Politique

Présidentielle : le silence intriguant des partis de l’Alliance

Après s’être livrés à une surenchère dans leur soutien à Bouteflika durant tout l’été et une partie de l’automne, les partis de la majorité ont cessé de parler de cinquième mandat avant de se taire énigmatiquement sur le sujet de la présidentielle vers la mi-décembre.

Paradoxalement, c’est au moment où ils devraient logiquement occuper la scène, soit à trois mois d’une élection cruciale, qu’ils ont « choisi » de se murer dans le silence.

Amar Ghoul, l’homme qui le premier a laissé croire que le pouvoir a d’autres plans que le cinquième mandat, a parlé ce samedi mais sans rien apporter de nouveau et surtout sans convaincre sur ses multiples rétropédalages. Son soutien au programme de Bouteflika est un vieux refrain qui ne risque pas de faire la Une des journaux.

La même chose peut être dite de la sortie simultanée du chef provisoire du FLN qui s’est contenté de promettre de tenir informée l’opinion de toute décision qui serait prise dans la perspective de la présidentielle. Comprendre : aucune décision n’a encore été prise.

Comme à l’occasion du renouvellement partiel du Sénat, lorsque les leaders des deux partis majoritaires n’avaient pas pu éviter l’exercice d’affronter les médias, mais sans presque rien dire de notable en rapport avec le sujet de l’heure. En tout cas, ni Ahmed Ouyahia ni Mouad Bouchareb n’avaient éclairé davantage l’opinion lors de leurs sorties respectives les 29 et 30 décembre. Le premier a renvoyé vers les déclarations du porte-parole de son parti qui, quelques jours auparavant avait estimé qu’il n’y avait pas « d’éléments qui justifieraient un report (de la présidentielle) », tandis que le second a vaguement évoqué le sujet, rappelant les délais légaux de la convocation du corps électoral et ce que tout le monde n’était pas sans savoir : le FLN ne conçoit pas de candidature autre que celle de son président.

Sans surprise, Amara Benyounes, qui dès le départ a refusé d’entrer dans la surenchère des appels au 5e mandat, reste silencieux.

C’est plutôt rachitique comme éléments d’éclairage dans une conjoncture où la visibilité est obstruée par l’épais brouillard de l’indécision. Car tout compte fait, c’est de cela qu’il s’agit. Le silence est parfois plus éloquent que les longs discours, et en désertant littéralement la scène à quelques semaines d’un événement censé être le plus important dans la vie de la nation, les principaux leaders de l’Alliance nous apprennent malgré eux quelque chose de primordial : que le plan à retenir pour la prochaine présidentielle n’est pas tranché et que toutes les options sont sur la table du pouvoir. Y compris celle de la révision constitutionnelle et du report du scrutin que certains ont trop vite enterrée.

Pour faire plus simple, si quelque décision avait été entérinée, cinquième mandat, report, prolongement, révision, succession ou autre, les clairons se seraient déjà mis à sonner bruyamment. À plus forte raison si Abdelaziz Bouteflika avait décidé définitivement de solliciter un cinquième mandat. Cela ne signifie pas qu’il y a renoncé, rien ne permet de l’avancer, mais au moins qu’il y réfléchit toujours.

Il ne reste quasiment plus que trois mois avant le scrutin. Qu’est-ce qui peut expliquer un tel silence au moment où la scène devait bouillonner, sinon que les partis proches du pouvoir n’ont encore reçu aucune feuille de route claire ? On se demande d’ailleurs bien si la consigne de se taire ne leur a pas été donnée lors de la rencontre du 19 décembre à Zéralda qui a bien eu lieu en dépit des dénégations de certains d’entre eux.

Se tenir prêts en attendant le signal ? Car c’est depuis ce conclave que les chefs de l’Alliance, mis à part Amar Ghoul, ont redécouvert les vertus du silence. Reste maintenant à percer le grand mystère : qu’est-ce qui empêche les décideurs de trancher, si tel est bien le cas, alors que l’échéance se rapproche à grands pas ? Incertitudes sur l’évolution de l’état de santé du président, résistances internes voire externes au cinquième mandat, absence de consensus sur un successeur issu du système ou difficulté à rallier l’opposition pour légitimer l’option du report ?

Le silence n’est pas éloquent à tous les coups. Là, on aurait aimé que Bouchareb et les autres se montrent plus loquaces, mais encore faudra-t-il d’abord qu’ils en savent eux-mêmes quelque chose…

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