Économie

L’économie algérienne en 2019 : une année « normale » ou celle « de tous les dangers » ?

2019 sera-t-elle, pour l’Algérie, l’année de « tous les dangers » comme le prédisent certains observateurs internationaux ou bien une année « normale », de statu-quo économique, ainsi que l’a programmé le gouvernement algérien ?

Pour l’instant, les automobilistes algériens ont pu négocier en toute quiétude le passage à la nouvelle année. Pas de files d’attente dans les stations services ni de craintes de pénurie de carburant. Contrairement aux années passées, les prix de l’essence à la pompe n’ont pas augmenté au 1er janvier.

Pas d’augmentations programmées non plus des tarifs publics ou privés des transports ou de menaces de grève des transporteurs qui avaient animé l’actualité économique du début de l’année 2018 .

Une année « sans augmentation de taxes »

Les tarifs de l’électricité, de l’eau et du gaz vont également rester sagement les mêmes. Le gouvernement l’a promis et le ministre des Finances, Abderrahmane Raouya, l’a répété en arborant un large sourire à l’occasion de la présentation et du vote de la Loi de finance : « Pas d’augmentation de taxes en 2019 ».

Il n’y aura certainement pas non plus, en ce début de 2019, d’annonces et de controverses sur un possible programme de privatisation d’hôtels publics ou de mise en concession de fermes d’État ainsi que cela avait été le cas en Janvier 2018. Ahmed Ouyahia a manifestement bien reçu le message envoyé l’année dernière par les cercles présidentiels : « Ce n’est pas le moment ».

Ce n’est pas non plus en 2019 que le dossier de la réforme et du ciblage des subventions, dont on parle maintenant depuis plusieurs années, connaîtra un épilogue ou même un début d’application. Le ministre des Finances l’a bien expliqué voici quelques semaines, devant les députés : « Le travail de ciblage se poursuit, nous ne prévoyons aucun dispositif maintenant ». Comprendre : le projet est toujours au stade de la réflexion.

2019, année de tous les dangers ?

Dans ce contexte, un nombre croissant d’observateurs ou d’acteurs nationaux et internationaux insistent sur le caractère « insoutenable » de notre modèle économique et multiplient les avertissements.

En novembre dernier c’était le « Financial Times », considéré couramment comme la Bible des milieux financiers internationaux, qui mettait en garde les gouvernements occidentaux en estimant qu’ils « seraient myopes de penser que la stabilité à laquelle M. Bouteflika a présidé est autre chose que fragile. Rien qu’une nouvelle baisse des prix de l’énergie plongerait l’économie algérienne dans une crise, mettant à l’épreuve la capacité du régime à acheter la paix sociale ».

Le point de vue du célèbre journal londonien suivait de peu les analyses livrées par l’« International Crisis Group » dont le président, Robert Malley, résumait pour TSA les conclusions essentielles. Dans un constat sans complaisance, il décrivait « une économie algérienne réfractaire aux réformes, qui tourne au ralenti, et une passation de pouvoir incertaine à l’horizon ».

Pour Robert Malley « le modèle économique actuel, celui grâce auquel l’Algérie a pu vivre une période de stabilité et de prospérité remarquables depuis la fin de la guerre civile, n’est plus viable. La situation économique qui l’a en grande partie rendu possible (prix du pétrole au beau fixe, notamment) n’est plus de mise. Sans réforme, le modèle s’essoufflera ».

Un statu-quo économique complet jusqu’à l’été 2019

Le gouvernement algérien a choisi d’ignorer de longue date ces avertissements qui émanent également depuis plusieurs années de nombreux thinks tanks et acteurs politiques ou économiques nationaux.

Pour 2019, tout indique que les cercles dirigeants algériens ont fait le choix du maintien d’un statu-quo économique complet au moins jusqu’à l’été prochain.

De toute évidence, l’année économique 2019, qui a commencé officiellement avec la signature, à la fin de la semaine dernière, de la Loi de finance par le président de le République, sera placée sous le signe des élections du printemps prochain.

Ce sont les bonnes vieilles recettes qui ont fait leurs preuves depuis plusieurs décennies qui ont été convoquées de manière particulièrement massives pour l’année à venir.

Une loi de finances électorale

La Loi de finances 2019 présente ainsi tous les traits classiques de la préparation d’une année d’élection. On y chercherait, en vain, la trace d’une volonté de réforme de l’économie. Tous les « dossiers chauds » évoqués au cours des dernières années ont été mis entre parenthèses et renvoyés à plus tard, à l’image la discipline budgétaire.
Pas question de réduire les dépenses de l’État à la veille d’une échéance électorale importante. En 2019, les dépenses budgétaires, s’élèveront à près de 8600 mds DA, soit au même niveau que celles de 2018 qui avaient déjà atteint des sommets.
Mais contrairement au budget 2018 qui avait été marqué par une véritable explosion des dépenses d’équipements de l’État, en 2019, c’est le budget de fonctionnement qui sera le principal bénéficiaire de l’allocation des ressources de l’État.

Il devrait établir un record historique en frôlant pour la première fois la barre des 5000 milliards de dinars, en hausse de près de 8% par rapport à 2018.

Transferts sociaux : Il y en aura pour tout le monde

En matière de transferts sociaux, le gouvernement n’a pas lésiné et il y en aura pour tout le monde.

Les crédits budgétisés pour les transferts sociaux couvriront notamment plus de 445 milliards DA destinés au soutien aux familles et près de 336 milliards pour la politique publique de santé.

La contribution du budget de l’État aux régimes de retraites sera également exceptionnelle et en hausse très sensible l’année prochaine avec près de 290 milliards DA (auxquels s’ajoutera une « dotation d’appui » de 500 milliards à la Caisse nationale des retraites),

Le secteur de l’habitat n’est pas oublié et sera également particulièrement choyé avec plus de 350 milliards de dinars pour la politique publique de l’habitat sans compter, pour la première fois, près de 300 milliards mobilisés pour le même secteur par le Fonds national d’Investissement qui est appelé à la rescousse pour des engagements extérieurs à ses activités normales de financement de l’investissement productif.

La nouvelle Loi de finances prévoit également la bonification totale des intérêts sur les crédits bancaires destinés à l’AADL pour la construction de 90.000 nouveaux logements.

La planche à billet à la rescousse

Les prévisions, généralement considérées comme « prudentes », du gouvernement en matière de prix pétroliers ont pour conséquence le maintien des déficits du budget de l’État et du Trésor public à des niveaux particulièrement élevés.

La Loi de finance 2019 évoque un déficit budgétaire à 2 chiffres et encore largement supérieur à 10% du PIB en 2019 contre 10,8 % prévus en 2018. Le solde global du Trésor pour l’exercice 2019 affichera ainsi un déficit de plus de 2.000 milliards de dinars et des besoins de financements sensiblement du même montant.

En l’absence d’épargne budgétaire, c’est donc la nouvelle « solution magique » du gouvernement, la planche à billets, qui sera sollicitée de nouveau l’année prochaine , dans des proportions qui pourraient être encore importantes. Abderrahmane Raouya annonçait en décembre dans ce domaine un montant de 730 milliards de dinars en 2019 contredisant ainsi les déclarations récentes du DG du Trésor qui évoquait de façon très optimiste, une possible interruption du recours au financement non conventionnel, dès cette année .

Ce montant ne concerne que le financement budgétaire et ne tient pas compte des sommes qui seront mise à la disposition du FNI ou du remboursement de la dette de l’État.

Les plus lus