Économie

Marché du gaz : les messages de l’Algérie à l’Europe

L’Algérie ambitionne de doubler ses exportations de gaz dès l’année prochaine. Il ne s’agit pas d’un objectif ferme, mais d’un vœu exprimé par le président de la République lors de l’inauguration, mardi 13 décembre, de la foire de la production nationale d’Alger.

Devant le stand de Sonatrach, Abdelmadjid Tebboune a lancé deux messages en direction de l’Europe, au moment où beaucoup de choses sont dites sur le rôle de l’Algérie sur le marché mondial du pétrole et du gaz.

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Le premier message concerne la capacité de l’Algérie à exporter davantage de gaz vers l’Europe, son principal marché.

L’Algérie est fortement sollicitée pour augmenter les livraisons de gaz vers l’Europe depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, le 24 février dernier.

Dans la limite de ses capacités disponibles dans l’immédiat, elle a favorablement répondu aux demandes de l’Italie, pays avec lequel elle entretient une relation forte et apaisée.

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Un accord a été signé entre les compagnies des deux pays, Sonatrach et ENI, en avril, portant sur l’augmentation des livraisons algériennes de 9 milliards de mètres cubes supplémentaires d’ici à 2023-2024.

L’Algérie peut doubler ses exportations de gaz

À la Foire d’Alger, devant le président Tebboune, le PDG de Sonatrach a révélé les premières incidences de cet accord sur le volume des flux. Selon Toufik Hakkar, l’Algérie livre actuellement 27 milliards de mètres cubes par an vers l’Italie. Pendant le mois en cours, un niveau « record » a été atteint, soit 97 millions de mètres cubes/jour.

Abdelmadjid Tebboune a réaffirmé que l’Algérie ne voyait pas d’un mauvais œil que l’Italie « devienne un hub » par lequel transitera le gaz algérien vers d’autres pays d’Europe, notamment l’Allemagne.

Avant même la conjoncture actuelle et les tensions que l’on sait, l’idée de l’Algérie a toujours été d’acheminer son gaz jusqu’au cœur de l’Europe en réalisant des prolongements via la France aux gazoducs qui la relient à l’Espagne et l’Italie.

Mais les Européens n’ont pas été emballés par le projet, encore moins consenti les financements nécessaires. Idem pour le développement des capacités de production de l’Algérie, qui ressentent encore les effets d’un désinvestissement qui s’est inscrit dans la durée.

La guerre en Ukraine a chamboulé la carte énergétique mondiale et l’Algérie se retrouve dans la position d’un acteur qui compte sur l’échiquier.

Plafonnement des prix du pétrole russe

Outre sa forte sollicitation, l’autre conséquence importante de la nouvelle situation pour l’Algérie a été l’imposition de nouveaux tarifs sur les contrats de long terme, désormais adaptés aux prix du marché spot de gaz pour les principaux clients que sont l’Italie, l’Espagne et la France.

Le deuxième message lancé par le président de la République concerne les prix du gaz et du pétrole. Selon la chaîne publique AL24 news, le président Tebboune a dit devant les responsables de Sonatrach que l’approvisionnement en gaz de l’Europe par l’Algérie se fait « loin des considérations politiques ».

L’Algérie veut que la problématique soit abordée suivant une approche économique pragmatique, loin de la politique, dans une conjoncture de fortes interférences de la géostratégie tant concernant les flux que les prix pratiqués et la monnaie de paiement.

Au moment où la Russie a imposé le rouble et brandit régulièrement la menace de l’arrêt des livraisons, l’Union européenne envisage de plafonner les prix du pétrole russe. Un plafonnement qui pourrait constituer un précédent grave aux yeux des producteurs comme l’Algérie.

« Si l’Union européenne franchit le pas du plafonnement du pétrole russe, cela signifie qu’elle pourrait le faire ensuite pour d’autres pays », s’inquiète un expert pétrolier algérien.

« La politique de Sonatrach et donc de l’Algérie a été toujours de dire : laissons faire les forces du marché. L’Algérie ne dépend d’aucun pays pour vendre son gaz. Ses stratégies sont souveraines. Elle a développé le marché européen bien avant les Russes et les Qataris », explique l’expert pétrolier algérien.

« Les messages du président Tebboune sont importants. Ils signifient que nous ne faisons pas de politique et vous aussi ne devez pas faire de la politique avec le gaz », poursuit-il.

L’Algérie est fortement sollicitée pour fournir à l’Europe une partie de son énergie. Elle en a relativement les capacités et une forte volonté dictée par son besoins de fonds pour financer son développement.

Les prix actuels de gaz et les prévisions de leur maintien à un niveau élevé pendant une longue période constituent une aubaine pour l’Algérie à laquelle l’appréciation des cours en 2022 a permis d’augmenter sensiblement ses revenus (des prévisions de 54 milliards de dollars) par rapport à 2021 et 2020 (34 et 22 milliards respectivement).

Doubler les quantités exportées est certes une entreprise compliquée pour un pays qui a longtemps souffert du désinvestissement, qui a des réserves limitées dans le gaz conventionnel et qui voit sa consommation interne augmenter d’année en année.

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Des écueils qui peuvent toutefois être surmontés par les effets des nouvelles lois sur les hydrocarbures et les investissements, censées asseoir un climat des affaires différent, la nouvelle position de l’Europe prise de court par les retombées de la guerre en Ukraine et éventuellement l’exploitation de l’énorme potentiel de gaz de schiste, à aucun moment formellement exclue.

Outre son propre gaz, l’Algérie pourra aussi fournir à l’Europe le gaz du Nigeria grâce au projet du méga-gazoduc transsaharien dit TSGP qui reliera les deux pays. « La hausse des exportations algériennes de gaz peut venir de sources externes aussi comme le gaz nigérian via le gazoduc TSGP qui est plus rentable économiquement que celui que le Maroc tente de développer », indique notre source.

On parle aussi de la relance du vieux projet d’un deuxième gazoduc entre l’Algérie et l’Italie, le Galsi. En somme, l’Algérie a tout pour devenir un acteur majeur du marché mondial de gaz.

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