Économie

Pourquoi l’Algérie est à la traîne dans les énergies renouvelables

Le programme algérien des énergies renouvelables accuse un retard important en dépit de la volonté politique affichée au cours des dernières années.

Tewfik Hasni, un ancien vice-président de Sonatrach et ex-PDG de Neal, la  filiale commune  de Sonatrach et Sonelgaz dans le domaine des énergies renouvelables, est venu le rappeler hier mercredi sur le plateau de TSA Direct. Il est  depuis de nombreuses  années l’avocat infatigable de l’option de l’énergie solaire.

Tewfik Hasni commence par rappeler que le gouvernement algérien  a annoncé dès 2011 un programme colossal de développement  des énergies renouvelables,  révisé à la hausse en 2015 , et qui devrait permettre de produire la quantité considérable de 22.000 MW en 2030.

Un  programme qui a même été érigé en «  priorité nationale »par un célèbre Conseil des ministres réuni en février 2016 sous la présidence du Chef de l’État.

Le problème c’est que « ce programme est malheureusement aujourd’hui très en retard avec des projets d’une capacité totale de 350 MW qui sont en cours d’achèvement soit moins de 2%  du programme annoncé ».

Un programme qui souffre aussi selon Tewfik Hasni d’une « focalisation excessive sur le photovoltaïque »  avec des centrales qui « sont équipées avec des panneaux importés de Chine ».

Un programme « mal cerné ».

Selon cet expert, le programme algérien des énergies renouvelables souffre d’abord du fait d’avoir été « mal cerné ». « Notre véritable point fort et notre vrai avantage comparatif  c’est le solaire thermique », martèle  Tewfik Hasni qui  rappelle que l’ « espace saharien est l’un des seuls au monde à permettre la mise en œuvre d’une telle solution pour la génération électrique ».

L’ancien PDG de Neal  livre quelques repères chiffrés sur le coût économique des différentes solutions disponibles et évoquées par les pouvoirs publics algériens au cours des dernières années.

Selon les estimations de Tewfik Hasni, la production d’électricité par le solaire thermique serait d’ores et déjà l’option la moins coûteuse.   Les coûts de production de l’électricité produite à partir du solaire thermique sont en baisse sensible au cours des dernières années et Tewfik Hasni évoque un prix du KW/ heure de moins de 7 centimes de dollar (environ 8 dinars ) dans les derniers projets mis en œuvre au Moyen Orient.

Des coûts de production, qui se comparent donc très favorablement à ceux de 12 dinars annoncés récemment par Sonelgaz pour la production d’électricité à partir du gaz conventionnel.

Le monopole de Sonelgaz remis en question 

Comme Beaucoup d’experts algériens,Tewfik Hasni  ne comprends pas qu’on ait confié pendant longtemps dans ce domaine un monopole de fait à Sonelgaz «  alors que la loi a consacré l’ouverture du secteur à l’ensemble des acteurs algériens ».

Il se félicite donc de la décision toute récente annoncée par le PDG de Sonatrach, Abdelmoumène Ould Kaddour, de «  s’impliquer dans le développement du renouvelable à l’image de ce que font toutes les grandes compagnies internationales ».

Sonatrach  devrait lancer un ambitieux programme de production d’énergie solaire d’une capacité de 1700 MW à l’horizon 2030. Il est destiné à se substituer progressivement à l’autoconsommation de sa production d’énergie fossile en alimentant l’ensemble de ses sites en énergie solaire.

Tewfik Hasni estime que l’économie de ressources en hydrocarbures ainsi réalisée pourrait atteindre le montant très significatif de 20% de la production de la compagnie publique en réglant au passage le problème, évoqué depuis plusieurs  décennies,  du « torchage »  des ressources gazières.

Les appels d’offres toujours en stand by.

En dépit de ces avancées récentes, on est encore loin du compte et l’expert algérien s’inquiète en particulier de l’absence de suite donnée par les pouvoirs publics au projet d’appel d’offre pour la production d’une première tranche de 4500 MW. Ce projet annoncé voici maintenant plus de 18 mois parait aujourd’hui complètement gelé.

Tewfik Hasni n’a pas beaucoup de doutes à ce sujet .Les appels d’offres n’ont pas été lancés parce que les conditions de leur réussite ne sont pas réunies et que les pouvoirs publics algériens veulent éviter un nouvel échec.

L’expert algérien considère dans ce domaine «  la prise en considération et la levée des risques de marché et des contraintes juridiques et  administratives comme des préalables ».

Il énumère une longue liste de contraintes qui risquent de constituer des obstacles insurmontables pour l’implication des investisseurs internationaux dans le programme algérien.

Au premier rang de ces obstacles figure l’obligation faite aux investisseurs de proposer un projet de fabrication  locale des équipements associés à la production d’électricité.

Les potentiels partenaires européens ont clairement indiqué tout récemment dans ce domaine que la taille de la première tranche du programme ne permettrait  pas d’amortir les investissements demandés.

« Il faudrait au moins un programme de 8000 MW » selon les estimations évoquées par Tewfik Hasni .

L’expert algérien regrette également que « les décrets pour les tarifs garantis du solaire thermique qui seraient des incitations puissantes au développement de la production n’existent toujours pas contrairement à ceux du photovoltaïque ».

Il suggéré en outre, toujours sur le chapitre de l’aménagement du cadre juridique, que la règle en vigueur du 51 /49 risque d’être un obstacle majeur en rappelant que dans le projet de centrale de Hassi R’mel, dont il a été le principal artisan, l’associé espagnol détient 65 % du capital.

Un projet qui, ajoute-t-il, a fait d’ailleurs l’objet d’ « un copier – coller pur et simple de la part des autorités marocaines dans leurs programmes récents de développement du secteur ».

Des « sociétés de développement » pour booster la filière

Compte tenu des coûts élevés  du programme de développement des énergies renouvelables et de la situation actuelle des finances nationales, l’ancien vice-président de Sonatrach algérien est convaincu de la nécessité du recours au partenariat international qui, précise t’il, est « susceptible d’apporter le capital et la technique mais pourra aussi faire appel à des sources de financements nationales ».

Pour Tewfik Hasni, la démarche d’encadrement très strict adoptée aujourd’hui par les pouvoirs publics se révèle contre productive. « On veut tout définir au préalable à la place des opérateurs, la technique utilisée, les sites de production retenus, le modèle économique, sans parler de la propriété du capital et des multiples contraintes bureaucratiques. Ça ne peut pas marcher ».

L’ancien PDG de Neal, plaide en faveur d’une nouvelle organisation de la filière. Il propose notamment de confier d’abord à « des sociétés de développement » qui « pourraient ensuite être associées au tours de table des actionnaires », le soin d’assurer la maturation  et de concevoir l’architecture générale des programmes.

Ces sociétés devront s’appuyer en priorité sur des partenariats publics-privés et des « organisations en technopoles » regroupées éventuellement au sein de zones franches, suggère l’expert algérien qui dans le même esprit , recommande « de lancer des appels d’offres pour des programmes et non pas pour des projets ».

 

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