Économie

Marchés publics en Algérie : les grands axes de la réforme

Pendant près de deux décennies et à la faveur d’une hausse sans précédent des revenus des hydrocarbures, l’Algérie a énormément dépensé en infrastructures et en prestations de services.

Beaucoup a été dit sur les marchés publics pendant cette période et certains se sont retrouvés au centre des grands procès anti-corruption engagés contre d’anciens hauts responsables.

| Lire aussi : Marchés publics : au-delà de la corruption, la dépendance de l’Algérie

Passation de marchés non-conformes à la réglementation, pots-de-vin, surfacturation, transfert illicite de devises à l’étranger, sont quelques-unes des accusations qui ont valu de lourdes peines de prison à des dizaines de cadres et d’entrepreneurs.

« Quand on analyse les affaires présentées au Pôle économique et financier, et en les examinant bien on s’aperçoit que la source de la corruption ce sont les marchés publics », a déclaré mercredi 9 juin le procureur de la République près le tribunal de Sidi M’hamed (Alger) lors d’une conférence de presse au cours de laquelle il est revenu sur les quatre voies de la grande corruption en Algérie.

Dans son plan d’action adopté en septembre dernier,  le gouvernement s’est engagé à renforcer « la transparence et la traçabilité dans la gestion des finances publiques et l’accès aux marchés publics » et un projet de loi relatif aux règles générales des marchés publics est déjà élaboré au niveau du ministère des Finances.

Ce texte remplacera l’ordonnance présidentielle 15-247 du 16 septembre 2015 portant réglementation des marchés publics et des délégations de service public.

Le changement ne concerne pas que l’intitulé. La nouvelle loi se concentre exclusivement sur les marchés publics et ne fait pas référence aux délégations de service public, qui devraient faire l’objet d’un texte à part.

Alors que la loi de 2015 contient 220 articles, la nouvelle est moins volumineuse, avec 117 articles seulement. Cela s’explique par la suppression des délégations de service public et, comme son intitulé l’indique, le nouveau texte édicte des règles générales, laissant le soin à « la réglementation » de spécifier certaines dispositions, détaillées dans la loi de 2015. Il s’agit pour le gouvernement de se réserver une marge de manœuvre, les textes réglementaires étant plus faciles à changer à tout moment en cas d’inadaptation avec de nouvelles réalités.

C’est le cas par exemple du plafond des prestations exemptées de la consultation, fixé dans la loi de 2015 à 12 millions de dinars pour les marchés de réalisation.

Le montant des marchés prioritaires ou d’importance nationale passés de gré à gré et soumis à l’approbation du conseil des ministres reste inchangé, à 10 milliards de dinars. Au-dessous de ce plafond, le marché peut être exécuté sur aval du conseil du gouvernement.

La première nouveauté c’est l’introduction de la soumission électronique qui se fera via un portail dédié à cet effet et suivant des modalités qui seront fixées par la réglementation. Outre le gain de temps et de travail qu’il offre, ce procédé permettra aux organismes publics de constituer des bases de données qui serviront lors d’appels d’offres ultérieurs, sans reconstitution totale du dossier.

Pour les situations de nécessité impérieuse, la prestation peut commencer à être exécutée avant la conclusion du marché, qui doit en tout état de cause être établi dans un délai de 3 mois, contre 6 mois dans le précédent texte.

Ambiguïté sur la publicité publique

La nouvelle loi est aussi attendue sur la question de la publicité. L’ordonnance 15-247 est explicite sur ce point. « Le recours à la publicité par voie de presse est obligatoire dans les cas suivants : appel d’offres ouvert, appel d’offres ouvert avec exigence de capacités minimales, appel d’offres restreint, concours, gré à gré après consultation, le cas échéant », stipule l’article 61.

Dans l’article 44 du nouveau projet de loi, il y a comme une ambigüité : « Le recours à la publicité est obligatoire au Bulletin officiel des marchés de l’opérateur public (Bomop) et par voie de presse pour les formes de passation des marchés publics visées aux articles 37 et 39, en cas de nécessité ». Mis à part le gré à gré simple, les formes visées sont les mêmes citées dans la loi en vigueur.

Autre nouveauté, et dans le cadre de la politique publique en vigueur d’encouragement des startups, les marchés portant sur des solutions développées par des startups peuvent faire l’objet de la procédure de gré à gré.

Pour les micro-entreprises, la loi maintient l’obligation de leur réserver 20 % de la commande publique. La disposition inclut les entreprises qui emploient des personnes handicapées et supprime les plafonds que ne peut dépasser une entreprise du genre (entre 2 millions et 12 millions de dinars suivant la nature de la prestation).

Par ailleurs, et afin d’encourager les entreprises algériennes, l’article 81 oblige les entreprises étrangères qui obtiennent des marchés publics en Algérie à conclure des accords de sous-traitance avec des entreprises de droit algérien à hauteur au moins de 30 % du montant du marché, sauf en cas d’impossibilité justifiée.

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