Société

Pr Kamel Senhadji : « L’Algérie doit fabriquer les vaccins »

L’Algérie a lancé sa campagne de vaccination anti-Covid, après avoir reçu les premières doses du vaccin russe Spoutnik V. Il y avait de la tension sur le vaccin. L’Algérie ne figure pas parmi les premiers à accéder au vaccin, elle n’est pas non plus parmi les derniers à l’avoir…

Pr Kamel Senhadji, directeur de l’Agence nationale de sécurité sanitaire : Nous avons enfin reçu la potion magique. On aurait bien voulu être parmi les premiers, mais il faut dire qu’on a de la chance, il faut regarder tous les pays qui n’ont pas eu la chance, de par leur situation économique et financière, d’accéder à la possibilité d’avoir le vaccin.

On est donc dans une situation globalement positive, je dirais dans la moyenne des autres pays, mais aussi avec les aléas, comme tous les pays. Même des pays qui produisent le vaccin subissent une tension terrible par rapport à la demande.

Heureusement qu’il y a cette diversité de vaccins qui a permis de commencer à satisfaire au maximum les différentes demandes. Sinon, cela n’aurait pas été possible. Il faut donc saluer la recherche qui a permis d’innover pour obtenir des vaccins dans des délais très courts.

Si on s’était contenté de la technologie classique, on aurait attendu plusieurs mois, voire plusieurs années, pour avoir ces vaccins.

Ces nouvelles technologies, qui s’ajoutent à la technologie classique, et avec toutes les autres firmes qui ne sont pas encore au bout, vont permettre d’avoir dans peu de mois, un choix plus diversifié de vaccins. Je pense que dans six mois, nous aurons une offre beaucoup plus diversifiée qui pourra satisfaire le marché mondial du vaccin.

La fabrication du vaccin russe anti-Covid localement a été évoquée. Est-ce que l’Algérie peut le faire ?

C’est possible, c’est une démarche positive. Nous produisions auparavant certains vaccins comme le BCG, donc on a dans la culture de notre pays un minimum de savoir-faire pour pouvoir fabriquer ce vaccin, et puis nous avons des entreprises de fabrication de médicaments et de vaccins publiques et privées qui sont à même de mettre en route ce projet de redémarrage de la fabrication de ces vaccins qui vont arriver.

Et puis c’est la meilleure façon de ne pas subir ce qu’on voit actuellement comme aléas et tensions. Ce sera aussi le signe d’un pays qui se développe et c’est logique. La crise que nous vivons actuellement nous a donné des leçons, comme quoi les choses ne sont plus comme avant et que, même si on a les moyens financiers et on peut se permettre d’acquérir des médicaments et des vaccins, quand il n’y en a pas ailleurs, même avec de l’argent vous ne pouvez pas les acheter.

Quand on se retrouve en crise, la seule façon d’en sortir c’est de produire sur place et de relocaliser les stratégies essentielles, et ceci vaut pour tous les domaines. La solution pour l’Algérie c’est de remettre en place la fabrication, puisque ça existait auparavant, et se mettre à fabriquer les vaccins.

Je vois même loin, pour adosser à ces laboratoires de vaccins, un centre de vaccinologie doté de chercheurs qui travailleront sur la possibilité de fabrication d’autres vaccins dirigés contre d’autres épidémies. Parce que, hélas, il y en aura d’autres.

Nous avons vu par expérience dans les vingt dernières années une succession d’épidémies ou de pandémies tous les trois ou quatre ans : Ebola, sida, la vache folle, la grippe porcine, aviaire, les trois coronas, l’actuel Covid…

Ce centre de vaccinologie va donc innover pour contrer ces prochaines épidémies à titre d’anticipation, et il faudra en même temps lui adosser des firmes de vaccins publiques ou privées.

Et quel rôle jouera votre Agence dans ce processus de production de vaccins ?

L’Agence nationale de sécurité sanitaire, comme son nom l’indique, a pour mission de travailler dans le sens d’une évaluation et d’une expertise à travers un réseau de laboratoires algériens associés, pour effectuer un travail d’expertise principalement sur la sécurité de toutes ces molécules, en particulier ces vaccins, pour qu’ils soient mis à disposition dans des conditions de sécurité parfaites.

Cette agence va mettre en réseau tous ses moyens de contrôle de laboratoire surtout pour que tous les produits qui impactent la santé du citoyen, que ce soit un virus, un vaccin, un nouveau médicament, un nouveau produit de consommation alimentaire, des émanations de produits toxiques ou de gaz, tout cela doit être détecté, recherché, évalué et produire des décisions pour qu’on puisse se mettre en alerte par rapport à tous ces risques et pouvoir les éliminer, soit en excluant des produits de la vente ou en interdisant un certain nombre de molécules.

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