search-form-close
Projet de loi sur la santé : un syndicat dénonce « l’influence des lobbys »

Projet de loi sur la santé : un syndicat dénonce « l’influence des lobbys »

Le Dr Merabet Lyes, président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (Snpsp) a dénoncé, vendredi 6 avril, l’influence qu’ont eu « les lobbys du secteur privé » sur la confection du projet de loi sur la santé.

C’est en marge de la conférence de presse conjointe du Camra et du Snpsp que le Dr Merabet a dénoncé le texte qui est, selon lui, « un projet fait sur mesure pour le lobby du secteur privé et tous ceux qui ont intérêt à consolider et à renforcer la prédominance du secteur privé dans le système de santé algérien ».

Pour le président du Snpsp, la confection de ce projet de loi a été réalisée sans concertation avec les partenaires sociaux. Son syndicat n’a jamais été sollicité pour formuler ses propositions.

Une mise à l’écart des syndicats et des partenaires sociaux qui est, selon le Dr Merabet, de « la responsabilité de l’ancien ministre de la Santé, M. Boudiaf, qui n’a pas respecté son engagement d’installer une commission nationale qui devait être chargée de réfléchir sur un avant-projet consensuel que défendaient les partenaires sociaux ».

Le projet de loi sur la santé a « une orientation qui ne va pas dans le sens de l’intérêt général de la population par rapport, notamment, à l’accès aux soins », a dénoncé le Dr Merabet.

| LIRE AUSSI : Grève des résidents : les nouvelles propositions du ministre de la Santé

L’interdiction de l’activité complémentaire abandonnée

Parmi les nombreux points du texte sur lesquels le Snpsp a exprimé son désaccord, celui concernant l’activité complémentaire est, pour le président de ce syndicat un des plus graves.

Le projet de loi remis à l’APN par le ministère de la Santé prévoyait, dans son article 176, l’interdiction de l’activité complémentaire aux praticiens de la santé publique.

« Il (le professionnel de la santé publique) ne peut exercer une activité complémentaire et/ou lucrative à titre privé de quelque nature que ce soit, à l’exception des activités de formation, d’enseignement et de recherche ou des activités scientifiques, littéraires et artistiques exercées conformément à la législation et réglementation en vigueur », stipule l’article initialement proposé.

L’article a été supprimé par la Commission de la santé de l’APN, selon le Dr Merabet. « Cet article a sauté durant les débats et c’est l’un des principaux amendements apportés par la commission qui est censée défendre les intérêts du citoyen », a-t-il expliqué à TSA.

La raison du retrait de cet article du projet de loi illustre, selon le Dr Merabet, « l’influence des corporations, des clans du secteur privé » dont les représentants « ont axé leur plaidoirie sur la nécessité de préserver l’activité complémentaire car cette disposition va dans le sens de leurs intérêts ».

Le secteur de la santé public saigné à blanc par le privé

L’autorisation de l’activité complémentaire, en plus de priver le secteur public de ses ressources, crée de nombreux problèmes et conflits, les responsabilités ne sont plus clairement définies dans le public dont la séparation avec le privé est de plus en plus floue. Une situation aggravée par la faiblesse des institutions et l’inefficacité des organes de contrôle.

« C’est une perversion d’avoir autorisé cette activité complémentaire, pour nous le système de santé de notre pays, les dispositifs réglementaires, les instances de contrôle ne sont pas assez organisés pour contrôler qui fait quoi », a dénoncé le Dr Merabet, pour qui l’activité complémentaire est la cause de nombreux scandales qui entachent la santé en Algérie.

Le président du Snpsp rappelle « les histoires qui ont fait la une des journaux pendant des années et de manière récurrente, ces témoignages de malades qui ont été recrutés dans des hôpitaux publics pour être opérés dans une clinique privées ».

Pour le Dr Merabet, l’activité complémentaire saigne à blanc le secteur public en détournant une grande partie de ses ressources humaines. « Nous savons que 80% des ressources humaines qui font tourner les cliniques privées sont puisées directement dans le secteur public », affirme-t-il.

Une hémorragie qui ne concerne pas seulement les médecins spécialités mais tous les corps de métier. « Quand je parle d’une intervention chirurgicale faite dans le privé par un chirurgien du public, il n’y a pas que le professeur du CHU qui est concerné, il emmène avec lui le maître assistant de son service, l’anesthésiste, le réanimateur, l’infirmier, c’est toute une équipe qui le suit », déplore le Dr Merabet qui affirme que « de cette façon, le secteur public alimente de façon directe ou indirecte le secteur privé qui n’investit ni dans la formation ni dans le recrutement ».

Vers une libéralisation accrue de la santé

C’est l’ensemble de l’orientation que donnent les autorités algériennes au système de santé qui est décriée par le Snpsp. Une orientation de plus en plus libérale et qui favorise et renforce le secteur privé, selon le président du syndicat.

Le changement du statut des établissements publics de santé est un indice qui corrobore cette hypothèse, selon notre interlocuteur. Pour le Dr Merabet, « il est question de changer de statut aux établissements de santé publics, on ne parle plus d’établissement public à caractère administratif (EPA) qui relève de l’État et des dispositions de la fonction publique mais d’établissement public à gestion spécifique et à caractère sanitaire, tel que proposé dans le projet de loi. Ça veut dire beaucoup de choses ».

La volonté de libéraliser le secteur de la santé en Algérie ne fait aucun doute pour le Snpsp et la stratégie adoptée pour ce faire est claire : « Il y a une volonté à peine voilée d’aller vers autre chose en matière d’organisation et de financement du système de santé en diminuant les financements publics et en cédant des parts au secteur privé mais en continuant à couvrir ses dépenses lorsqu’il s’investit dans les prestations de soins publics ».

L’État est en passe de participer au financement d’investissements privés dans la santé, à condition que ces privés s’impliquent dans les activités d’urgence, des soins de base, dans les opérations de santé publique et de prévention.

« Une orientation malsaine », pour le Dr Merabet, car dans ce cas, « l’État pourrait participer au financement du secteur privé, ce qui n’est pas normal ».

La mutualisation des moyens du secteur privé et du secteur public, un projet annoncé et promu par des cadres du ministère de la Santé, y compris par l’actuel ministre est « tout aussi dangereux », pour le Dr Merabet.

« On ne voit pas comment un privé pourrait investir dans un hôpital de 120 lits et se mettre à opérer gratuitement les citoyens, ça ne peut pas marcher parce que tout simplement un privé n’investit dans un domaine que pour gagner de l’argent », avertit le président du Snpsp.

Le projet de loi sur la santé est actuellement au niveau de la Commission de la santé de l’APN et il devrait être soumis à l’approbation de la chambre basse du Parlement prochainement. Le président du Snpsp a exprimé son souhait « qu’il n’y ait pas de précipitation dans l’adoption de cette loi » qui risque de causer « énormément de tort à la santé en Algérie ».

  • Les derniers articles

close