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L’histoire émouvante d’un enfant vendeur de beignets sur une plage

L’histoire émouvante d’un enfant vendeur de beignets sur une plage

A l’ombre de la polémique sur les loueurs illégaux de parasols et des retards du tourisme local, un jeune adolescent vendeur de beignets sur une plage de Jijel a ému les Algériens. L’histoire que cet enfant de 15 ans a racontée à la chaîne Youtube Nass Jijel est émouvante.

Portant sur ses bras un plateau de beignets, le jeune adolescent s’est exprimé sur son travail de vendeur de beignets tout en agrémentant ses propos d’une forme de sagesse qui a vite capté l’intérêt et la sympathie de nombreux internautes en Algérie et à l’étranger.

Depuis sa mise en ligne le 20 juillet dernier, la vidéo a été vue plus de 600 000 fois sur la chaîne Ness Jijel. L’adolescent, prénommé Abderrahmane, a suscité un énorme élan de sympathie sur les réseaux sociaux, notamment grâce à sa spontanéité et surtout sa grande générosité en disant qu’il était prêt à offrir gratuitement des beignets aux gens qui n’ont pas de quoi payer.

Abderrahmane connait bien le métier qu’il exerce depuis 5 ans sue cette plage de Jijel. En plus de sa générosité sans limite, son secret réside aussi dans le fait qu’il évite les mauvaises fréquentations et préfère se consacrer à son travail : le jour en vendant des beignets sur les plages, et le soir en vendant des cacahuètes au marché… Abderrahmane ne s’arrête pas donc.

L’un des frères d’Abderrahmane assure que sa famille n’a exercé aucune pression sur l’adolescent pour qu’il se mette à travailler. Il affirme qu’il lui donne de l’argent de poche, tout en soulignant que c’est son jeune frère qui insiste pour exercer le métier de vendeur des beignets préparés par sa mère.

« S’il se rend sur les plages pour vendre ses beignets, ce n’est pas parce qu’il manque d’argent. Il mange et se vêtit comme il l’entend », se défend le frère d’Abderrahmane, tout en se disant rassuré par le fait qu’il n’y a rien d’illégal dans ce que fait l’adolescent.

Un mouvement de solidarité est né après la diffusion de la vidéo et un opérateur économique a offert deux Omra (petit pèlerinage) pour sa mère et son frère. Une récompense qui a submergé de fierté et d’émotion le jeune Abderrahmane qui, relate-t-il, aurait aimé voir son père accompagner sa maman.

Un père décédé alors qu’il n’avait que 5 ans. La vidéo du jeune Abderrahmane n’a pas fait parler en Algérie, elle a eu un retentissement mondial. Des médias étrangers l’ont également relayé, à l’instar de la chaîne Al Jazeera.

La vidéo du jeune Abderrahmane a fait un énorme buzz sur les réseaux sociaux. Un « succès » qui l’a surpris, lui qui n’a pas de compte Facebook. Des estivants venus d’autres régions d’Algérie passer les vacances à Jijel, ont réagi au micro de la chaîne Ness Jijel aux propos du garçon.

Ils ont mis en exergue sa maturité et son sens de la responsabilité. Mais à aucun moment, quelqu’un n’a évoqué qu’un enfant n’a pas à travailler. L’épisode d’Abderrahmane dit aussi d’une certaine façon l’idée que se fait la société du travail des enfants.

« Il faut laisser les enfants vivre leur enfance »

Car, au-delà du succès et du buzz, l’épisode d’Abderrahmane repose la question du travail des enfants en Algérie. La législation algérienne interdit formellement toute forme de travail des enfants.

« L’Algérie s’est attachée (…) à donner à l’enfant la place qui lui revient, à savoir l’école, en combattant l’illettrisme, le travail et autres pratiques », rappelait encore le 15 juillet dernier, la déléguée nationale à la protection de l’enfance, Meriem Chorfi.

Elle a ajouté que « la Constitution algérienne englobe l’intégralité des droits de l’enfant et sa protection contre toutes les formes de criminalité et d’exploitation par le travail et lui a assuré le droit à une instruction gratuite et obligatoire ».

Mais dans la pratique, on constate que des enfants travaillent en Algérie que ce soit sur les plages ou dans les trains en vendant des bouteilles d’eau fraîche et autres friandises.

Les cas d’enfants qui travaillent interpellent le président de la Fondation pour la recherche médicale (Forem), le Pr Mostefa Khiati. Il déplore que les enfants soient arrachés si tôt à leur enfance alors qu’ils sont censés profiter de celle-ci.

« Sur le plan psychologique et morphologique, et de l’épanouissement de la personnalité, il faut laisser les enfants vivre leur enfance », plaide le Pr Khiati, contacté par TSA.

« Il est extrêmement important (…) et indispensable qu’il puisse avoir du temps de loisirs et faire du sport, etc. Autrement, on l’aura poussé à sortir très tôt de son enfance. Cet âge adulte précoce pourrait avoir des retombées sur son cheminement futur », avertit le président de la Forem.

Le Pr Khiati estime qu’il est important de développer les dons d’un enfant mais pas au détriment de son âge ni de son développement. « Rien n’empêche qu’il ait une matinée par semaine pour faire son hobby. Il ne faut pas que ce soit une entrée totale dans le monde du travail », recommande-t-il.

Si la législation algérienne protège l’enfant, l’application des textes réglementaires sur le terrain pose problème.

« Il est vrai que nous avons des lois qui protègent l’enfance mais nous n’avons pas suffisamment de mécanismes qui rendent exécutoire et qui concrétisent le contenu de ces lois », fait remarquer Mostefa Khiati.

Il cite entre autres structures l’Organe national de la protection et de la promotion de l’enfance (ONPPE) dont il dit qu’il n’a pas les moyens.

« Lorsqu’on lui signale des cas graves, il y a une priorisation. Il demande à la police d’intervenir ou bien saisit un juge des enfants, etc. Et quand l’enfant est dans une situation de danger extrême, l’ONPPE demande à une structure qui dépend du ministère de la Solidarité de le prendre en charge. Cela veut dire qu’il n’y a pas de mécanisme direct de prise en charge comme aux Etats-Unis et au Canada », regrette le président de la Forem.

Le travail des enfants doit une préoccupation majeure en Algérie, estime le Pr Khiati qui craint pour l’avenir des jeunes enfants qui se lancent assez tôt dans le monde du travail.

« Durant la période des vacances, on sait que le nombre d’ enfants qui travaillent double automatiquement. Il faut craindre que les enfants qui se sont habitués au travail durant l’été ne rejoignent l’école en septembre et augmentent le nombre des déperditions scolaires. Pour les trois cycles de l’enseignement, vous avez 500 000 enfants qui sont comptabilisés comme étant en déperdition scolaire et cela date depuis des années. La formation professionnelle arrive à absorber une partie, mais une grande partie reste dans la rue. Ces enfants qu’on trouve dans la rue sont également un réservoir de violence car c’est la rue qui va les formater », alerte Mostefa Khiati.

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