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Pourquoi l’Algérie n’avait aucune bonne raison d’accepter l’offre de Mohammed VI

Pourquoi l’Algérie n’avait aucune bonne raison d’accepter l’offre de Mohammed VI

ANALYSE – Comme attendu, l’Algérie a réservé une fin de non-recevoir à l’offre du roi du Maroc pour amorcer un dialogue direct entre les deux pays.

Elle n’a pas réagi officiellement, laissant le soin à une « source autorisée » de faire comprendre que le discours mielleux de Mohamed VI est un « non-événement » qui, en tant que tel, ne mérite pas de « réponse formelle ».

Il faut dire que cette fois, la diplomatie royale a fait preuve d’une grande maladresse, à moins qu’elle n’ait agi sciemment dans le but de provoquer le refus d’Alger. Par principe, l’Algérie ne pouvait accepter une proposition, quelle qu’elle soit, émise dans un discours prononcé à l’occasion de la commémoration de ce que les Marocains appellent la « Marche Verte », et qui est synonyme en Algérie du début de l’occupation illégale du Sahara occidental.

Le roi avait pourtant la latitude de changer de ton à l’égard du voisin de l’Est et d’émettre son idée de dialogue en saisissant d’autres opportunités, sans jeter la suspicion sur son initiative. Il aurait, par exemple, pu inclure dans son dernier message au président Bouteflika à l’occasion de la commémoration du déclenchement de la guerre de Libération nationale.

Il a préféré patienter une semaine pour la faire coïncider avec la célébration de la « Marche Verte », et c’est le genre de « détail » qui ne pouvait échapper à la diplomatie algérienne. Une sorte de vice de forme suffisant pour que l’initiative soit rejetée avant même de prendre connaissance de sa teneur.

En parlant de forme, des analystes marocains avaient relevé que le roi n’avait pas évoqué l’objet même de son discours, la question du Sahara, avant d’avoir émis son offre à l’égard de l’Algérie. Une manière, selon eux, de signifier que le dialogue auquel il appelait n’allait pas être tributaire des développements du conflit avec le Polisario. Or, c’est faire preuve d’une grande ingénuité que de le penser. Il n’y a pas meilleure manière de lier les deux questions que d’évoquer l’une dans un discours consacré en principe à l’autre. Le piège du fait accompli était grossier.

Outre la forme, le timing choisi suscite aussi des doutes. L’offre royale survient en effet à moins d’un mois du début d’un round de pourparlers entre le Maroc et le Front Polisario à Genève. Un round auquel l’Algérie a accepté de prendre part, en tant qu’État voisin, après avoir exigé la requalification de la rencontre de « négociations » en « pourparlers ».

Le roi n’espérait sans doute pas amener l’Algérie à abandonner l’idée d’une solution qui respecte le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination par le biais d’un référendum, mais cette manière de lui imposer le fait accompli pouvait au moins la mettre en porte à faux avec sa position de principe restée immuable pendant plus de quarante ans. Ce choix, à quelques jours de la conférence de Genève, ressemble fort à une tentative de marginaliser le Front Polisario et faire passer la relation algéro-marocaine avant le règlement du problème sahraoui.

En tout cas, les Algériens ont plus d’une raison de penser que cet appel « n’est pas sincère », échaudés qu’ils sont par les précédentes « diversions de Mohammed VI et les fausses ouvertures conçues en fonction des échéances ».

Ce n’est pas la première fois en effet que le royaume se rappelle les vertus du bon voisinage à l’approche d’une échéance internationale décisive où le poids de l’Algérie pouvait s’avérer déterminant. En janvier 2017, quelques semaines avant un sommet de l’Union africaine qui devait examiner la demande de réintégration du Maroc, le roi a dépêché à Alger son ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, pour prêcher le rapprochement et l’entente.

Mais à peine passé le vote de l’UA, le ton belliqueux a repris de plus belle, mêlant campagnes de dénigrement médiatiques et menaces directes d’escalade, jusqu’à cette incroyable accusation d’accointance avec le Hezbollah libanais pour faciliter de prétendues livraisons d’armes au Polisario.

Concernant les questions à régler dans le cadre du dialogue auquel a appelé le roi, notamment la réouverture des frontières terrestres entre les deux pays fermées depuis vingt ans, la balle est dans le camp marocain qui connaît les préalables posés par l’Algérie. Un dialogue direct entre les deux parties ne servira qu’à réitérer les exigences émises publiquement à plusieurs reprises par la diplomatie algérienne.

Autant dire que l’Algérie n’avait aucune bonne raison d’accepter l’offre marocaine. Si Mohamed VI cherchait seulement à provoquer son refus pour lui imputer la responsabilité du blocage aux yeux de la communauté internationale, cette dernière n’est pas dupe et elle n’a sans doute pas la mémoire courte. Elle a vu comment l’Algérie a été récompensée de son soutien à la candidature marocaine pour l’organisation de la Coupe du monde 2026 : des accusations irresponsables d’accointances avec le Hezbollah.

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