Économie

Nouveau changement à la tête de Sonatrach : Hakkar est-il l’homme de la situation ?

Tewfik Hakkar a été nommé mercredi 5 février, PDG de Sonatrach, en remplacement de Kamel Eddine Chikhi.

Comment expliquez-vous ce énième changement à la tête de la Sonatrach ?

Saïd Beghoul, expert pétrolier : Les changements de PDG n’est pas une bonne chose. Un PDG doit au moins avoir le temps, 4 ou 5 ans, pour qu’il fasse son travail. Deux mois à peine on a encore changé de PDG, c’est mauvais pour la stabilité de l’entreprise. Chez nous, les projets ne dépendent pas d’une stratégie mais d’une personne et tout dépend du PDG en place. Chacun a ses propres projets. Lorsqu’il quitte son poste, les projets vont être ralentis ou bien suspendus. Des changements fréquents et rapides comme ceux-là ne sont pas bons.

Ce n’est pas bon pour l’entreprise, et aussi pour ses projets…

Bien entendu. Il y avait pas mal de projets initiés par l’ancien PDG Ould Kaddour dans le cadre de sa stratégie SH2030. Que deviendra cette stratégie ? Il y a eu Hachichi (Rachid) qui est venu avec ses propres projets puis, une fois parti, est venu (Kamel Eddine) Chikhi…les projets chez nous, c’est malheureux de le dire, ce sont des projets d’hommes. Chacun a sa vision. Je le répète, ces changements ce n’est pas bon pour l’entreprise.

Justement, l’instabilité est préjudiciable pour la Sonatrach, notamment vis-à-vis des partenaires étrangers ?

La stabilité est nécessaire. On ne peut pas avancer si on change à chaque fois un PDG, un ministre ou tout un gouvernement… il faut que les gens puissent travailler pendant 4 ou 5 ans sur les projets, car ils sont motivés. Mais ces responsables qui viennent savent bien qu’ils sont ici pour quelque temps et puis vont être remerciés. Cela n’encourage pas de prendre des initiatives. Si quelqu’un est persuadé qu’il va rester 5 ans, je suis sûr qu’il va travailler. L’instabilité fait que les projets vont non seulement souffrir mais aussi la vision diffère d’un PDG à un autre. Les projets ne vont pas être menés de façon constante, et il y aura l’absence de continuité.

D’un autre côté, les partenaires ne souhaitent qu’une chose : la stabilité. Ils sont moins enclins à s’engager quand il y a des changements fréquents. « Maintenant on est d’accord avec celui-là, qu’allons-nous faire avec l’autre », se disent-ils. Ils ont peur que les choses changent avec le changement de PDG. Il n’y a pas uniquement la loi.

Selon vous, qu’est-ce qui pourrait expliquer le dernier changement à la tête de Sonatrach et que sait-on de son profil ? Est-il l’homme de la situation ?

Je pense que c’est à cause de la loi (sur les hydrocarbures). Le nouveau PDG a beaucoup travaillé sur cette loi et l’a défendue. Et comme il est du département marketing (M. Hakkar était vice-président Business Development et marketing de Sonatrach, Ndlr), peut-être qu’on s’est dit qu’il valait mieux avoir quelqu’un du marketing parce que nous avons un domaine minier à promouvoir que d’avoir un technicien. Cela reste une hypothèse. Les étrangers ont tendance à préférer avoir à la Sonatrach un vis-à-vis qui soit plus ou moins manager dans le marketing. Et la loi sur les hydrocarbures va dans ce sens. Sa nomination a donc un rapport avec les objectifs et les ambitions de la loi. Ces ambitions consistent à attirer des partenaires. Ayant travaillé sur la loi (Il avait dirigé le groupe de travail, chargé de l’élaboration de la nouvelle loi sur les hydrocarbures), il a une maîtrise des textes. Il y a lieu de signaler que le 5e appel d’offres pourrait être lancé au courant 2020 et pour le lancer il y a peut-être des critères qu’il faut respecter et particulièrement un PDG qui soit bien imprégné des textes de la loi. Et Hakkar a été l’un de ses architectes de cette loi. C’est peut-être pour cette raison qu’il a été nommé à la tête de la Sonatrach, afin de faciliter les discussions avec les partenaires. Il ne s’agit pas de présenter le domaine minier aux partenaires qui le connaissent déjà. Ce qu’il faut c’est de les convaincre d’investir. Il faudra avoir un langage autre que technique. Il faut donc un travail de marketing.

British Petroleum (BP) veut vendre sa part dans l’usine de gaz naturel d’In Amenas. D’autres grands groupes pétroliers ont pris les mêmes décisions auparavant. Comment vous expliquez ces désengagements ?

En fait, lorsque les majors décident c’est suivant des priorités. Si par exemple dans un pays ils disposent des assets (actifs) qui ne les intéressent plus économiquement, ils n’hésitent pas pour les mettre en vente. (Dans le cas de BP) il est possible qu’ils aient trouvé mieux ailleurs. Il faut savoir que BP était déficitaire l’année passée. Son chiffre d’affaires a beaucoup diminué. Peut-être qu’ils vont vendre dans d’autres régions du monde, pas uniquement en Algérie. Je pense qu’ils sont en train de réduire les investissements qui ne sont pas rentables.

Les plus lus