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L’intriguant empressement du gouvernement Bedoui à trancher des questions d’importance

L’intriguant empressement du gouvernement Bedoui à trancher des questions d’importance

Un exécutif qui évite les mesures qui risquent de fâcher et multiplie les décisions populistes est en principe un gouvernement qui s’apprête à solliciter un nouveau mandat auprès des électeurs.

Une attitude courante et compréhensible en période pré-électorale mais qu’on retrouve inexplicablement et presque quotidiennement chez le gouvernement Bedoui qui, jusqu’à preuve du contraire, est nommé pour expédier les affaires courantes, le temps que le pays se dote d’institutions élues démocratiquement, donc pérennes.

Paradoxalement, l’exécutif actuel semble avoir les coudées franches, pour ne pas dire des prérogatives illimitées dont ne jouissaient pas les gouvernements qui ont géré le pays au plus fort de la stabilité politique.

Noureddine Bedoui a été nommé Premier ministre par le président Bouteflika le 11 mars dernier avec Ramtane Lamamra comme adjoint. Le duo remplaçait au pied levé un Ahmed Ouyahia trop impopulaire pour rester en poste alors que les Algériens sortaient par millions dans la rue réclamer du changement.

Ce jour-là, le chef de l’État contesté avait renoncé officiellement à briguer un cinquième mandat et annoncé le report de l’élection présidentielle initialement prévue dans un peu plus d’un mois, le 18 avril.

Il a fallu trois semaines au nouveau Premier ministre pour trouver preneur à ses maroquins. À défaut d’être un « gouvernement de compétences nationales » tel que promis, le nouveau cabinet, constitué le 1er avril, est un conglomérat hétéroclite de personnages inconnus, pour certains excentriques.

Le lendemain, le 2 avril, le président Bouteflika démissionnait et léguait au pays des hommes et des institutions dont le rejet par le peuple sera l’un des principaux facteurs qui empêchent le dénouement de la crise. Le gouvernement Bedoui en fait partie. Son impopularité est telle que ses ministres ne peuvent pas effectuer de visites de terrain sans être chassés ou chahutés par la population. Le Premier ministre ne fait pas d’apparitions publiques et ne s’adresse pas aux médias.

Mais il semble que lui et ses ministres ne vivent pas cette situation comme une corvée qu’ils ont hâte de voir prendre fin. Dans leurs décisions, ils ne donnent pas l’impression d’être là pour une mission ad-hoc qui est d’organiser l’élection présidentielle et gérer les affaires courantes durant la période de transition.

Dès le 28 mars, avant même la nomination des nouveaux ministres, Bedoui annule le retrait de permis immédiat pour les contrevenants au Code de la route.

Le 8 mai, le ministre du Commerce Said Djellab annonce le retour de l’importation des véhicules d’occasion et le 20, des quotas d’importation de collections CKD/SKD sont imposés, d’une façon unilatérale, aux constructeurs automobiles.

Le 26 mai, le ministre du Travail annonce le gel des poursuites judiciaires à l’encontre des mauvais payeurs parmi les promoteurs Ansej et, interférant ainsi directement dans le travail de la justice et des banques, qui ont prêté de l’argent aux jeunes entrepreneurs. Le ministre du Travail n’a pas précisé qui supporterait la note salée laissée par les mauvais payeurs ayant bénéficié du dispositif Ansej. Il ne s’est pas soucier de l’impact d’une telle mesure, qui est une sorte de prime à l’échec, sur les promoteurs sérieux qui ont payé rubis sur ongle leurs dettes.

Le même jour, son collègue de l’Énergie laisse entendre que le gouvernement s’opposerait au rachat des actifs en Algérie de l’américain Anadarko par le français Total, avant de se rétracter le lendemain, c’est-à-dire aujourd’hui.

Ces décisions s’ajoutent à celles, nombreuses, annoncées dans plusieurs secteurs et consistant en des augmentations de salaire, des confirmations de travailleurs temporaires…

Nul ne peut raisonnablement soupçonner Noureddine Bedoui ou ses ministres de nourrir quelque ambition pour la période post-transition.

S’ils multiplient les mesures d’apaisement, c’est sans doute pour donner toutes les chances de succès au plan de sortie de crise du pouvoir qui a passé ces deux derniers mois à tenter de convaincre les Algériens d’accepter d’aller aux urnes. Il s’agit d’un réflexe aussi vieux que le système politique algérien : se montrer le plus généreux possible à l’approche des grandes échéances politiques quitte à malmener la bourse de l’État et à jeter aux orties le souci de l’efficience économique.

Ce qui est en revanche le moins facile à comprendre, c’est l’empressement du gouvernement à trancher des questions d’importance et qui peuvent attendre, agissant parfois sans aucun fondement juridique, comme dans la remise en cause des contrats signés avec les constructeurs automobiles ou le renoncement à récupérer l’argent de l’État prêté aux jeunes promoteurs.   

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