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Mustapha Mekidèche : « L’endettement extérieur est inévitable »

Mustapha Mekidèche : « L’endettement extérieur est inévitable »

L’économiste Mustapha Mekidèche analyse la situation économique actuelle.

La situation économique de l’Algérie semble de plus en plus inquiétante avec une mauvaise conjoncture pétrolière et une chute sensible des réserves de change, désormais sous la barre des 80 milliards de dollars. Que faut-il faire pour affronter cette situation et éviter l’effondrement ?

Ces grandes tendances étaient prévisibles, en intérieur et en extérieur. Il n’y a pas d’élément nouveau qui peut être source supplémentaire de crainte. On aurait souhaité que pour éviter plus de pression sur la balance de payements – c’est d’ailleurs le souhait de l’Opep- le prix du baril de pétrole soit de 70 dollars. On aurait eu moins de contraintes sur les équilibres extérieurs. Le prix du brut descend à un niveau important (61 dollars ce jeudi 6 juin 2019 pour le Sahara Blend algérien), ce qui va accélérer le processus de recours et de consommation des réserves de change (79,8 milliards de dollars fin décembre 2018), mais globalement on reste sur deux à trois ans (d’importation). Par conséquence, il va falloir, comme première préoccupation, allumer d’autres moteurs de croissance. Structurellement, on n’y échappera pas. Cela dit, on peut faire des économies.

Comment ?

En limitant le gaspillage et en introduisant des réformes sur le plan de la consommation d’un certain nombre de produits dont les prix administrés ne représentent pas la valeur réelle. Cela peut être une solution, mais la solution structurelle est de relancer la croissance en termes d’investissement et de développement d’un secteur privé qui ne doit pas biberonné à la rente ou qui est attaché à la proximité du pouvoir politique pour faire plus d’argent. Le secteur privé doit être dans la compétition et offrir des biens et des services concurrentiels. Si la transition politique est courte et si un pouvoir légitime se met en place, avec des percées démocratiques, cette solution peut être adoptée et on peut, à moyen terme, être optimiste.

Qu’en est-il pour le court terme ?

On doit naviguer avec prudence en termes de financement du déficit budgétaire, changer de scénario pour aller sur le marché financier international. Il ne faut pas attendre qu’on ait zéro réserve de change pour aller vers ce marché.

Autrement dit, l’endettement extérieur…

Oui. Je pense que l’endettement extérieur est inévitable. Même si on allume d’autres moteurs de la croissance, les entrées en devises ne seront pas suffisantes pour prendre en charge les besoins du pays. Cette option est, à mon avis, incontournable. On peut avoir des projets créateurs de devises, c’est-à-dire aller vers des investissements dont une partie significative est exportée, ce n’est pas le cas jusqu’à maintenant en dehors des projets qui sont dans le secteur de l’énergie ou des phosphates, comme ce fut le cas dernièrement. Par exemple, pour l’industrie automobile, le business model actuel ne tient pas la route parce qu’on s’est contenté d’importation de kits sans aucune exportation. L’équilibre en devises sur cette activité ne peut pas être réalisé sur les cinq ou les dix prochaines années. Il faut donc attendre dix ans pour qu’on puisse exporter d’une manière significative. Je pense qu’il est nécessaire de réexaminer toutes ces politiques sectorielles à l’aune des contraintes de plus en plus importantes qui vont peser sur nos équilibres intérieurs et extérieurs.

Quel est l’impact de la création monétaire (planche à billets) sur ces équilibres et sur l’économie nationale ?

Il faut dire que jusque-là, contrairement à ce qu’ont prédit certains analystes, commentateurs et responsables politiques, il n’y a pas eu d’hyperinflation ou d’inflation à trois chiffres. La bonne nouvelle est qu’on est au-dessous de 5% d’inflation, mais il va falloir limiter le recours ou cesser la création monétaire. Tout dépend de la manière dont on va financer les déficits budgétaires ultérieurs, de l’exercice 2019-2021. On doit réfléchir maintenant aux réformes à mettre en place que le pouvoir légitime, accepté démocratiquement, aura à expliquer d’une manière précise à l’opinion publique. Sur le court terme, ces reformes vont poser des problèmes, mais sur le moyen et long terme, elles constituent la seule issue possible pour une diversification vertueuse de l’économie nationale. Plus la transition est courte, plus c’est mieux. Compte tenu des enjeux électoraux futurs, les forces politiques qui veulent émerger sur la scène nationale ne vont pas tenir un discours favorable à l’austérité ou à une politique économique tenant compte des réalités actuelles. C’est pour cela que la situation est difficile.

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