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Nationalisation des hydrocarbures : le rôle clé d’un espion algérien

Nationalisation des hydrocarbures : le rôle clé d’un espion algérien

Le 24 février 1971, le président Houari Boumediene annonce dans un discours devant l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA) la décision de l’Algérie de nationaliser ses hydrocarbures.

La nationalisation des hydrocarbures n’aurait pas été possible sans le travail de l’ombre effectué par Rachid Thabti, un agent secret enrôlé par les services de renseignements algériens dont le portrait est tracé par le site libanais Raseef 22. Un article repéré par Courrier international.

Grâce aux renseignements précieux fournis par Rachid Thabti, la délégation algérienne chargée de mener les discussions avec son homologue française a pu négocier en position de force car elle disposait d’éléments secrets provenant des coulisses même de l’État français.

Rachid Thabti s’est vu confier la mission d’infiltrer la partie française. C’est en usant de son charisme, de son charme et de ses talents de séducteur que celui qu’on appelle le James Bond algérien a pu se procurer des éléments clé qui ont permis finalement à l’Algérie d’asseoir sa souveraineté sur ses hydrocarbures, et ce neuf ans après son indépendance.

Né à Constantine en 1930, Rachid Thabti quitte l’Algérie pour la France pour poursuivre ses études secondaires chez son oncle Hus­sein Belaloufi.

À 20 ans, il obtient le baccalauréat et intègre le département de droit à l’université de Paris.

Le jeune homme décroche une licence en droit ainsi qu’un diplôme de l’Institut des études politiques à Paris avant d’obtenir un autre diplôme de l’Institut des études internationales de la capitale française au début des années 60.

Rachid Thabti : un homme, plusieurs vies

Rachid Thabti a fait aussi de la boxe. En 1953, il est sacré champion de France universitaire avant de décrocher le critérium amateur pour la saison 1954-1955.

L’homme aux multiples facettes a travaillé comme professeur d’éducation physique au lycée Albert Camus de Courbevoie en proche banlieue ouest de Paris.

Ses attributs physiques lui ouvrent les portes du cinéma. Rachid Thabti joue des seconds rôles et officie comme cascadeur dans plusieurs films français et américains.

S’exprimant dans cinq langues (l’arabe, le français, l’anglais, l’allemand et l’espagnol), c’est avec une certaine aisance qu’il fréquente les salons parisiens où il tisse des liens avec des hommes politiques, ainsi que des personnalités artistiques de renommée.

En 1964, il rejoint l’ambassade d’Algérie à Paris où il travaille comme secrétaire de l’ambassadeur Boualem Moussaoui avant d’être muté vers le ministère des Affaires étrangères à Alger.

Atteint d’asthme, Rachid Thabti renonce à son poste à Alger, il ne supporte pas le climat, et retourne à Paris d’où il informe le ministre des Affaires étrangères Abdelaziz Bouteflika qu’il est disposé à fournir des informations secrètes sur les relations économiques algéro-françaises. Enrôlé par les services algériens, il se fait passer pour un riche prince de l’île de Marmara en Turquie ayant des biens un peu partout dans le monde.

Riche, beau, charmeur, Rachid Thabti dans la peau du prince avait tout pour séduire la gent féminine. Il réussit à faire tomber sous son charme Béatrice Halegua, secrétaire du chef de la délégation française des négociations sur les hydrocarbures Jean Pierre Brunet.

Rachid Thabti : le charme au service de la patrie

Amoureuse de ce qu’elle croit être un prince avec lequel elle vit dans un luxueux appartement du 16e arrondissement de Paris, la jeune femme se confie à Rachid Thabti, qui en profite pour tisser sa toile d’espion jusqu’à l’Élysée.

Le Raafat Al-Haggan algérien se procure plus de 4000 documents contenant des informations de haute importance qui ont pu être exploitées dans les négociations sur les hydrocarbures avec la France.

« Nous avons eu la nette impression du côté français que les instructions secrètes de Paris étaient connues du partenaire algérien avant même que nous nous asseyions autour de la table ronde », a confié l’avocat Jean Louis Tixier-Vignancour cité par Noureddine Khelassi dans un article sur Rachid Thabti publié par The Independant en janvier 2021.

La Direction de surveillance du territoire (DST), service de renseignement français, finit par découvrir d’une façon anonyme le cheval de Troie qu’était Béatrice Halegua suite à des écoutes par le biais de micro dissimulés dans le bureau du Jean Pierre Brunet chef de la délégation française dans les négociations sur les hydrocarbures avec l’Algérie.

Rachid Thabti est démasqué puis condamné et incarcéré en France. Il retrouve la liberté suite à un échange de détenus entre l’Algérie et la France en 1973, selon Echorouk Online qui avait annoncé en 2011 la nouvelle de son décès survenu deux ans plus tôt presque dans l’anonymat.

En effet, après sa carrière d’espion, Rachid Thabti a travaillé comme avocat à Alger et a vécu dans l’anonymat total à El Biar sur les hauteurs d’Alger jusqu’à sa mort en 2009.

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