Économie

Les mesures sur les importations pèsent sur l’investissement sans ralentir la consommation

Dans son dernier bulletin de conjoncture qui fait le point sur la situation économique et monétaire de notre pays, au premier semestre 2018, la Banque d’Algérie évoque pour la première fois, de façon explicite, un problème largement occulté.

Il s’agit de la baisse tendancielle et considérable du niveau des investissements industriels, au cours des dernières années. Une tendance qui se poursuit, voire qui s’accentue, encore depuis le début de cette année en infligeant ainsi un démenti au discours officiel sur les résultats de la politique de « ré-industrialisation » mise en œuvre par les derniers gouvernements.

Les chiffres mentionnés par la Banque d’Algérie sont impressionnants et sans équivoque. Ils indiquent que les importations de biens d’équipements industriels avaient déjà baissé très sensiblement entre 2014 et 2017 en « passant de 9,22 milliards de dollars au second semestre de 2014 à 6,34 milliards au second semestre de 2017 », soit une baisse de pas moins de 31,3 %.

Cette chute considérable s’est poursuivie depuis le début de l’année 2018 avec « des importations de biens d’équipement industriels nécessaires à l’investissement qui ont encore reculé au premier semestre de 2018, pour s’établir à 6,02 milliards de dollars, en baisse de près de 14,5 %, par rapport au second semestre de 2017 ».

Au total, en passant de plus de 9 milliards de dollars à 6 milliards en rythme semestriel , c’est donc une réduction de plus de 50 % des importations de biens d’équipement industriels à laquelle on a assisté au cours des trois dernières années .

Un tour de passe-passe statistique

Au passage, la Banque d’Algérie signale un tours de passe-passe des statistiques officielles qui, sans doute inquiétées par cette baisse alarmante, ont reclassé au début de 2018 les importations de véhicules de tourisme et les collections en CKD (en pleine explosion) dans le groupe des biens d’équipement industriels alors qu’ils étaient auparavant classés dans le groupe des biens de consommation non alimentaires.

La Banque d’Algérie note que « le classement, économiquement plus pertinent, des importations de véhicules de tourisme et des collections en CKD de ces véhicules dans le groupe des biens de consommation non alimentaires, se traduirait par une hausse des importations de cette catégorie de biens à 4,40 milliards de dollars (+10,1 % par rapport au premier semestre de 2017) ».

Elle ajoute, qu’au total, la tendance à la baisse des importations de biens d’équipements industriels et la reprise de la hausse de celles des biens de consommation alimentaires et non alimentaires indiquent clairement, que le recul des importations, significatif en 2015 et plus modéré depuis 2016, a été moins favorable à l’investissement qu’à la consommation ».

Le gonflement du budget d’équipement de l’État n’a pas profité à l’investissement

Au cours des derniers mois, un certain nombre de spécialistes avaient souligné le paradoxe flagrant entre des dépenses d’équipements de l’État en plein boom, à la suite de l’adoption d’un budget très expansionniste en 2018, et la baisse importante des importations de biens d’équipement constatée depuis le début de l’année .

Le dernier bulletin de la Banque d’Algérie apporte une explication convaincante à ce qui pouvait apparaître comme une énigme. Il confirme tout d’abord une augmentation « substantielle » des dépenses publiques qui ont atteint 4079 milliards de dinars à fin mai 2018 (contre 3222 milliards de dinars à fin mai 2017) .

Mais la Villa Joly note aussitôt qu’il est utile d’observer que la forte hausse des dépenses budgétaires totales est liée, pour l’essentiel, à celle des opérations en capital (dotation des comptes d’affectation spéciale, bonifications des taux d’intérêt, règlement des créances sur l’État et contribution du budget de l’État au profit de la CNAS) et beaucoup moins aux dépenses d’investissement de l’État ».

Moralité, le gonflement considérable du budget d’équipement de l’État, qui est censé augmenter de plus de 50 % en 2018, n’a pas profité pour l’instant à l’investissement.

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