Politique

Le système de santé algérien face à ses contradictions

L’Algérie vient d’être placée par l’OMS dans une short-list de pays africains exposés au risque de la propagation du coronavirus chinois. L’alerte de l’organisation mondiale ne met pas en cause directement le système de santé algérien et sa capacité à faire face à une éventuelle épidémie, axant plutôt sur la fréquence des vols en provenance de la Chine. Ce paramètre a fait que l’Égypte et l’Afrique du Sud soient aussi concernées.

Cela dit, l’Algérie est-elle prête à faire face à l’éventualité de l’arrivée sur son territoire du virus qui fait trembler le monde depuis un mois ? Chaque année, le système de santé algérien gère plutôt bien que mal la grippe saisonnière, avec un plan de vaccination et de sensibilisation efficace.

Plus globalement, la politique volontariste du pays en matière de santé publique a porté ses fruits, permettant d’éradiquer plusieurs maladies et évitant les épidémies de grande ampleur, avec cependant des résurgences épisodiques de maladies infectieuses, comme la rougeole ou le choléra, à cause, souvent de dysfonctionnements, défaillances ou négligences.

L’épidémie de rougeole début 2019 était par exemple due à la rupture de deux chaînes : celle de la vaccination à cause d’une campagne de désinformation menée auprès des parents et celle du froid dans les régions chaudes du Sud, provoquant probablement l’avarie des vaccins. Pour l’épidémie de choléra, en 2018, on avait vu comment le ministère de la Santé et toutes les structures impliquées l’avaient très mal gérée, que ce soit sur le plan de la communication, de l’identification de son origine ou de la prise en charge des personnes atteintes.

Le choléra et la rougeole sont pourtant deux maladies pour lesquelles les remèdes et les traitements existent et ne sont pas hors de prix. Qu’en sera-t-il dans le cas d’une propagation à grande échelle du coronavirus pour lequel aucun vaccin n’a encore été mis au point et face auquel même le géant économique, technologique et scientifique qu’est devenue la Chine est impuissant ? L’interrogation est légitime car le système de santé algérien, malgré les avancées indéniables qui lui sont reconnues, ne manque pas de carences et de dysfonctionnements, à cause essentiellement d’une carte nationale de la santé mal élaborée, d’une stratégie qui ne prend en compte l’importance de la prévention et du manque de moyens tant financiers qu’humains.

La sensibilisation et le travail en amont sont presque entièrement négligés, avec comme conséquence la montée des maladies métaboliques (diabète), cardiovasculaires et du cancer (50 000 nouveaux cas l’année dernière). Des efforts sont fournis en matière de structures de santé, mais ils demeurent insuffisants et souvent mal pensés, avec la persistance d’un désert médical sur une grande partie du territoire comme on l’a constaté lors de la grève des médecins résidents il y a deux ans.

La médecine est officiellement gratuite pour tous, mais il s’agit d’un slogan creux que d’une réalité tangible, tant les hôpitaux publics manquent parfois jusque de fil chirurgical. Les structures de santé existent, mais elles ne semblent satisfaire personne : les patients se plaignent de la mauvaise prise en charge, le personnel médical de la surcharge et du manque de moyens.

Les efforts désordonnés de l’Etat algérien sont illustrés par deux annonces aux antipodes l’une de l’autre faites cette semaine par deux hauts responsables du pays : alors que le président de la République ordonnait la construction d’un centre anti-cancer à Djelfa, son ministre de la Santé faisait part simultanément de l’incapacité de l’Etat à financer l’acquisition des médicaments nécessaires au traitement de la même maladie.

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