L’Assemblée nationale française a adopté, jeudi 28 mars, une résolution condamnant le massacre du 17 octobre 1961 à Paris. Le vote est suivi d’un déferlement de haine contre la députée d’origine algérienne, Fatiha Keloua Hachi, qui a défendu le texte.
Un pas de plus vers la reconnaissance officielle du massacre du 17 octobre que le courant xénophobe et les nostalgiques de l’Algérie française ne digèrent pas. Le vote est suivi d’un déferlement de haine contre les députés qui ont défendu le texte.
La résolution, présentée par la députée d’origine algérienne, Sabrina Sebaihi (écologiste) et sa collègue Julie Delpech (Renaissance) a été adoptée par 67 voix pour et 11 contre.
Elle condamne « la répression sanglante et meurtrière des Algériens » commise le 17 octobre 1961 « sous l’autorité du préfet de police Maurice Papon » et appelle le gouvernement français à inscrire cette date à l’agenda des journées nationales et des cérémonies officielles et à « travailler en commun avec les autorités algériennes pour appréhender leur histoire commune ».
La députée socialiste, Fatiha Keloua Hachi, qui a fait une intervention remarquable en plénière, a fait part vendredi d’une campagne de haine et d’un « déferlement de tweets racistes » qui la ciblent depuis le vote de la résolution condamnant le massacre du 17 octobre 1961.
L’élue a partagé sur X un échantillon des messages qu’elle a reçus. « Retourne en Algérie », « pourquoi vous n’êtes pas député à Alger plutôt ? » ou encore « vivement un vote pour la remigration »…
Ce à quoi elle a rétorqué : « Votre haine ne m’atteindra jamais ! Fière d’être députée de la nation et de me battre pour mes concitoyen (nes). »
Les députés du Rassemblement national (RN) ont voté contre la résolution. L’un d’entre eux a même qualifié le massacre du 17 octobre de « fake-news ».
Massacre du 17 octobre 1961 : campagne de haine contre la députée d’origine algérienne, Fatiha Keloua Hachi
Fatiha Keloua Hachi a prononcé des mots très forts dans son intervention pendant le vote. Elle a évoqué un visage sur une fresque à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) qui l’a « longtemps hantée ». « C’est le visage de Fatima, morte noyée dans la Seine parce qu’elle était algérienne », a-t-elle dit.
Le 17 octobre 1961, la police parisienne a réprimé violemment une manifestation d’Algériens sortis pour dénoncer un couvre-feu nocturne qui leur était imposé. Selon de nombreux historiens, jusqu’à 200 Algériens ont été tués cette nuit-là, dont beaucoup sont morts noyés dans la Seine, la rivière qui traverse Paris.
« Ce n’était pas un simple maintien de l’ordre qui aurait dégénéré, mais un bain de sang prémédité, une chasse à l’homme organisée », a accusé Fatiha Keloua Hachi, pour qui les massacres du 17 octobre constituent « un crime d’État, un crime colonial, un mensonge d’État, une dissimulation politique et médiatique et un effacement judiciaire ». « Vive l’amitié franco-algérienne », a-t-elle lancé.
🇫🇷🇩🇿Ce matin nous avons enfin fait reconnaître la responsabilité de l’État dans le massacre du #17octobre1961
Il était temps d’inscrire cette page noire de notre histoire dans notre mémoire collective. Et qui sait demain aura-t-on le courage de parler de crime d’État?#DirectAN pic.twitter.com/uu4uzpDHP6
— Fatiha Keloua Hachi (@KelouaF) March 28, 2024
Face au déferlement de haine qui l’a ciblée sur les réseaux sociaux, la députée d’origine algérienne a reçu le soutien de nombreux élus et du Parti socialiste dont elle est porte-parole.
« Ils sont faibles face à la force et la sincérité de son engagement », a écrit le PS, accusant ceux qui la dénigrent « dans l’anonymat des réseaux sociaux » de piétiner ce qu’elle incarne, « l’esprit républicain qui ne laisse aucune place au racisme ».
Soutien à @KelouaF.
Honte à ceux qui la dénigrent dans l’anonymat des réseaux sociaux. Ils sont faibles face à la force et la sincérité de son engagement.
Comme députée de la Nation, elle incarne ce qu'ils piétinent : l’esprit républicain qui ne laisse aucune place au racisme. https://t.co/Z5ceLzaX4D
— Parti socialiste (@partisocialiste) March 29, 2024
Le massacre du 17 octobre 1961 a été occulté pendant plusieurs décennies en France. Ce n’est qu’en 2012 que le président François Hollande a fait un premier geste fort, déclarant que « la République reconnaît avec lucidité ces faits ». Son successeur Emmanuel Macron a déposé une gerbe en 2021 sur l’un des lieux du massacre et a évoqué des « crimes […] inexcusables pour la République ». Toutefois, en 2023, le président Macron fait l’impasse sur la commémoration du massacre du 17 octobre 1961.
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