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Mondial 2018 : la Croatie, un exemple pour l’Algérie

Mondial 2018 : la Croatie, un exemple pour l’Algérie

La Croatie est en finale de la Coupe du monde de football et a même toutes les chances de soulever le trophée à l’issue du match de ce dimanche face à la France.

Peut-on parler de surprise ? À première vue, il s’agit en effet d’un exploit pour ce petit pays de 4,2 millions d’habitants et un territoire de 56 000 km².

Une nation qui, de surcroît, est de création récente (1991, après l’éclatement de l’ex-Yougoslavie) et a connu une terrible guerre civile il y a un peu plus de vingt ans seulement.

Mais en y voyant de plus près, on se rend compte que la Croatie n’est pas arrivée à ce stade par hasard. Son football s’inscrit dans la lignée de celui de l’ex-Yougoslavie, perfectionné grâce à une politique clairvoyante basée sur l’encadrement du vivier que constitue le football de rue et la canalisation de l’engouement de la population pour la discipline.

En Algérie aussi, l’engouement et la pâte existent, mais les résultats ne sont pas aussi reluisants. L’expérience croate peut-elle inspirer les responsables de notre football ?

Cela tombe bien, car la Fédération algérienne de football (FAF) tente en ce moment même de rappeler un coach issu lui aussi de l’ex-Yougoslavie, le Bosnien Vahid Halilhodzic. C’est avec ce dernier que l’équipe nationale a réalisé le meilleur résultat de son histoire en atteignant le deuxième tour de la Coupe du monde 2014.

C’est aussi avec un autre entraîneur yougoslave, Zdravko Rajkov, que l’Algérie a joué sa première finale de Coupe d’Afrique des nations en 1980. On prête même à ce dernier la paternité de l’équipe qui allait, deux ans plus tard, impressionner le monde en Espagne.

L’expérience malheureuse de Milovan Rajevac, limogé au bout d’un match nul face au Cameroun en 2016, ne saurait ternir l’excellente image laissée en Algérie par les techniciens issus de cette école qui semble parfaitement adaptée au style de jeu algérien.

Halilhodzic pourrait revenir, et il n’est pas exclu qu’il réalise d’aussi bons résultats que ceux de son premier passage. Mais pour tirer le meilleur des immenses potentialités du football algérien, qui présente certes des similitudes avec celui de l’ex-Yougoslavie, il faudra sans doute plus que le concours d’un seul technicien.

Un immense retard à combler

Il suffit de décortiquer le profil de la sélection actuelle de la Croatie pour se rendre vite compte de l’immense chantier qui attend les responsables du football algérien.

En effet, il n’y a rien de surprenant à ce que Modric et ses coéquipiers atteignent l’étape finale de la compétition sportive la plus prestigieuse de la planète.

Les Croates ne sont certes que dixièmes au classement des effectifs en présence en termes de valeur marchande, mais la majorité d’entre eux constituent des pièces maîtresses dans les plus grands clubs de la planète et certains viennent même de rafler les titres les plus prestigieux.

En mai dernier, Modric et Covacic étaient sacrés champions d’Europe avec le Real Madrid, Rakitic champion d’Espagne avec le FC Barcelone, Mandzukic champion d’Italie avec la Juventus. Le gardien Subasic joue à Monaco, Strinic à Naples, Lovren à Liverpool, Brosovic et Perisic à l’Inter de Milan…

Avec de tels noms, on se demande bien comment les pronostiqueurs avaient attendu sa nette victoire face à l’Argentine au premier tour (3-0) pour faire de la Croatie un favori pour le titre mondial.

La comparaison n’a pas lieu d’être. Ce n’est que depuis deux jours que l’Algérie compte un joueur dans un très grand club européen, en l’occurrence Mahrez qui vient de signer à Manchester City, en plus de Brahimi et Ghoulam qui évoluent dans des équipes un cran au dessous, Porto et Naples. Et encore, ce sont là des joueurs formés en France.

Une sélection qui ne sort pas du néant

On ne peut parler de surprise de la Croatie quand on sait que face à l’Angleterre mercredi, l’équipe au Damier jouait en fait sa deuxième demi-finale en 20 ans après celle perdue face à la France en 1998. L’histoire de la sélection croate en tant que telle est très courte mais jalonnée de prouesses.

Cette année-là, les coéquipiers de Davor Suker avaient créé la sensation en atteignant le dernier carré de la Coupe du monde quatre ans seulement après avoir joué leur premier match officiel, en 1994, dans le cadre des qualifications pour l’Euro 1996.

Première tentative, premier succès. Il est connu que les nations nouvellement créées arrivent dans le football en apprentis, celle de la Croatie est venue en mastodonte.

