’État algérien. Ce dernier vient d’acquérir les actions du néerlandais Veon, portant ses parts à plus de 96 %. Le montant de la transaction n’a pas été dévoilé.

Comme en 2014, lorsque l’Algérie a racheté 51 % des parts de l’opérateur pour plus de 2,6 milliards de dollars, la même question se pose : l’État algérien a-t-il fait une bonne affaire ? Ou encore : la dépense est-elle judicieuse ?

Cette fois, on ne connaît pas le montant de la transaction, qui ne devrait toutefois pas être très loin de celui des parts acquises il y a 8 ans.

À l’époque, les interrogations avaient porté sur l’opportunité d’acquérir au prix fort des parts dans une entreprise affaiblie par 5 ans de tiraillements politiques, de redressements fiscaux et d’instabilité qui a influé sur ses investissements et ses performances.

Djezzy est créé en 2001 par le groupe égyptien Orascom Telecom de l’homme d’affaires Naguib Sawiris qui a acquis la deuxième licence de téléphonie mobile algérienne pour 737 millions de dollars, la première étant détenue par l’opérateur historique Mobilis, filiale d’Algérie Télécom.

Le succès de Djezzy sera fulgurant, devenant très vite l’opérateur numéro 1 en termes de nombres d’abonnés, de chiffre d’affaires, d’investissements et de rentabilité, malgré la vente d’une troisième licence en 2004 au koweïtien Watania Telecom, futur Ooredoo (Qatar). Le chiffre d’affaires de Djezzy atteindra au milieu des années 2000 les 1,7 milliard de dollars et ses bénéfices plus de 500 millions de dollars.

C’est la revente au Français Lafarge par Orascom d’une cimenterie précédemment acquise auprès de l’État algérien qui ouvrira la boîte de Pandore, de surcroît en pleine crise politique entre l’Algérie et l’Égypte après le fameux match de qualification en coupe du monde de football en 2009.

Entre autres déboires que connaîtra l’opérateur, un redressement fiscal de 600 milliards de dollars signifié fin 2009 sur les exercices 2005, 2006 et 2007.

Irrésolution

C’est dans ce contexte que Sawiris a décidé de vendre. L’entreprise sera acquise en octobre 2010 par le groupe russo-norvégien Vimpelcom (futur Veon) dans le cadre d’une transaction globale incluant d’autres actifs d’Orascom dans la téléphonie à travers le monde.

L’État algérien a fait valoir son droit de préemption et finira par acquérir 51 % des parts en 2014 au terme de longues tractations autour de la valeur de la transaction, la société-mère exigeant 6 milliards de dollars et l’Algérie proposant seulement 2,6 milliards. L’accord prévoyait que Vimpelcom garderait le managérial de l’entreprise.

L’État algérien avait acquis ces parts par le biais de son bras financier, le Fonds national d’investissement (FNI).

Toutes ces péripéties n’ont pas été sans conséquences sur les performances de Djezzy et sa place sur le marché. D’où les critiques qui avaient fusé à l’époque quant au montant déboursé par l’État algérien pour s’offrir une partie des parts du capital de l’opérateur, qui plus est sans en récupérer la gestion.

Sept ans après, le groupe Veon décide de quitter l’Algérie et vendre la totalité de ses parts (45,57 %) à l’État algérien. L’annonce a été faite le 1er juillet et 2021. Une année jour pour jour, la transaction est menée à terme et Djezzy, 21 ans après sa création, devient la propriété de l’État algérien.

En attendant de connaître le montant de la nouvelle acquisition, il reste un fait : l’État algérien possède désormais deux opérateurs de téléphonie mobile et un autre de téléphonie fixe. Algérie Télécom est le monopole public dans l’Internet ADSL et la téléphonie fixe.

L’Algérie est sans doute l’un des rares pays au monde à se retrouver dans une telle situation, où trois sur quatre opérateurs téléphoniques (mobile et fixe) présents dans le pays sont détenus par l’État.

La question de l’irrésolution concernant le cap économique du pays se pose de nouveau. Si on prend le montant des 51 % acquis en 2014, le coût total du rachat de Djezzy se situerait entre 5 et 6 milliards de dollars. Une telle dépense est-elle judicieuse ?

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