Ali Serraoui est président-directeur général de Serraoui Group qui gère Les Jardins des Zibans dont dépend l’Aqua Palm, grand espace de détente qui s’étale sur 11 hectares et qui est réservé aux jeux aquatiques à Biskra. En plus des Jardins des Zibans, Serraoui Group est constitué de quatre autres filiales : M’Ziraa Agroalimentaire, Serraoui Global Building, Serraoui Construction et Ameublement et Robusta Médias.
Ali Serraoui revient dans cet entretien sur les deux grands atouts de la Vallée des Zibans, le tourisme et l’agriculture.
Vous avez décidé de construire un grand espace de distraction à Biskra, l’Aqua Palm qui fait partie du projet « Les Jardins des Zibans ». Comment est née l’idée de ce projet en exploitation commerciale depuis l’été 2017 ?
Il est toujours permis de rêver ! Nous avons les moyens en Algérie, mais il existe peu d’encouragements. Au Maroc, en Tunisie, en Turquie et en Espagne, des privés ont réalisé beaucoup de choses importantes pour leurs pays. Pourquoi pas nous ! Surtout dans cette partie du Sahara, on peut faire des choses. Nous avons choisi Biskra parce qu’elle constitue le carrefour entre les Aurès, le Nord et le Sud du pays. À partir d’ici, on peut aller aux Balcons du Ghoufi, à Mchounech et à El Kantara. Les distances sont petites. Entre Batna (au nord) et Biskra, la différence de température peut atteindre les 20 degrés en été. En hiver et au printemps, les gens aiment venir à Biskra qui est une destination touristique naturelle. Il y a des millions de palmiers ici dans la vallée des Zibans.
D’où la réputation de Biksra pour les dattes…
Biskra est connue aussi par ses légumes et ses fruits. Aujourd’hui, Biksra approvisionne plus de 40% de l’Algérie en produits agricoles. Biskra est également célèbre par le tourisme thermal. Il y a beaucoup de bains, pas uniquement Hammam Salhine. La mosquée de Sidi Okba et les Zaouias, comme celle de Tolga, font de Biskra une destination pour le tourisme religieux aussi. N’oublions pas les régions comme Mchounech, les Balcons du Ghoufi, El Kantra et Djemina où l’on peut trouver des traces des civilisations anciennes. El Kahina avait habité à Djemina (80 km à l’est de Biskra). Donc, les attractions touristiques à Biskra sont nombreuses.
Biskra peut devenir donc un pôle touristique…
Oui. C’est un pôle touristique et agricole.
Pourquoi avoir pensé à un centre de distraction autour de jeux d’eau ?
C’est le besoin qui incite à la création, comme dit le proverbe. Lorsqu’il fait chaud ici, les gens n’ont pas où aller. Il y a un grand vide. Au début, nous avons pensé à construire des piscines. Après, on s’est dit pourquoi ne pas élargir en ajoutant aux piscines des jeux aquatiques et des jardins. L’idée est née après une visite aux jardins du monde (Gärten Der Welt) à Berlin. Le concepteur de ces jardins est un architecte algérien, Kamel Louafi. Il a également conçu des jardins à Hanovre, au Luxembourg et à Abu Dhabi (Mosquée Cheikh Zayed). Des princes saoudiens l’ont sollicité aussi pour des projets de jardins dans leurs palais. Nous avons donc contacté Kamel Louafi pour élaborer un plan de construction de l’Aqua Palm à Biskra.
Vous avez gardé le caractère algérien dans l’architecture…
Le néo mauresque dans la construction avec les dômes et les arcs. Nous avons veillé à sauvegarder le type saharien. Nous avons 10.000 m² habitables avec des salles de fêtes, des espaces de loisir, des boutiques, des bureaux. Nous assurons des services multiples comme la restauration légère. Les surfaces d’eau s’étalent sur presque 14.000 m² dont une piscine avec vagues et un fleuve artificiel long de 641 mètres linéaires où les visiteurs peuvent se déplacer avec des barques. Le parking s’étale sur 2,5 hectares, peut accueillir jusqu’à 1000 voitures. Nous avons planté des arbres et du gazon sur 3 hectares. Les enfants, de 1 à 9 ans, ont droit à trois piscines avec jeux. Nous avons retenu un espace pour les familles et un autre pour le grand public. Finalement, même les familles sont venues dans l’espace réservé au public. Nous recevons des visiteurs de toute l’Algérie, des six wilayas voisines mais également d’Oran, d’Annaba, d’Alger et d’ailleurs.
