Après plusieurs semaines de tiraillements, la loi sur l’immigration, qui a été votée par le Parlement français, mardi 19 décembre, pénalise les étudiants étrangers, dont les Algériens.
Sauf avis défavorable du Conseil constitutionnel, la France, terre d’accueil depuis deux siècles et sa grande révolution aux idéaux humanistes, sera bientôt un pays plus fermé aux étrangers.
Dépourvu de majorité absolue, le gouvernement avait le choix de s’allier avec la droite en durcissant son texte initial ou avec la gauche en le rendant au contraire plus souple.
Il a opté pour la première option, confirmant que l’enjeu de la nouvelle loi est ailleurs que dans le contrôle et la régulation de l’immigration. Comme le dénoncent les réactions de la sphère économique et universitaire, la classe politique française a fait passer ses calculs politiciens avant les défis qui attendent le pays dans les années et décennies à venir.
Si la loi ne passe pas, c’est le Rassemblement national qui accédera au pouvoir. La prédiction est prêtée au ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.
Une loi sur l’immigration plus dure est, en effet, une manière de couper l’herbe sous les pieds de l’extrême-droite, dont les idées gagnent du terrain inexorablement dans la société et parmi la classe politique.
Sauf que le RN ne perd pas véritablement. Ses idées triomphent et la France, elle, perd à plusieurs égards. D’abord sur le plan de l’image. Ce 19 décembre 2023 constitue « un jour noir pour la République », a réagi sur X le député communiste des Bouches-du-Rhône, Pierre Dharréville.
« Ne donnez pas cette image de la République », a exhorté Jean-Luc Mélenchon, le camp présidentiel, avant le vote.
Le souci de l’image de la France est partagé par des milliers de médecins qui ont fait part de leur intention de « désobéir » si l’aide médicale d’État aux étrangers est supprimée, ainsi que le monde universitaire, dont plusieurs représentants sont vent debout contre cette loi.
Dans un communiqué diffusé quelques heures avant le vote, 18 présidents d’universités ont dénoncé un texte qui s’attaque aux valeurs qui fondent l’université française qui sont celles de « l’universalisme, de l’ouverture et de l’accueil, de la libre et féconde circulation des savoirs, celles de l’esprit des Lumières ». Les signataires jugent les mesures contenues dans la nouvelle loi « indignes » de la France.
Loi immigration en France : le gouvernement cède devant l’extrême-droite
L’un des signataires de l’appel, Dean Lewis, président de l’université de Bordeaux, a dénoncé « une marchandisation de l’enseignement » à travers des « mesures discriminatoires » puisque la France va désormais « uniquement chercher les étudiants qui ont les moyens ».
Ces nouvelles mesures pénalisent les étudiants étrangers, dont les Algériens. La nouvelle loi instaure notamment l’imposition d’une caution de retour dont le montant n’a pas été fixé, la majoration des frais d’inscription et l’imposition de quotas, « mettent gravement en danger la stratégie d’attractivité de l’enseignement supérieur et de la recherche française », estiment-ils. Le véritable enjeu est là, plus que dans l’image.
Dans une tribune publiée dans le Parisien, les dirigeants des trois plus grandes écoles de commerce (l’ESSEC, l’ESCP et HEC) ont estimé que cette loi équivaut pour la France de « faire une croix » sur l’apport des talents étrangers et menace gravement sa « compétitivité internationale ».
La veille, le président du MEDEF, la première organisation patronale de France, avait expliqué, chiffres à l’appui, que l’orientation prise par le gouvernement n’est pas celle que dictent les intérêts de l’économie française.
Dans les décennies à venir, la France aura besoin d’importer « massivement » la main d’œuvre étrangère pour continuer à faire fonctionner son économie, « sauf à réinventer son modèle économique », a estimé Patrick Martin.
Tous ces arguments n’ont pas pesé devant l’impératif pour le président Emmanuel Macron et son gouvernement d’empêcher la droite et l’extrême-droite de continuer à instrumentaliser cette question du contrôle de l’immigration.
Au rythme auquel sont faites les concessions à ce courant, la question pourrait bientôt se poser de savoir à quoi bon lui « faire barrage ».
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