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Octobre, promesses non tenues

Octobre, promesses non tenues

Révolte d’une jeunesse pour crier sa mal vie, émeutes du pain dans une conjoncture économique difficile, prise de conscience d’une société qui aspirait à plus de liberté ou vulgaire manigance orchestrée par le pouvoir en place pour exécuter un agenda politique ?

Beaucoup a été dit à propos des événements du 5 octobre 1988 et, trente ans après, le sujet divise toujours. Quand, bien sûr, il est évoqué. Car d’année en année, octobre s’éloigne, s’oublie et se réduit à un souvenir de plus en plus vague.

Les acteurs de l’époque n’apportent plus leur témoignage et les historiens ne se sont jamais sérieusement penchés sur cet épisode. On n’entend presque plus la voix des victimes, pourtant nombreuses, ni celle de la société civile et des partis de l’opposition qui doivent leur existence même à ces événements douloureux. En un mot comme en mille, l’évocation d’octobre n’emballe plus. Est-ce à cause de ses promesses non tenues, de la déception qui a suivi l’immense espoir qu’il a suscité ?

Trois décennies après, on ne sait toujours presque rien des tenants et aboutissants de ces événements ni des motivations des jeunes émeutiers ou des instigateurs, s’il y en avait, comme le soutiennent les adeptes de la théorie du complot. On sait en revanche que cette date importante de l’histoire contemporaine du pays fut accompagnée d’un immense espoir, celui de la construction d’une société égalitaire, d’une république démocratique et d’un État de droit. Un vieux projet en fait qui remonte au mouvement national et à la guerre de Libération, mais à chaque fois différé par les vicissitudes de la politique et les ambitions personnelles.

Au lendemain d’octobre 1988, le rêve est déterré et les Algériens y ont cru très fortement. La Constitution adoptée en février 1989 a ouvert la voie à une nouvelle ère. Presse indépendante, multipartisme, élections libres, liberté d’association et de rassemblement, tous les outils d’une démocratisation véritable de la vie nationale avaient été mis en place dans les mois qui avaient suivi les émeutes et le pays donnait l’impression de s’être enfin engagé irréversiblement dans la bonne voie. Jusqu’à ce que cette belle parenthèse se referme brutalement pour laisser place à une autre, sanglante et cauchemardesque. Et surtout fatale pour les immenses acquis d’octobre.

C’est à cette période noire que remontent les premières salves contre la presse, les partis d’opposition et les voix récalcitrantes de la société civile. Le terrorisme finira par disparaître, mais pas les pratiques liberticides qu’il a un temps justifiées. 30 ans après octobre, l’Algérie n’a pas beaucoup évolué en matière de respect des droits de l’Homme et des libertés individuelles, d’alternance au pouvoir, de liberté de la presse, d’expression et de rassemblement. Comme dans les années 1980, le FLN domine aujourd’hui la vie politique nationale même s’il n’est plus seul sur la scène, et les Algériens n’ont toujours pas le droit de manifester pacifiquement dans leur capitale.

Les médias publics portent une seule voix, celle du maître du moment et la presse indépendante, quand elle l’est vraiment, est étouffée financièrement par un ignoble chantage à la publicité. Des blogueurs et des lanceurs d’alerte croupissent en prison pour des accusations souvent fallacieuses. L’alternance au pouvoir est un vain mot, le Parlement une chambre d’enregistrement. La Constitution est amendée au gré des agendas, voire des humeurs.

Non, octobre n’a pas tenu ses promesses et ceux qui parlent aujourd’hui de régression n’exagèrent sans doute pas. Quant à ceux qui croient encore au complot, ils affabulent peut-être, mais il est tout de même curieux de constater que, trente ans après, la seule « avancée » sur laquelle le régime n’a pas reculé, c’est le changement de modèle économique. Un changement qui a surtout permis de légaliser les fortunes cachées durant la période socialiste.

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