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Privatisation des entreprises publiques : les bons et les mauvais exemples

Privatisation des entreprises publiques : les bons et les mauvais exemples

La cession ou non des actifs des entreprises publiques constitue un enjeu de taille pour les pouvoirs publics, notamment sur le plan social. Au nombre d’environ 1 200 en comptant les filiales, les entités économiques publiques représentent environ 300 000 emplois directs.

La question de la privatisation des entreprises publiques a été remise au devant de la scène par la signature de la charte du partenariat public – privé (PPP) entre le gouvernement, le patronat et la Centrale syndicale. Un vif débat s’en est immédiatement suivi, animé, notamment, par une contribution bilan de Hamid Temmar publiée par TSA, par Louisa Hanoune, connue pour ses positions quasi dogmatiques anti-privatisation, Amara Benyounès, qui se fait depuis quelque temps le chantre de la libéralisation tous azimuts, Djamel Ould Abbès et un Ouyahia en chef d’orchestre, malmené sur cette question par une bonne partie de la classe politique.

À entendre les divers avis, la cession des actifs publics est la clé du succès pour certains, une porte ouverte sur toutes les dérives pour d’autres.

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Le bilan dressé par l’ancien ministre de l’Industrie et des Participations de l’État, Abdelhamid Temmar évoque pour la période 2004-2008,  au cours de laquelle la quasi totalité des privatisations lancées ont été réalisées : « 420 opérations  dont 210 privatisations totales, 46 partielles, 76 entreprises reprises par les salariés, 32 joint-ventures et 90 cessions d’actifs isolés ».

La réalité du terrain a démontré que les entreprises publiques privatisées n’ont pas toutes connu le même sort. Parmi les entreprises privatisées, toutes n’ont pas été sauvées par l’ouverture de leur capital au privé, et toutes n’ont pas connu l’échec. Il en va de même pour les entreprises qui sont restées dans le giron de l’Etat, certaines continuent à être de vraies réussites et ont prospéré alors que d’autres sont en difficulté et continuent à être de vrais gouffres à fonds publics, tant elles reçoivent de subventions et de sommes faramineuses lors des multiples opérations de recapitalisation. Rien qu’entre 1995 et 1998, elles ont englouti 1.395 milliards de DA (soit 50% du PIB de l’époque). Aujourd’hui, Ahmed Ouyahia parle de 1000 milliards de dinars de dette des entreprises publiques à régler.

Des privatisations ratées

L’entreprise publique dont la privatisation a fait couler le plus d’encre est indéniablement le complexe sidérurgique d’El Hadjar. La plus grande unité industrielle du pays qui symbolise aujourd’hui, à elle seule et de façon abusive, ce que certains qualifient d’« échec de la politique de privatisation ». Cédé en grande pompe au groupe indien Ispat devenu plus tard ArcelorMittal, ce « fleuron de l’industrie nationale » a fini par revenir dans le giron de l’Etat après l’échec du partenaire indien à lui insuffler un nouveau souffle.

Après avoir englouti des sommes colossales en aides directes de l’Etat et en lignes de crédit des banques publiques, l’usine a connu des moments difficiles avec des arrêts de plusieurs mois. Quant aux objectifs en matière de hausse de la production d’acier, ils n’ont jamais été atteints. L’usine continue à fonctionner, mais sans réelle productivité ni rentabilité. Le complexe d’El Hadjar est présenté comme un géant aux pieds d’argile. Le capital privé ne lui a été d’aucun secours.

Les plus sceptiques rappellent aussi que certaines entreprises publiques ne peuvent être reprises par le privé, même quand l’Etat décide de les vendre. L’exemple le plus marquant fut certainement l’échec du gouvernement en 2007 à privatiser une banque publique, le CPA, pour des raisons liées, du moins selon la version officielle, à la crise des sub-primes de l’époque.

Beaucoup de contraintes liées à la vétusté des équipements, un encadrement limité, des méthodes de gestion archaïques ont refroidi les éventuels repreneurs. Cela sans compter les soupçons de malversation et de pots-de-vin qui entourent à tort ou à raison toute opération de privatisation.

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Des entreprises publiques non-privatisées mais prospères 

Toutes les entreprises publiques ne sont pas en difficulté, plusieurs sont même prospères et engendrent d’importants bénéfices. Ce qui caractérise ces entités publiques est qu’elles sont portées par un marché dynamique pour les services ou produits qu’elles fournissent ou par une faible concurrence.

Ainsi, Fondal d’El Harrach, spécialisée dans la fabrication de mobilier et équipements en fonte couvre environ 40% des besoins nationaux et arrive facilement à faire face à la concurrence des importateurs. L’entreprise fournit du mobilier et des équipements en fonte à plusieurs grandes entreprises algériennes comme Cosider et Cevital Construction.

Dans le textile, l’EPE C&H Fashion arrive à produire 25 millions d’articles par an dans ses 13 unités, et a pu, en 2008, décrocher un marché pour fournir un grand lot de chemises à la police française. «C&H a déjà exporté vers le Portugal. Elle a équipé certains corps constitués de ce pays. Il a également fourni de la chemise et équipé la police française», rappelait récemment son directeur général sur le site algerie-eco.com.

