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Maroc-Mauritanie : voici pourquoi Rabat redécouvre les vertus de la fraternité et du bon voisinage

Maroc-Mauritanie : voici pourquoi Rabat redécouvre les vertus de la fraternité et du bon voisinage

CONTRIBUTION. Le Maroc semble soudainement redécouvrir les vertus de fraternité et du bon voisinage avec la Mauritanie, lui dont la constitution expansionniste évoque les « frontières authentiques » du Royaume (De Tanger au port Saint Louis au Sénégal selon la thèse du « Grand Maroc » défendue par Allal Al-Fassi depuis 1955). C’est du moins ce que laisse croire la décision opportune des autorités marocaines de déclarer persona non grata l’opposant mauritanien Mohamed Ould Bouamatou.

Cette effusion officielle et bienveillante d’un pays se proclamant soudainement « attaché aux liens historiques forts et aux relations de bon voisinage entre les deux pays frères » et qui « ne permettra en aucune manière que son territoire soit exploité afin de porter atteinte à la stabilité de la Mauritanie ou de s’attaquer à ses institutions suprêmes » résiste pourtant mal aux faits. Sans revenir à la non-reconnaissance de l’indépendance de la Mauritanie qui aura duré tout de même 9 longues années, il est un truisme de dire que les relations entre Nouakchott et Rabat se sont détériorées depuis que la monarchie alaouite s’est livrée à une série d’actions insidieuses contre la stabilité de la république islamique.

Les informations sur la tentative d’assassinat du dirigeant mauritanien, en octobre 2012, sont bien restées dans les mémoires. Le Maroc était, entre autres, devenu une terre d’accueil par excellence des principaux opposants politiques au Président Mohamed Ould Abdelaziz, à commencer par Mohamed Ould Bouamatou et Moustapha Limam Chaafi dont les activités séditieuses menées avec la bénédiction de la DGED ne se sont à aucun moment embarrassées des « valeurs de bon voisinage et de fraternité » invoquées pompeusement aujourd’hui par le Maroc.

Pourtant, le parcours politique de ces deux personnages n’avait rien de glorifiant pour justifier la complaisance marocaine. Le sulfureux Moustapha Limam Chaafi, était un agent du président burkinabais déchu Blaise Compaoré, pour le compte duquel il réalisait des opérations de libérations d’otages contre rançons, qui ont valu à cette « homme du dessert » d’être visé en 2011 par un mandat d’arrêt pour « financement de terrorisme », suite auquel il trouvera refuge à Rabat.

Pour sa part, le milliardaire Mohamed Ould Bouamatou est un cousin du président mauritanien et l’un des principaux bailleurs de fonds de sa campagne présidentielle de 2009 avant de s’exiler à Marrakech, une année plus tard pour fuir des poursuites judiciaires pour corruption et malversation, d’où il mènera ses activités d’opposant politique sous la bienveillance des autorités marocaines, au point même de participer au Forum Crans Montana de mars 2016 dans les territoires sahraouis occupés.

Le revirement soudain du Maroc et son argument cousu de fil blanc – d’ailleurs réfuté en bloc par l’avocat de l’accusé – cachent mal les desseins d’un Makhzen soucieux d’améliorer, au plus vite, ses relations avec la Mauritanie en vue de soutirer, par ses gestes tardifs et intéressés, quelques dividendes au service de ses thèses colonialistes, dans le cadre des tables rondes initiées par l’Envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental, Horst Kohler, auxquelles la Mauritanie participe, au même titre que l’Algérie, en tant que pays voisin.

La volonté de Nouakchott de s’impliquer positivement dans la résolution de cette question de décolonisation, en allant au-delà de sa « neutralité positive », n’est pas sans inquiéter le Makhzen qui semble déterminé à user de tous les moyens à sa disposition pour neutraliser la Mauritanie et essayer de la « démarquer » du statut de « partie au conflit » que Rabat veut absolument accoler à la participation de l’Algérie aux pourparlers de Genève.

C’est sous cet angle que la valse de visites improvisées d’officiels marocains en Mauritanie doit être interprétée, à commencer par celle du Chef du gouvernement Saad Eddine El Othmani pour participer en compagnie du patron de la DGED, Yassine Mansouri, à une réunion des bailleurs de fonds de la force G5 Sahel, en passant par le déplacement du ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita, en novembre dernier.

En deuxième lieu, Cette ambition politique malsaine a son complément économique obligé et tout aussi insidieux : contrecarrer la dynamique vertueuse amorcée dans les relations algéro-mauritaniennes, à la faveur de l’ouverture d’un nouveau poste frontalier entre les deux pays, en août dernier, et l’envoi d’une caravane algérienne « Ponts de fraternité », dans le cadre de la participation à la 4ème édition de la Foire des produits algériens, à Nouakchott, du 23 au 29 octobre dernier.

D’ailleurs, l’ancien ministre marocain des Affaires étrangères et actuel patron de la Confédération générale des entreprises marocaines (CGEM), Salaheddine Mezouar, a été dépêché en urgence, début décembre, à Nouakchott et à Nouadhibou. L’objectif officiel était de prospecter des opportunités d’investissement. Rien n’est pourtant moins sûr tant il est vrai que le Maroc part avec l’étiquette peu complaisante d’un pays d’où s’écoulent des produits issus du trafic en tous genres, qui plus est à travers un tronçon routier polémique de par sa construction sur le territoire occupé du Sahara occidental et sa visée d’avoir un débouché sur le port stratégique de Nouadhibou.

En fait, La hantise de voir l’Algérie renforcer ses points d’appui en Mauritanie est existentielle pour un pays, excentré sur le plan géographique, et qui redoute de voir un verrou le couper de son hinterland et contrarier ainsi davantage sa volonté de rejoindre la CEDEAO.

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