Économie

Le cri du cœur d’un agriculteur au président Tebboune

Sur instruction du président de la République, le gouvernement a instauré dès mars 2022, une allocation chômage sous forme de présalaire aux primo demandeurs d’emplois.

Sont éligibles, sous certaines conditionnalités, à cette allocation, fixée à 13 000 DA, les chômeurs primo-demandeurs âgés entre 19 et 40 ans. Si cette annonce a été accueillie avec enthousiasme par les concernés, il semble que l’instauration d’une telle mesure a aggravé les problèmes de certains secteurs qui se plaignaient déjà de l’indisponibilité de la main-d’œuvre locale.

Les jeunes algériens se détournent des chantiers de BTP et des champs agricoles en raison de la faiblesse des rémunérations et de la pénibilité du travail.

Si le secteur du BTP est paralysé par la crise, ce n’est pas le cas de l’agriculture qui réalise des taux de croissance élevés, avec des besoins énormes en main d’œuvre pour planter et récolter des tomates, des haricots verts, des fraises, de la pastèque, des melons, etc.

C’est par un cri du cœur qu’un agriculteur s’est adressé au président de la République Abdelmadjid Tebboune pour se plaindre du manque de main d’œuvre dans le secteur, et aussi pour demander que cette allocation soit carrément supprimée.

« Il n’y a plus de travailleurs. Les jeunes ne veulent pas travailler. Il n’y a plus personne pour récolter la tomate, la pomme de terre, la pastèque et le melon », a-t-il énuméré dans une vidéo dans un champ déserté par les travailleurs.

Ce cas en rappelle un autre, celui de Teleghma, dans la wilaya de Mila, où les agriculteurs peinent à trouver de la main-d’œuvre algérienne pour récolter de l’ail dont regorge pourtant la région.

Leur salut, ils le doivent aux migrants subsahariens rémunérés 8000 dinars le quintal et peuvent gagner jusqu’à 10.000 dinars par jour. La chaîne YouTube de la Chambre nationale de l’agriculture a, en juin dernier, mis la lumière sur le déficit en main d’œuvre agricole dans cette région.

Ce qui a poussé les agriculteurs, comme le fait remarquer l’animateur de la chaîne, à accélérer le processus de mécanisation. « N’était la présence de migrants subsahariens en nombre, peut-être que les agriculteurs ne trouveraient-ils pas qui leur récoltera l’ail », a-t-il expliqué.

Et même à l’aide des machines, la partie est loin d’être gagnée. « Les nôtres (les jeunes algériens) viennent travailler deux heures par jour, de 6h à 8h et s’en vont », se désole un agriculteur qui pose un problème antérieur à la mise en place de l’allocation chômage.

Pourquoi les jeunes fuient le travail agricole

Selon l’économiste Noureddine Sahali qui a réalisé des travaux académiques sur le secteur de l’agriculture, les facteurs qui expliquent le manque de main d’œuvre agricole sont de plusieurs ordres.

Il cite en premier lieu le facteur liée à la précarité qui caractérise la filière de façon générale. « L’assurance agricole n’existe pratiquement pas. On a essayé de professionnaliser l’activité agricole, mais cela reste loin des ambitions des pouvoirs publics, étant donné qu’il y a beaucoup d’agriculteurs qui ne sont pas assurés », expose M. Sahali en mettant en exergue aussi la pénibilité du travail agricole.

 Autre facteur : la saisonnalité du travail agricole. « On n’a pas d’exploitations intégrées où il y a du travail tout au long de l’année, c’est-à-dire une activité permanente », dit-il, citant le cas de l’arboriculture et l’oléiculture, entre autres exemples.

Ce qui n’est pas, ajoute-t-il, de nature à attirer les jeunes algériens qui cherchent un travail stable et bien rémunéré. « Si l’élevage bovin, qui implique un suivi quotidien, ce n’est pas le cas pour les autres activités », relève Noureddine Sahali.

Le troisième élément qui tient à distance les jeunes des champs agricoles est le manque de modernisation dont souffre l’agriculture algérienne, selon l’économiste.

La rémunération qui n’est pas proportionnelle à l’effort fourni est une autre explication avancée par M. Sahali pour expliquer pourquoi les jeunes algériens fuient le travail agricole. Des salaires moins attrayants comparés à ceux offerts dans d’autres secteurs. « En matière de salaires, l’agriculture est en bas de l’échelle comparativement à des secteurs comme les services », note l’économiste.

Les plus lus