Politique

Le gouvernement Djerad rattrapé par les urgences économiques

En dépit des vastes ambitions qu’il affiche, le nouveau gouvernement de Abdelaziz Djerad va devoir affronter en priorité une série d’urgences économiques qui vont rapidement se dresser en travers de sa route. Il a en effet hérité d’une situation économique extrêmement complexe qui explique sans doute la difficulté qu’il éprouve à élaborer et présenter rapidement un programme.

Le dernier Conseil des ministres a été une illustration à la fois de cette complexité et de l’impréparation du nouvel Exécutif face à des enjeux multiples.

Au début de cette semaine, après avoir entendu une communication sérieuse mais apparemment assez terne de Ferhat Ait Ali sur un programme de redressement de son secteur étalé sur plusieurs années, le président Tebboune a recadré son ministre de l’Industrie en exigeant des « réponses concrètes aux dossiers sensibles »

La première réponse a été jugée « urgente » par le président de la République. Elle doit apporter des solutions concrètes au problème de l’importation de véhicules en kits SKD-CKD. Le chef de l’État a insisté sur « l’assainissement de la situation et la mise en place de nouvelles règles ».

Le nouveau ministre se trouve ainsi investit de l’énorme responsabilité, non seulement de trancher rapidement sur l’avenir de milliers de travailleurs, mais également de décider si notre pays doit continuer à entretenir l’ambition de développer une industrie de montage automobile ou y renoncer définitivement.

Au chapitre des « dossiers sensibles », Tebboune a également évoqué l’éternelle « question du complexe sidérurgique d’El Hadjar ». Un problème qui est au menu de tous les gouvernements depuis une trentaine d’années et auquel le nouveau ministre de l’industrie aura bien du mal a trouvé une réponse « simple et rapide ».

Un silence gêné sur les entreprises appartenant aux oligarques

La liste des urgences auquel doit faire face le nouvel Exécutif est loin de s’arrêter aux quelques dossiers évoqués par le président de la République. Pour l’instant ni le chef de l’État ni ses ministres n’ont soufflé le moindre mot sur la question également « très sensible » des nombreuses entreprises dont les dirigeants sont emprisonnés depuis plusieurs mois.

Les travailleurs du groupe ETRHB appartenant à l’homme d’affaires Ali Haddad, en détention depuis 10 mois, ont pourtant lancé le 10 janvier dernier, un appel de détresse au président de la République.

Les représentants syndicaux affiliés à l’UGTA du groupe ETRHB interpellaient la présidence de la république sur la situation désastreuse que vit l’entreprise. « En l’absence de visibilité à court, moyen et long terme, nous sommes très inquiets du devenir de notre entreprise et par voie de conséquence des postes de travail directs de plus de 5000 travailleurs », indiquait le communiqué.

Les travailleurs de l’ETRHB protestaient à cette occasion contre « le non-versement des salaires depuis le mois de juillet 2019, l’arrêt total des activités de chantier, des usines et des centres de production et la perte des plans de charge ».

Le communiqué soulignait en outre que « de par le plan de charge encore détenu par le groupe, son capital expérience, les importantes ressources humaines et matérielles constituant des ensembles intégrés pour la réalisation des ouvrages du secteur BTPH », le collectif des travailleurs de l’ETRHB « reste convaincu que la situation actuelle pourrait facilement être redressée moyennant un soutien et une assistance de la part des pouvoirs publics ».

Le gouvernement sortant avait mis en place au début de l’été dernier un organe multisectoriel, présidé par le ministre des Finances, et chargé « du suivi des activités économiques et de la préservation des outils de production et des postes d’emploi » pour les entreprises ayant fait l’objet de « mesures conservatoires ». Le 22 août, des administrateurs judiciaires avaient été désignés à la tête de 3 entreprises appartenant à des oligarques emprisonnés.

Si on en juge par les dernières déclarations des représentants des travailleurs du groupe ETRHB, l’efficacité du dispositif mis en place semble poser problème. Un problème qui pourrait rapidement s’étendre à l’ensemble des entreprises concernées et toucher des dizaines de milliers de travailleurs qui ont été appelés d’ailleurs à se constituer en collectif.

Le FCE pour un plan de sauvetage des entreprises

Au pavillon des urgences, le gouvernement Djerad pourrait aussi trouver rapidement beaucoup d’autres entreprises de différents secteurs économiques.

C’est en tout cas ce qu’affirme le président du Forum des chefs d’entreprise (FCE), Mohamed Sami Agli. « Les entreprises souffrent, et de l’autre côté on ne voit pas forcément de réactivité », relevait récemment le président du FCE qui ajoutait que « tous les jours nous perdons des entreprises et des emplois ».

Le nouveau patron des patrons algériens estime que pour répondre à « une situation exceptionnelle, il faut des mesures exceptionnelles ». Le FCE formule donc une série de propositions qui ont toutes les apparences d’un plan de sauvetage des entreprises.

Dans le but de traiter leur endettement, il propose la réactivation du dispositif du rééchelonnement des dettes fiscales des entreprises déjà mis en œuvre en 2012. Le FCE suggère d’appliquer un moratoire d’une année à deux années et l’étalement du principal, sur une période d’une à trois années, selon le degré d’endettement de l’entreprise.

Le même dispositif pourrait être appliqué pour les dettes parafiscales. Le FCE souhaite, en outre, la réactivation du dispositif banques-entreprises, mis en place en 1996 en matière d’endettement bancaire.

Dans les prochains mois, l’activité du gouvernement Djerad a donc de fortes chances d’être absorbée par le traitement des urgences économiques et la liquidation des dossiers complexes légués par le dernier exécutif.

Les plus lus