Économie

« Nous avons enregistré près de 150.000 emplois perdus dans le BTP »

Le président de l’Association générale des entrepreneurs algériens (AGEA), Mouloud Khelloufi, dresse un tableau noir de la situation du secteur du BTP en Algérie.

Quelle est la situation des entreprises du BTP dans le contexte de la crise sanitaire liée à la Covid-19 ?   

Elle est gelée, et le taux de mortalité des entreprises a augmenté puisque 80 % de nos 1.700 adhérents (intervenants dans le BTPH, fabricants de matériaux de construction, sous-traitants dans les travaux d’hydrauliques…) ont fermé leurs entreprises après avoir fait faillite, et ce depuis le début de la crise sanitaire de la Covid.

Suite à quoi, nous avons enregistré à peu près 150.000 emplois perdus sur tout le secteur. Nous avons pour notre part fait ce qu’il fallait en faveur du dialogue social et économique.

Nous avons tout fait pour proposer pour ne pas en arriver là. Malheureusement, la crise sanitaire a été véritablement agressive et nos entreprises ne s’attendaient pas à cette ampleur. Je dois rappeler que des membres de notre bureau national sont morts à cause du Covid.

Nous avons déclaré l’année 2020 comme « année blanche en matière d’adhésion » à cause de la crise sanitaire.

La situation sanitaire en Algérie s’est nettement améliorée ces derniers mois. Les choses ont-elles changé pour vous ?

Nous attendrons la fin du mois de ramadan pour tirer les conclusions de cette double crise sanitaire et économique. Si on doit faire un état des lieux, ce n’est pas aujourd’hui.

On est en pleine crise, et il n’y a pas de solutions qu’on peut apporter maintenant du fait que tous les indicateurs sont au rouge : l’épidémie est toujours là et la crise aussi.

Il faut être réaliste et le rester. Avec le gouvernement, on doit essayer de mettre en place des commissions de soutien direct pour l’emploi et les entreprises.

Car on doit sauver ces entreprises, en les sauvant on préservera les emplois. Le problème est le suivant : comment sauver les entreprises et ainsi les emplois ?

| Lire aussi : La Banque d’Algérie reconduit les mesures en faveur des entreprises impactées par le Covid-19

Par rapport aux créances impayées, où en est la situation ? 

Comme je l’ai dit, on ne peut pas analyser la situation actuellement, parce qu’on est en pleine crise. La mortalité des entreprises a augmenté. Les informations en provenance des entreprises adhérentes à l’AGEA ou non adhérentes ne nous parviennent pas.

Le bureau national fonctionne à 20 % de ses capacités. Les entreprises aussi sont en train de gérer leurs affaires pour pouvoir rester en vie et elles ne veulent pas s’aventurer sur des projets à long terme.

La visibilité n’y est pas. On ne sait pas quoi faire. Je pense qu’il faut convoquer une table ronde pour discuter et essayer de trouver des solutions aux problèmes qui se posent.

Le premier est comment sauver les entreprises et les emplois restants. Le second est de régler les contentieux des entreprises afin d’essayer de remettre à flot quelques entreprises, notamment celles qui ont un savoir-faire et de l’expertise qui doivent être récupérés.

Vous avez appelé à une amnistie fiscale et parafiscale pour les entreprises du secteur. Avez-vous été entendu ?

En 2019 nous avons dit qu’en 2020 il fallait décréter une amnistie fiscale générale pour l’exercice 2019/2020. Aujourd’hui que des chefs d’entreprise sont décédés et les employés ont été licenciés, personne ne sort gagnant !

Il n’y a pas eu de retour de la part du gouvernement ?

Le gouvernement a essayé de gérer, même tardivement, en adoptant certaines mesures dans la Loi de finance 2020 pour calmer la situation vis-à-vis des entreprises sur le volet du non remboursement des crédits bancaires, la mise en place d’un calendrier de tout ce qui est charges fiscales et parafiscales, etc. Or, c’est insuffisant.

Avez-vous pu relancer certains de vos projets ?

Pour nous, la reprise va être après le Ramadan. Nous installerons deux commissions, une technique et l’autre de soutien aux entreprises.

Les deux commissions travailleront pour connaître tous les problèmes de l’ensemble des entreprises déjà fermées. L’urgence pour nous ce sont les entreprises qui ont fermé parce que cela signifie qu’il y a des emplois perdus.

N’avez-vous pas bénéficié d’aides dans la cadre du dispositif mis en place par l’État pour atténuer l’impact de la crise sanitaire sur les entreprises ? 

Je vais être correct et réaliste. Toutes les décisions du gouvernement depuis plus de 30 ans sont bien fondées mais leur application sur le terrain ont accusé des retards qui ont engendré des problèmes et des pertes d’entreprises.

Nous avons tenu des séances de travail avec le gouvernement, avec le Premier ministre en juillet 2020 et avec le président de la République le mois d’août 2020.

Ils ont une idée de la situation mais les décisions du président pour la mise en place d’un cadre juridique prennent du temps, de même que les textes d’application. Une fois les textes d’applications publiés, leur application au niveau national et local traîne dans le temps…

| Lire aussi : « L’Algérie doit lancer en urgence un plan anti-récession »

Les plus lus