Lorsque nous avons ouvert en août 2017, nous avons reçu beaucoup de monde. Nous travaillons le soir en période de vacances. La fréquentation commence à augmenter à partir de mai et jusqu’à novembre. Parfois, l’été débute en mars chez nous. Cette année, le printemps est moins chaud. La fréquentation est donc un peu faible pour l’instant. Nous pratiquons un tarif raisonnable avec 1600 dinars par personne.
Qu’en est-il des jeux aquatiques ?
Nous avons 32 toboggans. Cela fait de nous le plus grand espace de jeux aquatiques en Afrique. Nous avons pensé à ouvrir aussi des fenêtres sur les cultures du monde avec la construction de plusieurs jardins (Mexique, Chine, Japon et Orient). En été, nous organisons des soirées culinaires avec les spécialités de ces pays et de ces civilisations. Nous avons donc réuni entre la culture et la distraction.
Comment a évolué la fréquentation du public depuis l’ouverture en août 2017 ?
Il y a bon début. Nous avons ouvert à l’occasion des festivités du 20 août. Nous nous sommes dit que nous pouvons célébrer des fêtes nationales en tant que secteur privé. À l’ouverture, des visiteurs sont venus en nombre surtout les Biskris qui vivent à l’étranger. Ils nous ont dit qu’ils viendront chez nous dans le futur avec leurs enfants. Par le passé, quand on disait aux gens de venir à Biskra en été, ils nous répondaient qu’ils n’avaient rien à faire ici. Les gens préfèrent partir en bord de mer. Nous nous apprêtons à organiser ici, durant la saison estivale, des soirées musicales, de l’animation et des concours.
Quel est le nombre de salariés à Aqua Palm ?
300 salariés actuellement. Ce chiffre peut augmenter, selon la demande et la fréquentation. Il y a une administration et plusieurs équipes pour la maintenance, le nettoyage, la sécurité et le gardiennage. Une équipe est spécialisée dans la surveillance des enfants qui jouent dans les toboggans. Nous travaillons jusqu’à 18 heures par jour lors de la haute saison. Le travail est assuré par deux équipes.
Avez-vous d’autres projets à côté de l’Aqua Palm ?
Nous avons un terrain de 54 hectares avec 6000 palmiers et oliviers où nous projetons de construire un parc d’attraction sur 9 hectares, un institut supérieur de tourisme et d’artisanat, un appart-hôtel de 412 chambres, deux hôtels de 3 étoiles et 4 étoiles qui s’ajoutent à un complexe de villas et de piscine avec une salle de conférence. Nous avons également un projet d’une cité du cinéma avec un institut de formation aux métiers du cinéma ainsi qu’un projet d’un complexe sportif où les équipes peuvent venir s’entraîner surtout celles qui se préparent à des conditions climatiques de Afrique.
Les études de tous ces projets sont prêtes. Le problème se situe au niveau des banques.
L’accès aux crédits ?
C’est cela. Il y a encore des mentalités à changer. Des mentalités que je n’arrive pas à expliquer. Une banque étrangère, AGB, a accepté de nous financer avec un taux qui ne dépasse pas les 35%. Le reste doit être complété par l’apport personnel. Souvent, le privé n’est pas accompagné lorsqu’il fait des pas courageux. Nous sommes pénalisés par la bureaucratie. Nous avons depuis plus d’une année un dossier complet auprès d’une banque publique. Aucune réponse. Lorsqu’on proteste, on nous dit : « Pourquoi vous nous créez des problèmes ? ». Donc, on ne comprend pas ce comportement. En contrepartie, des privés ont bénéficié de crédits astronomiques sans aucune garantie.
Ce que nous demandons aux pouvoirs publics est d’accompagner les investisseurs qui répondent aux conditions requises. Les banques publiques constituent le principal frein au développement de l’investissement en Algérie. J’ai l’impression que ces banques n’ont pas d’objectifs et ne rendent compte à personne. Par contre, nous avons une bonne relation avec les banques privées. Des banques qui demandent des garanties et un business plan mais qui s’engagent.
