Économie

Moissons en Algérie : une logistique artisanale

Au sud de Khenchela, au milieu de nulle part, telle une dune de sable, un énorme tas de blé. Tout autour, des hommes s’affairent. Il s’agit d’un point de collecte de l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC).

Il est destiné à recevoir le blé produit sous pivot d’irrigation. Un blé provenant d’exploitations parfois éloignées de plus de 50 kilomètres.

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Un pont bascule et un préfabriqué en plein désert

Ces dernières années, afin d’éviter aux agriculteurs du sud des déplacements sur de trop longues distances, l’OAIC, qui a le monopole sur les importations algériennes de céréales, a multiplié les points de collecte.

Dans les zones arides, la récolte a commencé fin avril et déjà les camions affluent vers ces points de collecte. Les véhicules passent sur un pont bascule puis déversent leur contenu à même le sol sur une aire bétonnée.

A peine débarrassés de leur chargement, ils retournent vers les champs selon un programme établi entre un coordinateur et les agriculteurs du coin.

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L’enjeu est de faire coïncider l’arrivée des moissonneuses-batteuses sur la parcelle à récolter avec les camions de collecte tout en tenant compte de l’impatience des agriculteurs à moissonner. Dans ces contrées arides, une tempête de sable peut tout compromettre.

Les instructions de la tutelle sont claires. Aussitôt réceptionnés, les volumes de blé collectés sont enregistrés au nom de l’exploitant et dans les 72 heures qui suivent son compte doit être crédité de la somme correspondante.

A raison de 6 000 DA le quintal de blé dur et d’une moyenne de 50 quintaux de blé par hectare, les exploitants se pressent pour recevoir les camions de l’OAIC ou ceux loués auprès de transporteurs privés. Puis, dès la récolte terminée, il s’agit de semer du maïs.

Un stockage rudimentaire en plein air

Sur les points de collecte, les tas de blé sont entourés d’un muret constitués de sacs de blé posés les uns sur les autres. Quand le ciel se couvre de nuages, des bâches sont disposées sur les tas contre les risques d’orage. Il s’agit d’un mode de stockage rudimentaire mais temporaire. En effet, d’autres camions viennent prendre livraison des précieux grains pour les transporter vers des silos en dur.

Les camions sont remplis à l’aide d’un matériel disparate : godet de rétro-chargeurs, vis sans fin ou suceuses à grains. En Algérie, si la filière céréales a connu des investissements dans le domaine des tracteurs et du matériel de récolte, rien n’a été prévu concernant ce type d’engins.

Aussi, les opérations peuvent prendre plusieurs heures et immobiliser les camions loués à la journée. Ici point de boisseaux de chargement tels ceux observés sur les quais du port d’Alger. Ces boisseaux qui ressemblent à de gigantesques entonnoirs métalliques sont remplis durant les temps mort et quand les camions se présentent, il suffit d’ouvrir la trappe pour remplir leur benne en quelques minutes.

Un personnel dévoué à sa tâche

Sur les points de collecte, les journées sont longues. Bien avant que les blés soient mûrs, il a fallu équiper les nouveaux points de collecte et réviser le matériel. Entièrement démontées, les vis sans fin ont fait l’objet d’inspections minutieuses. Parfois, il a fallu procéder à des soudures là où la tôle présentait des fissures.

Une fois la moisson lancée, les norias de camions sont incessantes. Les opérations de pesée sont assurées par le personnel administratif installé dans de simples préfabriqués.

A chaque camion arrivant sur le pont bascule, un cadran lumineux fixé sur la façade du préfabriqué permet d’afficher la pesée en même temps qu’elle s’affiche sur les écrans de contrôle du personnel technique.

Aussitôt vidé sur le sol, le chargement de blé est repris par des rétro-chargeurs et mis en attente sur une aire secondaire où des employés s’affairent autour de vis sans fin et de suceuses à grains. Les opérations se déroulent dans la chaleur et la poussière. Une poussière dont chacun tente de se protéger par un chèche de toile fine.

De nombreuses ruptures de charge dans la logistique

Tout au long de cette chaîne logistique qui se déroule sur des distances qui se comptent en centaines de kilomètres, les ruptures de charge sont nombreuses.

Dans les champs, en l’absence des camions, les moissonneuses-batteuses Sampo ne peuvent attendre. Elles déversent directement le blé récolté en bout de champs sur une simple bâche plastique disposée à même le sol.

A l’arrivée des camions, le blé est chargé puis transféré au niveau des plates-formes du point de collecte. Le blé est alors soit directement chargé sur un nouveau véhicule qui l’emmènera vers le silo en dur soit mis en attente sur la plate-forme secondaire.

Sur le point de collecte, la nuit est tombée. Seuls les phares des camions se présentant devant le pont bascule trouent l’obscurité. Dans le préfabriqué, devant leur écran d’ordinateur, imperturbables, les agents de l’Office algérien des céréales s’affairent pour enregistrer chaque nouvelle arrivée et préparer le programme de la journée à venir.

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