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Protectionnisme américain, fiasco du G7 : des signes de l’avènement d’un monde multipolaire ?

Protectionnisme américain, fiasco du G7 : des signes de l’avènement d’un monde multipolaire ?

Alors que les participants au sommet du G7, à Québec (Canada) pensaient-être arrivés à un compromis sur leurs différends commerciaux, Donald Trump a décidé, depuis son avion le menant à Singapour pour rencontrer le leader nord-coréen Kim-Jung Un, de retirer le sceau de son gouvernement à un document de 28 pages qui avait été péniblement négocié entre le « Groupe des 7 » (Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni, France, Allemagne, Italie, Japon).

Le fiasco du G7, la politique commerciale protectionniste de Donald Trump vis-à-vis de ses alliés et partenaires historiques, et l’avènement de Trump lui-même à la tête des Etats-Unis, seraient-ils le symptôme d’un déclin économique des Etats-Unis entrainant dans leur sillage un ordre économique mondial qu’ils ont eux-mêmes contribué à façonner ? Donald Trump est peut-être en train de faciliter l’avènement du monde multipolaire prôné par des pays émergents comme la Chine et la Russie.

Protectionnisme et déclin industriel américains

Les Etats-Unis, comme d’autres pays industrialisés, font face à la concurrence des pays où le coût de la main d’œuvre est plus faible, comme la Chine, l’Inde et le Brésil, conduisant nombre d’entreprises américaines, comme dans l’automobile, à délocaliser leur production soit au Mexique ou en Chine, causant ainsi la perte de milliers d’emplois aux Etats-Unis. Ce sont là des effets de la mondialisation.

Donald Trump est arrivé au pouvoir avec la promesse de remédier à cette situation en protégeant l’économie et les emplois américains de ce qu’il considère être un « commerce déloyal ». Le discours protectionniste de Donald Trump, martelé à satiété durant sa campagne électorale pour les présidentielles américaines de 2016, avait fortement séduit les classes ouvrières américaines blanches qui l’ont porté un pouvoir.

Depuis les années 1980, celles-ci subissent un lent déclassement social suite au déclin industriel du nord-est des Etats-Unis. Paradoxalement, à travers Donald Trump – lui-même milliardaire ayant hérité sa fortune de son père Fred Trump, magnat de l’immobilier new-yorkais – ce sont en quelques sortes les perdants de la mondialisation aux Etats-Unis qui ont accédé au pouvoir dans la première puissance économique mondial.

L’élection de Trump est la conséquence directe d’un affaiblissement économique et social interne aux Etats-Unis qui se manifeste, sur le plan externe, par une politique protectionniste pour protéger une industrie et une économie qui donnent l’impression de ne plus être capables de tirer bénéfice d’un système commercial mondial, que les Etats-Unis ont eux-mêmes contribué à créer.

Déclin du système commercial du libre-échange ?

Les récentes mesures protectionnistes américaines sont autant de coups de boutoirs à un ordre économique et commercial mondial basé sur le libre-échange et la libre concurrence dont les Etats-Unis sont traditionnellement les gardiens.

Le président du Conseil européen, Donald Tusk, s’est lui-même inquiété « (…) que l’ordre mondial basé sur des règles communes [soit] remis en question, non pas par les suspects habituels, mais, surprise, par son principal architecte et garant, les États-Unis», a-t-il affirmé lors d’un point de presse lors du sommet du G7 à La Malbaie.

C’est au sortir de la Seconde Guerre mondiale que cet ordre mondial s’est affirmé comme une sorte d’antidote à ce qui était alors considéré comme étant l’une des causes du Conflit, à savoir les désordres économiques de l’entre-deux guerres, la récession de 1929 et le manque de coopération économique internationale.

C’est ainsi que l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, l’AGETAC, plus connu sous le vocable de GATT, a été signé le 30 octobre 1947 par 23 pays, sous l’impulsion des Etats-Unis, à une époque où ce pays, grand vainqueur de la 2ème guerre mondiale, s’affirmait comme un leader sur la scène globale.

Le GATT avait pour but de promouvoir le libre-échange commercial à travers la réduction des droits de douane et la suppression de toute restriction quantitative ou qualitative aux échanges commerciaux. Les principes du GATT, puis de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui le remplacera en 1994, participent de la même doctrine économique libérale que celle du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale.

Les Etats-Unis, et leurs alliés européens, ont érigé cette doctrine économique en une orthodoxie dogmatique et ont veillé à ce qu’elle soit étendue au monde entier et respectée de tous.

Certains pays en développement, comme le Brésil et la Chine, ont pu tirer des bénéfices de ce système, mais d’autres pays moins avancés, comme certains pays africains, y ont plus perdu que gagné.

En passant, le système commercial libre-échangiste a permis aux Etats-Unis et à leurs alliés d’asseoir leur suprématie sur le commerce mondial alors même que leurs propres économies n’ont pu se développer que grâce au protectionnisme aux 18ème et 19ème siècles.

Aujourd’hui, ce sont les Etats-Unis de Donald Trump qui remettent en cause cet ordre des relations commerciales internationales en dressant des barrières tarifaires en fonction de l’existence d’un excédent ou d’un déficit commercial avec les Etats-Unis.

Est-ce le signe annonciateur d’un déclin de l’ordre commercial libéral, comme s’en inquiète le président du Conseil européen, Donald Tusk ?

Avènement d’un ordre international multipolaire ?

Ironiquement, pendant que le sommet du G7 tournait au fiasco, se tenait le 18ème sommet de l’Organisation de coopération de Shanghaï (OCS), à Qingdao, en Chine, durant lequel les dirigeants de 8 pays eurasiatiques (Chine, Russie, Inde, Pakistan, Kazakhstan, du Kirghizstan, du Tadjikistan et Ouzbékistan) plus l’Iran qui a statut d’observateur, tentaient d’afficher leur unité.

L’OCS a été créée en 1996 avec pour objectif d’accompagner les processus d’indépendance des anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale. Aujourd’hui sa vocation est davantage tournée vers les questions de sécurité et de lutte antiterroriste mais elle est perçue par la Chine comme un moyen de promouvoir sa vision d’un nouveau type de relations internationales.

Même s’il existe de profonds désaccords entre certains membres de l’OSC (différends frontaliers indo-pakistanais et sinno-indien), le président chinois, Xi Jinping, a souhaité que les participants mettent de côté leurs différends.

En tout cas le symbole est fort, car après tout l’OSC représente un poids géostratégiques considérable avec 3,2 milliards d’habitants, une superficie de 37,5 millions km², un PIB cumulé de 37 200 milliards de dollars, 5,6 millions de militaires et surtout une production de pétrole cumulée de 1 015 millions de tonnes par an (avec l’Iran).

Dans le monde multipolaire que ses membres, surtout la Chine, la Russie et l’Inde, appellent de leurs vœux, l’OSC dispose d’atouts considérables pour jouer un rôle de premier plan. Mais pour cela, encore faut-t-il que ces puissances mettent à plat les différends qui existent entre elles.

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