Les ministres de l’Opep arrivent à Vienne à partir de mercredi pour assister à des réunions qui s’annoncent tendues vendredi et samedi, où l’Arabie saoudite et la Russie comptent bien persuader les autres membres d’augmenter leurs objectifs de production.
L’ambiance devrait être conflictuelle entre ces 24 pays, qui représentent plus de 50% de la production mondiale. Certains d’entre eux ne sont pas en mesure de relancer leurs extractions et s’opposent déjà à une révision des objectifs de limitation de la production fixés fin 2016 et valables jusqu’à fin 2018.
Les géants russes et saoudiens ont donc quelques jours pour convaincre le cartel et ses dix partenaires.
Au premier rang des récalcitrants, l’Iran, qui voit d’un mauvais oeil son rival régional saoudien exiger une révision qui risque de faire baisser les prix du pétrole, tandis que Téhéran, pénalisée par les sanctions américaines, ne pourra pas augmenter ses extractions.
« Cette réunion va être extrêmement politisée », a prévenu Amrita Sen, analyste chez Energy Aspects, interrogée par l’AFP.
– Rivalité –
La position saoudienne est ambigüe. Jusqu’en avril, le ministre de l’Energie saoudien, Khaled al-Faleh, affirmait que le marché pouvait supporter des prix du baril plus élevé.
Mais le Royaume a soutenu le président américain Donald Trump lorsqu’il a décidé de sortir de l’accord sur le nucléaire iranien et d’imposer de nouvelles sanctions au pays.
Ces sanctions pourraient empêcher l’Iran d’exporter son pétrole, une crainte qui a fait s’envoler les prix du brut début 2018.
Alors que des élections parlementaires approchent aux Etats-Unis et que le prix de l’essence grimpe pour le consommateur américain, le colérique président n’hésite pas à dire tout le mal qu’il pense de l’Opep sur Twitter.
« Il y a définitivement une pression américaine », explique Mme Sen, qui estime que les Etats-Unis ont obtenu de l’Arabie saoudite un engagement à compenser le manque à gagner iranien sur le marché mondial.
« Dans ces conditions, il est très, très dur pour l’Iran d’accepter » d’augmenter les objectifs de production, ajoute-t-elle.
– Impatience russe –
En Russie, les entreprises pétrolières privées ont de plus en plus de mal à justifier auprès de leurs actionnaires de retenir leurs extractions, et à ne pas profiter de la hausse des cours.
Etablis fin 2016, les objectifs de baisse de production ont fait rebondir les prix de l’or noir, brièvement passé sous les 30 dollars début 2016 avant de dépasser les 70 dollars au deuxième trimestre 2018.
« Investir en Russie en hiver est impossible, si les objectifs sont relevés (lors de la prochaine réunion) en novembre, (…) il sera difficile d’augmenter la production », ajoute Giovanni Staunovo, analyste pétrole chez UBS.
Selon Bjarne Schieldrop, analyste chez SEB, jusqu’à présent, la Russie poursuivait ses efforts pour accroître son influence géopolitique au Moyen-Orient.
– Augmenter ou pas –
L’Iran a des alliés pour s’opposer aux volontés de la Russie et de l’Arabie saoudite. L’Irak et le Venezuela ont déjà annoncé s’opposer à une augmentation des objectifs.
« Bien évidemment, ils ont à perdre si les objectifs sont augmentés », a commenté M. Schieldrop.
Selon l’agence internationale de l’Energie (AIE), seuls quelques pays, l’Arabie saoudite, ses alliés les Emirats arabes unis et le Koweït, ainsi que la Russie, sont réellement en mesure d’augmenter leur production.
Pour les autres, mieux vaut voir l’ensemble du marché retenir ses extractions pour vendre au prix cher leur production limitée.
Alors que l’Opep a besoin d’une décision à l’unanimité pour modifier ses objectifs pour 2018, les analystes estiment cependant crédible que le cartel se mette d’accord.
« La guerre c’est la guerre, les affaires sont les affaires », a tranché Mme Sen, qui rappelle que l’Opep a déjà réussi à mettre de côté les différends géopolitiques pour s’accorder dans le passé.