Vous travaillez sur le développement d’un projet agricole. Qu’en est-il ?
Nous envisageons d’installer une plate-forme de dix hectares dont six hectares consacrés au froid pour y stocker des dattes à 60 à 70% et le reste pour les autres produits agricoles. Lorsqu’il y a une surproduction, les fellahs se trouvent souvent face au casse-tête du stockage. Il n’existe pas de canal professionnel pour expédier les marchandises vers l’étranger ou vers le reste du pays.
Et pour les 4 hectares restants de la plateforme ?
Nous voulons y installer un marché pour capter tout ce qui se produit dans la région en matière agricole. Des services seront assurés sur place pour calibrer les légumes et fruits, les laver et les emballer. Ce projet sera réalisé avec un groupe public d’agroalimentaire avec une part de 34%, le reste sera assuré par nous. Nous sommes en discussion avec deux partenaires étrangers d’Italie et de Hongrie. Ces partenaires vont, dans une première phase, nous aider dans la gestion, ensuite, vont nous appuyer à développer un réseau de distribution de nos produits à l’étranger. Après, nos partenaires vont nous mettre en contact avec l’agro-industrie européenne. Cela va nous permettre de développer des unités de conditionnement, d’emballage et des conserveries. Nous sommes en phase de début de l’exécution du projet. Le ministre de l’Agriculture a déposé la première pierre en décembre 2017.
Biskra se distingue par ses primeurs. Les produits sont parfois prêts deux mois à l’avance, avant le Nord du pays et avant l’Europe. C’est une occasion en or pour pouvoir commercialiser les produits et éviter la surproduction qui influe directement sur les prix et qui pénalise les agriculteurs.
Vous avez évoqué le projet de construction d’une cité du cinéma à Biskra. De quoi s’agit-il exactement ?
Nous voulons faire de la coproduction cinématographique. À cet effet, nous avons contacté certains partenaires en Turquie, en Espagne, en France, en Chine, etc. Nous voulons également produire des émissions puisque nous aurons 4 hectares de studios. Pour l’école de formation aux métiers du cinéma, l’accès se fera sur concours annuel qui concernera entre 100 et 120 étudiants. La formation se déroulera entre 18 et 24 mois. L’emploi est garanti puisqu’ils vont travailler dans la cité. Quant à l’institut supérieur de tourisme et d’artisanat, nous reprenons les diplômés de l’université pour les spécialiser. Nous pensons même à encourager l’ouverture d’ateliers pour les artisans. Les produits de ces ateliers seront rachetés par notre groupe. Nous allons solliciter des formateurs des pays arabes, islamiques et européens pour encadrer les jeunes d’une manière cyclique.
Est-ce qu’il y a des délais pour la construction des hôtels ?
La construction des hôtels se fera d’une manière graduelle. Après l’ouverture de l’Aqua Palm, beaucoup de nos visiteurs, qui venaient de loin, nous ont demandé où passer la nuit. Le nombre des hôtels à Biskra est limité. Autant que les services. Aussi, allons-nous former un personnel capable de gérer des hôtels de niveau international. Nous allons donc commencer par des appart-hôtels de 2 étoiles et 3 étoiles, destinés aux familles. Après le lancement de la cité du cinéma, nous allons élargir notre offre avec des hôtels de 4 et de 5 étoiles et des villas pour y accueillir les artistes et les producteurs. Il faut également assurer de bonnes conditions de séjour pour les équipes sportives après l’ouverture du complexe.
Vous avez également prévu de construire un centre commercial…
C’est vrai. Nous allons construire un centre commercial sous forme de village au centre-ville de Biskra. Nous envisageons de lancer les travaux cet été. Des travaux qui ne vont pas dépasser une année. Notre projet, doté d’un budget de 40 milliards de dinars, est d’avoir un village touristique intégré avec des jeux aquatiques, des jeux électroniques, des hôtels, un complexe sportif et des instituts de formation. Nous voulions tout réaliser en même temps, mais les banques nous ont imposé leur rythme qui, après, deviendra « le rythme algérien », ce qui est faux. La Cnep, par exemple, nous a répondu deux ans après l’envoi de notre dossier. Sa réponse était un refus, sans raison valable. Pourtant le président de la République et les ministres ont toujours évoqué la nécessité d’encourager l’investissement. Mais à échelle inférieure, les portes sont fermées.