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Le G5 Sahel peine toujours à trouver des financements durables

Le G5 Sahel peine toujours à trouver des financements durables

Le G5 Sahel, force militaire regroupant le Tchad, le Niger, le Mali, la Mauritanie et le Burkina Faso, créé à l’initiative de la France, peine toujours à trouver des financements.

Vendredi 23 février, une conférence internationale a été organisée à Bruxelles – en Europe donc, pas en Afrique-, pour discuter des fonds à collecter en vue de faire fonctionner cette Alliance en phase de formation.

Mahamadou Issoufou, président du Niger et président actuel du G5 Sahel, a parlé en terme de défi. « Celui de parvenir à assurer un financement non sporadique, mais pérenne afin de rendre durable et autonome cette force », a-t-il déclaré, repris dans un communiqué de la Présidence nigérienne.

« Les donateurs », réunis dans la capitale belge, ont promis de dégager 414 millions d’euros. « Le résultat positif-et un  peu inattendu- de la réunion est que la force militaire conjointe des cinq pas devraient voir ses coûts de fonctionnement presque intégralement couverts : ils sont estimés à 423 millions d’euros pour 2019 », écrit le journal français Le Monde.

Mais qu’en est-il de 2020 et des années après ? Pas de réponse pour l’instant. L’Union européenne (UE) a annoncé qu’elle contribue avec 100 millions d’euros alors que les États-Unis ont « promis » 48,8 millions d’euros d’aide, sans rien débloquer pour l’instant. Idem pour l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis qui ont annoncé vouloir contribuer avec, respectivement, 100 et 30 millions d’euros.

Les donateurs vont-ils tenir leurs promesses ?

La France ne donne pas d’argent mais apporte son soutien avec du matériel évalué à 8 millions d’euros. Les donateurs vont-ils tenir leurs promesses ?  « Sur ces 410 millions d’euros, 294 millions avaient déjà été promis lors de tours de table passés. Ce ne sont donc que 116 millions de plus qui ont été ajoutés dont 50 par l’UE. Ce qui fait que les « généreux » autres donateurs n’ont aligné que 66 millions », a souligné Philippe Chapleau sur son blog « Lignes de défense », édité par le journal Ouest-France.

Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’Union africaine (UA), a appelé les pays donateurs à matérialiser rapidement « leurs promesses ». Faki sait que seule l’UE a dégagé, en juillet 2017, les 50 millions d’euros promis lors du lancement du G5 Sahel (idée en construction depuis 2014).

Le G5 Sahel, qui doit être opérationnel le printemps prochain, doit compter 5000 hommes et agir sur un vaste territoire de presque 3 millions km². Il faut, au minimum, un montant annuel de 75 millions d’euros, pour fonctionner, selon les experts.

Le G5 Sahel et le Chapitre VII de l’ONU

« À l’Union africaine, nous estimons que la mobilisation internationale contre le terrorisme et la criminalité organisée au Sahel est bien en deçà de ce qu’exige la situation de ce que la communauté internationale fait dans d’autres théâtres face à des menaces d’une même gravité », a regretté Moussa Faki Mahamat.

Ces derniers mois, des efforts diplomatiques ont été menés pour mettre le G5 Sahel sous le chapitre VII de la Charte des Nations Unies dans l’optique d’avoir un financement durable. Peine perdue.  Le Chapitre VII porte sur l’action à mener en cas « de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’actes d’agression ».

Le Sahel est-il dans cette situation ?  L’Union africaine (UA), qui reste quelque peu prudente par rapport à l’initiative du G5 Sahel, n’a pas appuyé la demande auprès de l’ONU. La raison ? « Il est entendu qu’aucune action internationale, aussi forte soit-elle, ne peut se substituer aux efforts des pays de la région », a souligné Moussa Faki Mahamat, sur son compte Twitter. Et, « les pays de la région », ne sont pas tous engagés dans l’action du G5 Sahel comme l’Algérie et la Libye.

L’absence de l’Algérie, principale puissance militaire de la région sahélo-saharienne ayant la plus grande expérience en matière de lutte anti-terroriste et plus de moyens, irrite les autorités françaises.

| LIRE AUSSI : Réunion du G5 Sahel à Bruxelles : l’Algérie encore absente ?

La position de l’Algérie critiquée à Paris

La radio publique France Culture a donné la parole à un enseignant d’université qui a critiqué la position algérienne. Rappelant l’attaque terroriste de Tingintourine, dans le sud-est algérien, en 2013, Kader Abderrahim, maître de conférences à Sciences Po, Paris, a estimé que l’Algérie « n’a pas évolué ».

« Le pays n’a pas changé de paradigme et souhaite rester ce pays qui résiste à toute forme d’évolution, et je dirais, à presque toute forme de réalité. Aujourd’hui, c’est tout de même difficile d’imaginer pouvoir combattre seul le terrorisme pour un pays qui traverse une grave crise institutionnelle et économique », a-t-il dit.

L’Algérie, qui privilégie l’approche africaine dans le règlement des crises qui se posent au continent, refuse d’engager ses troupes en dehors de ses frontières surtout dans un cadre militaire à la forme toujours imprécise et aux objectifs peu définis. Alger a déjà créé un cadre sahélo-sahélien d’échange d’informations et d’opérations pour lutter contre le terrorisme mais qui semble avoir été « torpillé » en dehors de l’Afrique. L’armée algérienne poursuit ses actions de lutte préventive contre le terrorisme et le crime transfrontaliers dans le grand sud algérien en informant régulièrement ses voisins.

« Promouvoir le développement durable » au Sahel

Dans une récente interview au quotidien français Le Monde, le président malien Ibrahim Boubacar Keita a démenti l’existence de « différends » avec l’Algérie.

« L’Algérie est un partenaire important. Je n’ai aucune pression de sa part et notre relation va au mieux. C’est nous qui avons décidé d’aller en Algérie et de lui donner le rôle qu’elle joue aujourd’hui dans les négociations inter-maliennes. Alger préside le comité de suivi de l’accord et nous aide en matière de formation militaire », a-t-il précisé. Les accords militaires de formation et d’échanges de renseignements ont été densifiés ces dernières années avec Niamey, N’Djamena, Bamako, Ouagadougou et Nouakchott.

Dernièrement, Abdelkader Messahel, ministre des Affaires étrangères, a déclaré que le défi sécuritaire doit être relevé dans la région sahélienne sans le dissocier du développement des zones pauvres et des régions frontalières. La vision d’Alger est donc plus politique que sécuritaire puisque le Sahel ne peut pas être réduit uniquement à « un fief terroriste ».

Le Niger partage quelque peu la vision d’Alger. « Pour s’attaquer au mal à sa racine, pour extirper de la région du Sahel les germes propices à une prolifération généralisée de la violence, pour éradiquer la migration clandestine et ses conséquences dramatiques, il faut promouvoir le développement durable et donc donner des perspectives d’avenir « in situ » aux jeunes de plus en plus nombreux qui arrivent sur le marché du travail », a expliqué Mahamadou Issoufou.

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