Économie

« Notre premier problème est la dégringolade continue de la production d’hydrocarbures »

L’Algérie a un nouveau gouvernement depuis mardi, après le remaniement effectué par le président Abdelmadjid Tebboune. Parmi les changements opérés figure la création d’un ministère dédié aux Energies renouvelables et à la Transition énergétique, et la désignation d’Abdelmadjid Attar à la tête du ministère de l’Énergie. Dans cet entretien, le Dr Mohamed Saïd Beghoul analyse ces deux décisions.

Que pensez-vous de la création d’un ministère dédié aux Energies renouvelables (EnR) et la Transition énergétique ?

Dr Mohamed Saïd Beghoul, expert énergétique, ancien cadre à la Sonatrach et consultant : C’es une très bonne chose. Il y a une année, je disais que pour développer les énergies renouvelables (EnR) et la transition énergétique il serait intéressant de créer un ministère spécifique et voilà qui est fait ! C’est la seule manière de centraliser les compétences dans le domaine, car, jusqu’ici elles existent mais sont un peu éparses, ce qui génère des chevauchements de tâches. Il y a déjà le commissariat aux EnR et à l’efficacité énergétique, créé tout récemment et je crois que si l’État met la patte, tout ira pour le mieux.

Pr Chems-Eddine Chitour a été nommé à la tête dudit ministère. Que pensez-vous de son profil ?  

Le professeur Chitour est connu pour ses qualifications scientifiques et avant d’être ministre, il a toujours milité pour la transition énergétique et les EnR. Je crois qu’il a, maintenant, les mains libres, espérons-le, pour mettre en application ses idées et ses visions, pour peu, encore une fois, que l’État algérien fasse preuve de volonté politique. C’est ce qui a toujours fait défaut malgré l’existence de moyens humains de qualité. 

Quel est le signal envoyé à travers la création d’un ministère dédié aux EnR ?

Le signal envoyé à travers la création du ministère de la Transition énergétique paraît facile à décrypter. Depuis 2011, on ne fait que traîner la patte dans ce domaine. Réaliser 22 GW entre 2015 et 2030 était une ambition démesurée. Moins de 400 MW ont été réalisés jusqu’ici. On change d’objectifs, de stratégie, voire de partenaire, etc.,  mais on ne voit pas de résultats.

La création de ce nouveau ministère semble constituer un défi, celui de dire « arrêtons le bricolage et passons sérieusement à l’action ». Ce ministère va certainement avoir un nouveau business plan plus concret, centralisé, avec des « contrats de performance et obligations de résultats  ». Il y aura moins d’interférence de prérogatives comme c’est le cas aujourd’hui. Quand les responsabilités sont situées, personne n’a la possibilité de se cacher derrière l’autre. Espérons que cette création va pouvoir développer les EnR au moins pour retirer un peu le gaz naturel de notre mix électrique qu’il contrôle à 98%. Ce ministère veut aussi signifier que l’énergie, ce n’est pas uniquement du fossile.

Le départ de Mohamed Arkab du ministère de l’Énergie est-il un échec pour lui ?

Notre secteur de l’énergie agonise depuis plus d’une décennie. Là, personne ne peut le nier. Notre premier problème est la dégringolade continue de la production d’environ 18 à 20% depuis 2008. Augmenter la production du jour au lendemain n’est pas chose aisée, voire impossible. Il faut du temps. Les premiers responsables du secteur (ministre et PDG de Sonatrach) ont à chaque fois été instruits pour hisser la production mais cette dernière poursuit sa descente. Je ne pense pas que M. Arkab ait été remplacé à cause de ça ou à cause de la question énergétique dans son ensemble. On ne peut pas changer un entraîneur dès la première défaite. Il faut du temps pour observer, faire un état des lieux, comprendre les problèmes, avant de passer à l’action.

Que pensez-vous de la nomination d’Abdelmadjid Attar à la tête du secteur de l’Énergie ?

Quant à la nomination de M. Attar comme nouveau ministre de l’Énergie, je trouve, aussi, que c’est un très bon choix. Il connaît assez et même très bien le domaine, et cela va lui permettre de gagner du temps et passer à l’action sans trop chercher à connaître d’abord l’état des lieux, comme c’est le cas pour un ministre de l’Énergie qui vient d’une autre activité, même relevant du même secteur (avant de devenir ministre de l’Énergie, M. Arkab était PDG de la Sonelgaz, Ndlr). M. Attar, j’en suis convaincu, va prendre très au sérieux le volet hydrocarbures dont la réhabilitation de nos gisements géants mais en déplétion précoce. D’autant plus que le ministère de l’Énergie va se décharger, un tant soit peu, des tâches relatives aux EnR.

M. Attar est-il l’homme de la situation ?

Oui, Attar est l’homme de la situation. Mais je précise : à mon sens sa mission première c’est la réhabilitation de nos gisements, c’est-à-dire les hydrocarbures existants exploitables. Quant à l’autre volet, celui de la loi, l’exploration, les nouvelles découvertes… ça reste important mais avec un plus haut risque comparé à la réhabilitation des gisements qui nous font vivre mais qui sont « malades » à leur tour. Il faut les soigner en urgence.

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