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Madjer, une affaire avant tout politique ?

Madjer, une affaire avant tout politique ?

Le parcours de Rabah Madjer à la tête de la barre technique de l’équipe nationale de football devrait sans doute se terminer comme il a commencé, c’est-à-dire sur une intervention des autorités politiques.

Lorsque l’ancien joueur de Porto était nommé coach des Verts à la surprise générale en novembre dernier, beaucoup y avaient vu la griffe de l’omnipotent ministre de la Jeunesse et des Sports d’alors, Ould Ali El Hadi.

C’est ce dernier, avec sans doute la bénédiction de parties plus haut placées, ou du moins plus influentes, qui aurait donc imposer à Kheireddine Zetchi, le président de la FAF, d’introniser Madjer en dépit de l’opposition presque unanime des observateurs, de la presse et du public qui pointaient le manque de références de celui qui était resté 15 longues années loin des bancs et des terrains.

L’on ne sait toujours rien des considérations qui auraient motivé le parti pris du ministre, même si la rue et les rédactions ont beaucoup spéculé sur des velléités d’exploitation de l’image de l’équipe nationale et de l’homme à la talonnade en prévision des échéances politiques à venir.

D’autant qu’en 2014, Rabah Madjer avait fait campagne pour le président-candidat Abdelaziz Bouteflika, les vidéos de ses palabres avec Abdelmalek Sellal faisant foi.

Mais en politique, comme en football, plein de choses peuvent se passer en sept mois. Comme par exemple le remplacement d’un ministre, ou la succession de défaites.

Ould Ali n’a pas survécu au remaniement ministériel d’avril dernier et Madjer, après quelques matches pendant lesquels son équipe a fait illusion, collectionnera les revers sur le plan des résultats et les maladresses sur celui de la communication et de la gestion du groupe. Un alignement des planètes assez exceptionnel, mais franchement défavorable au coach national.

La FAF a volé au secours de Madjer ce lundi en lui apportant son soutien, tout en dénonçant « des voix non autorisées » qui se sont élevées pour réclamer son départ.

« Le président de la FAF et les membres du Bureau fédéral dénoncent la campagne d’acharnement menée contre la personne du sélectionneur national surtout à la veille d’une rencontre amicale aussi importante contre le Portugal ce jeudi 7 juin à Lisbonne », indique l’instance fédérale dans un communiqué publié sur son site officiel, pour le moins surprenant.

Mais le mal est fait. On ne voit pas comment le sélectionneur national pourrait regagner le cœur des supporteurs de l’EN, lassés par la série sans fin des mauvais résultats des Verts, depuis la qualification historique aux 8es de finale du Mondial 2014 et le départ du coach Vahid.

Le compte à rebours pour la fin de l’aventure de Madjer à la tête des Verts fut sans doute enclenché le jour du départ de Ould Ali du gouvernement.

Un départ, certes, assimilé à un limogeage à cause des immixtions répétées de la tutelle dans la gestion des fédérations sportives, dont justement celle de football, et ses rapports tendus avec le comité olympique, mais l’illusion d’une continuité du soutien des autorités à Rabah Madjer était entretenue, pour les mêmes visées qui auraient motivé sa nomination.

Jusqu’à ce fatidique match face au Cap-Vert et la réaction du successeur de Ould Ali, Mohamed Hattab : « Cette défaite est inacceptable. Une équipe qui possède des joueurs comme Mahrez, Brahimi et Slimani ne peut jouer que les premiers rôles. » Un désaveu net et cinglant.

Au lendemain de la sortie du ministre de la Jeunesse, le porte-parole du RND, Seddik Chiheb, s’est fondu d’une déclaration allant dans le même sens : « Avec tous mes respects à Madjer en tant que personne, comme ancien joueur qui a donné tant de joies aux Algériens, mais en tant que gestionnaire et entraîneur, je pense qu’il n’est pas à sa place. »

Mustapha Berraf, président du Comité olympique et ancien député, avait lui, regretté que l’équipe nationale soit battue à domicile par l’équipe B du Cap-Vert.

Des tirs croisés sur le sélectionneur venant de la sphère politique, cela peut bien signifier que l’homme, devenu plus qu’impopulaire dans tout le pays, est lâché par les pouvoirs publics.

Son image ne porte plus et son maintien en poste ne fera qu’aggraver la cassure entre le public et son équipe nationale et allonger la crise de résultats, avec le risque de voir la grogne déborder dans la rue. Faut-il dès lors s’attendre à d’autres « pressions » sur le président de la FAF pour dégommer le coach controversé sans tarder, c’est-à-dire juste après le match amical de jeudi prochain face au Portugal ?

Sans doute que Kheiredine Zetchi n’a pas besoin de pression, il se contentera bien d’un simple feu vert pour agir, lui qu’on dit loin d’être un fan de Rabah Madjer qui, dit-on encore, n’en fait qu’à sa tête et ignore ouvertement le Bureau fédéral.

Zetchi ne cherchait qu’un prétexte pour se défaire de ce boulet, mais les choses s’annoncent compliquées. Si Madjer ne part pas de son propre gré, il sera difficile de le déloger sans lui payer de fortes indemnités. Signataire d’un contrat jusqu’à la CAN 2019 pour un salaire mensuel de 400 millions de centimes, le sélectionneur national devrait partir, s’il insiste à être payé jusqu’au dernier centime, avec un pactole de plus de 5 milliards de centimes.

Avec le million de dollars que réclame l’ancien sélectionneur et prédécesseur de Madjer, Lucas Alcaraza, ça risque de faire beaucoup pour les caisses de la Fédération. C’est le prix à payer quand on a une préférence quasi dogmatique pour l’école ibérique et surtout quand on laisse les politiques s’immiscer dans ses prérogatives.

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