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Mohamed Megueddem, « la boite noire de la République », ne parlera plus

Mohamed Megueddem, « la boite noire de la République », ne parlera plus

La « boîte noire de la République », selon la formule qui lui a été consacrée par un confrère, ne parlera pas. Elle a été ensevelie derrière les portes de fer, là où naquit Mohamed Megueddem en 1941 et où il repose désormais auprès de son père et de sa mère.

L’ancien Directeur de l’information à la Présidence de la République est décédé vendredi à Nice, dans le sud de la France, retiré auprès de sa fille après une dégradation de sa santé.

« L’hadj » comme l’appellent la plupart de ses connaissances avait sa carte de résidence en France. À ce titre, il n’aurait donc pas bénéficié d’une prise en charge de la Sécurité sociale algérienne pour ses soins. Mais cela n’est qu’un détail dans la vie de celui qui fut une figure du pouvoir de l’ombre pendant des décennies.

Directeur de l’Information sous Chadli Bendjedid et chargé de mission à la Présidence entre 2004 et 2014, son influence dépassait de très loin ses attributions officielles. Au point que nombre de ministres, de diplomates, de walis, de hauts fonctionnaires lui sont redevables de leurs postes. « Il a fait et défait des carrières », assure un ancien ministre de l’Intérieur qui a eu maille à partir avec lui.

« Mohamed, il vaut mieux ne pas le connaître. Mais quand on le connaît on a intérêt à ne pas s’en faire un ennemi car c’en est fini de vous. Il peut vous élever et vous lâcher sans que vous sachez comment », confirme un ancien diplomate. Nombre de responsables lui attribuent la chute de feu Kasdi Merbah, le Premier chef du gouvernement nommé après les émeutes d’octobre 1988.

Jusqu’à son arrivée à la Direction de la Communication de l’ex-SNTV dans les années 70, subsiste une ombre sur sa carrière d’avant. Employé des impôts, selon certains, il revendiquait aussi un passage par l’ancienne SM dans les années 60 où il aurait connu le général Toufik à la caserne de Ghermoul, selon ses propres confidences. Il a toujours revendiqué une solide amitié avec le l’ancien patron du DRS.

Avec Abdelmadjid Aouchiche, Baghdadi Laalaouna et Brahim Chaïb-Cherif, il faisait partie du cercle influent des Bordjiens. Les premiers journalistes à faire sa connaissance l’ont rencontré à la SNTV. Après l’ancienne entreprise publique des Transports de voyageurs, il rejoignit le ministère de l’Intérieur sous l’autorité de Mohamed Benahmed Abdelghani, avant de le suivre au Premier ministère. Ce fut ensuite la Présidence de la République où l’homme  a progressivement pris une influence qui finit par le mettre en conflit avec le « Cardinal » Larbi Belkheir.

Avenant et charmeur, il avait su s’attirer les sympathies de tout le petit personnel de la Présidence à qui réglait les problèmes sociaux. Employés des écoutes, chauffeurs, gardiens, secrétaires, femmes de ménage étaient devenus ses protégés.

Mais surtout des sources qui avaient des renseignements utiles à fournir sur les plus hauts dignitaires du régime. Et que le manipulateur savait utiliser opportunément. Car tout mielleux et séducteur qu’il pouvait être, Megueddem  était aussi un effronté qui pouvait dégainer en public l’arme de l’humiliation, crachant le langage fleuri. C’est « le voyou de la République », disait de lui Said Sadi.

Pour de très nombreux journalistes nationaux et étrangers, c’était la source la plus précieuse. Et il se servait bien de son ascendant quitte, là aussi à régler, des problèmes sociaux et à se faire des obligés. Et des sources, en retour. Avec lui, des informations pouvaient filtrer à n’importe quel moment. Et il valait mieux rester dans ses grâces.

Au fil du temps, il a su tisser un réseau de relations parmi les plus hauts gradés de l’armée, les plus hauts fonctionnaires. Mais aussi dans les milieux d’affaires étatiques et privés, dans le sport. Et même dans les partis de l’opposition.

Même sans poste officiel dans les années 90, il avait gardé son influence. Pour autant, il n’avait pas pu échapper à une expulsion de Club des Pins, érigée en résidence officielle par Bélaïd Abdesselam qu’il a poursuivi de sa haine jusqu’au bout.

Quand le président Zeroual avait décidé d’abréger son mandat ouvrant la voie à l’élection d’Abbdelaziz Bouteflika, Megueddem avait essayé officiellement de promouvoir la candidature de Sid Ahmed Ghozali. Manipulation ?

Le mystère n’a fait que s’épaissir puisqu’il reviendra à la présidence comme chargé de mission. Dès lors, son obsession fut de prendre sa revanche sur Larbi Belkheir. Contre son gré, le « cardinal » fut nommé ambassadeur à Rabat.

Et Megueddem s’était chargé de préciser qu’il s’agissait bien d’une sanction et non d’une promotion pour renouer le contact avec le Maroc.

Malgré son influence, assurent certaines sources, Megueddem n’avait pas réalisé son rêve : celui de diriger la DGSN. C’est d’ailleurs sur cette institution que semble s’être brisée sa carrière en 2014.

 

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