Ses prouesses sont juste incroyables. Participation à l’Euro et au Mondial dès la première tentative, présence régulière aux grands tournois, une demi-finale et une finale de coupe du monde en vingt ans et surtout un bond spectaculaire au classement de la Fifa dès les premières années de son existence (125e en 1994, 3e en 1999).

On aurait parlé de miracle si la sélection sortait du néant. En fait, même si la fédération nationale n’a intégré l’UEFA qu’en 1993, la pratique du football est ancrée dans l’ancienne province de l’ex-Yougoslavie, comptant aujourd’hui 1500 clubs et 150 000 footballeurs licenciés.

Certes, l’Algérie a aussi des traditions dans le football, mais, contrairement à la Croatie, la régularité n’est pas son point le plus fort, passant parfois sans transition du statut de mondialiste et d’ogre africain à celui de petit poucet qui n’arrive pas à se qualifier à la CAN.

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Le football de rue comme vecteur commun

« En Yougoslavie, quand on est gamin, si l’on veut se faire respecter, il vaut mieux être un bon joueur de foot. » La sentence est du célèbre réalisateur Emir Kusturica.

Si la Serbie a hérité officiellement du palmarès du football de l’ex-Yougoslavie, la Croatie, elle, en a repris les principales valeurs et points forts.

À la base, il y a le football de rue, comme au Brésil. Comme au pays de la Samba aussi, le football de l’ex-Yougoslavie est attrayant. La Croatie développe aujourd’hui le même jeu chatoyant qui a valu aux joueurs du pays de Tito le surnom de Brésiliens de l’Europe.

Mieux, les Croates ont su combler la brèche qui a fait que l’ex-Yougoslavie, en dépit du talent intrinsèque de ses joueurs, n’avait gagné qu’une médaille d’or olympique en 1960 : le manque de cohésion collective. En plus du talent de Modric et Rakitic, la Croatie a pu se hisser jusqu’en finale de ce Mondial russe grâce à une excellente organisation tactique, une solidarité sans faille et une grinta à toute épreuve même lorsque les joueurs sont émoussés physiquement.

La sélection est pour les Croates un moyen de l’affirmation de leur identité et le ciment de l’unité nationale et on le voit bien à chaque match, dans les tribunes à travers l’engouement des supporters qui frise parfois le chauvinisme, et sur le rectangle vert avec la hargne de Mandzukic & Co.

C’est dans ces aspects qu’on trouve le plus de similitudes entre le football algérien et celui des Balkans. Engouement des enfants pour le jeu dans les espaces publics dès leur jeune âge, jeu vif et chatoyant, attachement de la population à son équipe nationale…

Cela dit, pour le football de rue, il ne se pratique plus comme par le passé dans les villes algériennes, faute d’espaces. Mais le problème peut bien être surmonté en dégageant des espaces dédiés à cette pratique partout où cela est possible.

Des carences transformées en opportunités

Si la Croatie fait aujourd’hui partie du gotha mondial, c’est aussi parce qu’elle a réussi à placer plusieurs de ses joueurs dans les plus grands clubs européens, quoique cela n’a rien de nouveau puisque Davor Suker et Zvonimir Boban étaient déjà au Real Madrid et au Milan AC dans les années 1990.

Les dirigeants du football de ce pays ont su en fait faire d’une carence une opportunité en ce sens que le manque de ressources financières a incité les clubs, même les célèbres Dinamo Zagreb et Hjduk Split, à miser sur la formation du vivier qu’offre le football de rue pour revendre ensuite des pépites aux grosses écuries européennes.

Le transfert de joueurs est aujourd’hui la principale source de revenus pour les clubs croates qui, même s’ils ne brillent pas en compétitions continentales, leur sélection le fait et de fort belle manière sur la scène mondiale.

Soit tout le contraire des clubs algériens qui ont fait de la formation le parent pauvre de leur gestion. Pour eux, les fonds ne peuvent venir que des pouvoirs publics. Quand à leur destination, c’est souvent l’achat de « grands » joueurs pour « jouer les premiers rôles »…

L’homme qu’il faut…

Autre facteur de la réussite croate, la présence à la tête de la Fédération d’un homme qui maîtrise parfaitement son sujet : Davor Suker, l’un des plus grands footballeurs de l’histoire du pays, meilleur buteur du Mondial 1998.

Si la sélection est là où elle est aujourd’hui, elle le doit d’ailleurs à un coup de génie de Suker. En octobre dernier, la Croatie était en danger dans son groupe de qualifications pour l’actuel Mondial et il ne restait que la place de barragiste à espérer.

Le président de la Fédération décide alors, à quelques heures d’un match décisif en Ukraine, de remplacer le sélectionneur Ante Cacic par Zlatco Dalic, un coach de 51 ans dont la carrière se limite pourtant à quelques expériences dans les pays du Golfe. La suite, tout le monde la connaît. Le bon flair du footballeur…

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