Leather Industries & ACED fait presque aussi bien dans le cuir, l’entreprise arrive à produire des articles de qualité, tout en valorisant une matière première locale qui est longtemps restée inexploitée.

Leather Industries et C&H Fashion sont en pleine phase de croissance et ont commencé à faire revivre les magasins Distriech, longtemps abandonnés. Les deux entités industrielles commercialisent leurs productions dans les anciennes boutiques réhabilitées sous l’enseigne « Jacket’s Club » qui sont déjà 22 à avoir été rouvertes à travers le pays.

De nombreuses autres unités publiques ont su tirer leur épingle du jeu sans l’apport du privé. Socothyd (cotonnerie médicale), BCR (boulonnerie et robinetterie), l’Enel de Fréha, à Tizi Ouzou (appareillages et pompes électriques) sont des fleurons de l’industrie nationale et la fierté du secteur public. Ces exemples de réussite sont mis en avant par les anti-privatisations à chaque fois que le débat sur la question est enclenché.

Des partenariats public-privé à grand succès

La reprise des entreprises publiques par le capital privé peut parfois- souvent même- valoir des satisfactions. Des industriels algériens et étrangers ont prouvé que des unités au bord de la faillite peuvent être sauvées.

Premier exemple de la réussite du privé là où l’Etat a échoué, l’essor des marques d’eau minérale Lalla Khedidja et de boissons Cojek depuis leur reprise par le plus grand groupe privé national, Cevital. Toujours dans l’agroalimentaire, la célèbre marque de jus de fruits Ngaous connaît un large succès depuis sa reprise par le groupe Mazouz, de même que l’ex-Sogedia de Béjaïa reprise par La Belle et l’Entreprise nationale des corps gras, désormais propriété des Kouninef. Même la légendaire eau minérale Saïda connaît une seconde vie avec le groupe privé algérien Yaïci.

Ce sont là les marques les plus connues. Beaucoup d’autres, certes moins prestigieuses, sont toujours présentes sur les rayons des magasins grâce à leur reprise par le privé. Les laiteries publiques, comme celle de Draâ Benkheda qui produit le camembert Tassili, les ex-Eriad, anciennes minoteries publiques, en font partie.

Le secteur de l’hôtellerie et du tourisme nous offre également de nombreux exemples de réussite de la privatisation, comme l’hôtel Aurassi (ouverture en partie du capital en bourse). Même si certaines opérations ont tourné court (le CPE a annulé la vente de l’hôtel Ryad de Sidi Fredj, Maghreb d’Oran et El Hidhab de Sétif), d’autres privatisations d’infrastructures hôtelières sont annoncées, dont l’hôtel El Djazaïr, Essafir et El Manar.

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Le partenariat avec des repreneurs étrangers a aussi donné des résultats avec des entreprises ayant retrouvé la compétitivité après avoir frôlé la faillite.

L’unité de fabrication de tracteurs de Constantine est restée pendant de longues années à l’arrêt et n’a repris son activité qu’après la conclusion d’un partenariat entre le géant américain Massey-Ferguson et l’Entreprise de fabrication de tracteurs agricoles (Etrag) ainsi que  l’Entreprise algérienne de distribution de matériels agricoles (Pmat).

Un partenariat du reste fructueux puisque les tracteurs sortent de nouveau de cette usine à une cadence soutenue de 3 500 unités par an. Massey-Ferguson a investi notamment dans la modernisation et la réorganisation de l’unité de production, l’amélioration de la qualité du produit et la formation du personnel.

L’Allemand Henkel a aussi accompli de grands progrès avec les unités de détergents de l’ex-ENAD de Chelghoum Laïd, de Lakhdaria et de Aïn Témouchent, de même que l’Espagnol Villar Mir a boosté la production et la qualité des engrais d’Asmidal Annaba. Toutefois, cette dernière entreprise était déjà performante avant sa cession, ses bilans étaient largement positifs et l’arrivée de Fertial n’a fait qu’accélérer une dynamique de succès sur laquelle Asmidal était lancée depuis plusieurs années. En 2004, soit une année avant l’ouverture de son capital au privé, l’entreprise a exporté pour 138 millions de dollars de nitrates, d’engrais et d’ammoniac. La privatisation d’Asmidal n’a probablement pas été motivée par des difficultés qu’aurait connues l’entreprise.

De nombreux autres projets réussis en reprise du capital ou en joint-venture existent, comme l’AMC (appareils de mesure) d’El Eulma, la gestion des ports d’Alger et de Béjaïa par les Emiratis et les Singapouriens respectivement. Même les entreprises publiques en bonne santé financière ne s’empêchent pas parfois de tenter des partenariats avec le capital privé national ou étranger.

C’est le cas de l’EPE C&H Fashion citée plus haut et qui est en train de réaliser un grand complexe appelé le village du textile de Sidi El Khettab, dans la wilaya de Relizane, en partenariat avec un investisseur turc dans le cadre de la règle 51/49. Les perspectives sont prometteuses et une bonne partie de la production de ce complexe sera destinée à l’exportation.

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