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« L’article 102 aurait dû être appliqué il y a quatre ans »

« L’article 102 aurait dû être appliqué il y a quatre ans »

Mohamed Gouali est expert financier et ancien candidat à la présidentielle


 

Le chef d’état-major le général Ahmed Gaid Salah demande l’application de l’article 102. Est-ce que c’est la solution à la crise ?

C’est une initiative lucide et courageuse, il faut l’applaudir. Elle appelle cependant trois remarques. Tout d’abord, cette recommandation arrive un peu tard. Il aurait fallu préconiser et mettre en œuvre la clause 102 il y a quatre ans déjà, puisque le président n’a pas pu s’adresser au peuple depuis cette date. Cela aurait permis à notre pays de faire l’économie de cette crise et éviter qu’il ne soit dirigé par procuration par des « forces anticonstitutionnelles », comme l’a révélé le RND.

Ensuite, le chef d’état-major a souligné que sa recommandation fait suite aux manifestations populaires qui se déroulent dans le pays depuis le 22 février. Ce propos illustre une observation que j’avais faite il y a quelques années déjà; à savoir que les gouvernements successifs désignés par M. Bouteflika ont toujours inscrit leurs actions dans un mode réactif et jamais proactif. Ils n’ont jamais été en mesure d’anticiper les événements et cela s’est gravement révélé, entre autres, lors de la chute du prix du baril de pétrole en 2014, et les mesures d’austérité prises alors, qui ressemblaient plus à des gestes incantatoires qu’à une gestion maîtrisée avec une autorité de compétence d’une problématique, somme toute bien connue.

Le troisième point est que cette recommandation ne correspond nullement à la volonté populaire qui est de changer radicalement l’architecture politique du pays. Ce n’est donc pas seulement l’article 102 qu’il fallait invoquer mais plutôt les articles de 07 à 12, qui définissent la prééminence de la volonté du peuple sur la structure de l’Etat.

Quelle pourrait être la meilleure solution possible pour obtenir le changement du système politique ?

Il reste un mois avant la fin de cette mandature, au soir du 28 avril 2019 et il faut espérer que d’ici là, la raison l’emportera sur les calculs et les tactiques dérisoires face à la volonté du peuple d’écrire de son propre chef les prochaines pages de son Histoire.

Mais pour réussir, il faut être réaliste et connaitre les détails de ce qu’il y a à faire. En l’occurrence, basculer d’un système qui a mis au moins 20 ans à s’enraciner vers un nouveau système, une nouvelle République, ce n’est pas une chose aisée. C’est un changement délicat aux tournures imprévisibles du fait des multiples résistances qui vont émerger.

Il ne peut donc réussir que s’il est conduit avec clarté, sans précipitation et surtout sans esprit de revanche.

Par conséquent, le nouveau système politique que nous devons réinventer devra mettre le citoyen algérien au cœur de toutes les réflexions stratégiques, qu’il soit dans ses valeurs à l’opposé de ce qu’a été le système Bouteflika, et qu’il soit dans sa configuration en adéquation avec l’ère de la mondialisation compétitive, du numérique et de l’intelligence artificielle.

Dans ce sens, il me semble qu’un plan aussi réaliste qu’audacieux serait la création d’un gouvernement provisoire constitué d’une élite algérienne qui ait été en dehors des circuits politiques partisans. Je ne crois pas pour ma part au retour des anciens, quel que soit leur mérite, et encore moins ceux qui ont déjà servi sous le règne de Bouteflika.

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